• Exposition Edvard Munch ou l’Anti-Cri à la Pinacothèque de Paris

    Celle qui est en vacances mais travaille à Paris m’attend mercredi matin à la gare Saint-Lazare. Une belle journée s’annonce, ciel dégagé, soleil radieux, nous remontons la rue d’Amsterdam pour aller au cimetière Montmartre où nous visitons les tombes de Fred Chichin (avec le merle d’à côté), Henri Beyle (dit Stendhal), Vaslav Nijinski (à la mélancolique sculpture), Gustave Moreau, Jacques Offenbach, Edgar Degas, Théophile Gautier (vieilles gloires), François Truffaut (aux tickets de métro) et Dalida (à la faute d’orthographe corrigée), ne trouvant pas davantage que lorsque j’y suis passé seul celle de Marcel Jouhandeau mais découvrant par hasard celles d’Adolphe Sax (au saxophone évidemment) et de Victor Brauner (aux blanches têtes opposées). Nulle trace pour la postérité de ces rencontres, elle et moi n’avons pas songé à emporter nos appareils photo.

    Du cimetière, nous allons à pied jusqu’à la Madeleine pour l’exposition Edvard Munch ou l’Anti-Cri. Petite attente sur le trottoir sous la poussière tombant d’un échafaudage que l’on démonte à côté, puis nous entrons dans la Pinacothèque de Paris. Première déception, elle doit payer huit euros malgré sa carte d’étudiante en art appliqué (pour moi c’est dix). Ce n’est rien en regard de la suite. Un sombre escalier nous mène dans une première salle où s’étalent les toiles du Munch impressionniste du début, passons, ensuite ce ne sont que gravures, bonnes mais peu visibles car se trouve dans cet exposoir un nombre effrayant de visiteurs dont beaucoup attachent davantage d’importance aux textes explicatifs imprimés sur les murs qu’aux œuvres. Nous descendons au sous-sol où sont accrochées d’autres peintures de deuxième ou troisième choix dans des salles exiguës et mal éclairées. Combien nous sommes loin de la bonne exposition vue ensemble il y a deux ans à la Fondation Beyeler et je songe qu’il y en a ici qui vont penser que c’est ça, Munch.

    « Edvard Munch est connu exclusivement pour une seule œuvre : Le Cri » prétend Marc Restellini, le directeur de la Pinacothèque de Paris dans son éditorial. C’est faux, il est connu pour d’autres très bonnes toiles et aucune n’est présentée chez lui.

    Aussi déçus l’un que l’autre par cet Edvard Munch ou l’Anti-Cri (titre ridicule qui aurait dû nous alerter), nous quittons rapidement cette Pinacothèque avec la désagréable certitude de nous être fait arnaquer, jurant de n’y plus mettre les pieds et allant nous consoler dans un restaurant du quartier japonais de l’Opéra.

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    Je lis les Entretiens que Cioran a eus avec des journalistes étrangers (il snobait les autochtones) publiés chez Gallimard dans la collection Arcades. Echantillon, tiré de celui avec Léo Gillet fait à la Maison Descartes d’Amsterdam le premier février mil neuf cent quatre-vingt-deux : « Vous comprenez, écrire des aphorismes est très simple : vous allez dans les dîners, une dame dit une bêtise, ça vous inspire une réflexion, vous rentrez à la maison, vous l’écrivez. »

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    Cioran aussi aveugle que quiconque sur l’avenir du monde, qui déclarait à propos des Soviétiques : « Pour l’Europe, je crois qu’elle va finir par céder, face à la Russie. Je ne pense pas à une agression, mais à des pressions, chaque fois plus fortes, sur une Europe épuisée. » (Entretien avec Esther Seligson pour la revue mexicaine Vuelta, février mil neuf cent quatre-vingt-cinq).

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