• Exposition Eileen Gray au Centre Pompidou

    C’est au bar du Faubourg, avenue Ledru-Rollin, que j’attends ce mercredi l’ouverture du magasin Book-Off. J’ai avec moi une pile de livres qu’on ne peut vendre qu’à Paris. Je bois un café en lisant Libération. De l’autre côté de l’avenue, au-dessus du Mac Do, des jeunes gens courent sur un tapis face aux baies vitrées qui leur permettent de voir le mouvement de la rue pendant qu’ils fatiguent leur corps. A l’intérieur du café, on parle toujours de ça : « Il paraît qu’il y a aussi de la viande de cheval dans les Panzani ». « C’est pour ça qu’elles sont meilleures ».

    A dix heures, je me pointe à la porte de Book-Off et y découvre une affichette fâcheuse : « Inventaire : ouverture à 13h ». Fichtre, quoi faire ?

    C’est en marchant longuement sur la Coulée Verte jusqu’à la piscine de Reuilly que j’atteins onze heures. Un demi-tour me ramène dans le quartier à midi. J’y mange une langue de bœuf au Rallye, le Péhému tenu par des Chinois où tous les pauvres du coin gaspillent leur peu d’argent dans les jeux de hasard. A une autre table déjeunent trois syndicalistes du commerce (un homme qui dirige et deux femmes qui suivent). Il est question de magasins et de Céheu. « C’est comme mon ancienne directrice, déclare le syndicaliste, elle arrivait à la boutique avec une ras du cul et les nichons à l’air. » La langue est bonne mais le côtes-du-rhône infect. L’une des syndicalistes finit par tenter sa chance au grattage. Deux autres femmes mangent à ma gauche, des collègues. Non seulement elles ne se parlent pas mais elles évitent de se regarder. L’une sauce son assiette d’une façon maladive jusqu’à la disparition du pain. Où que je sois, j’ai de plus en plus l’impression d’être entouré de malades mentaux.

    A treize heures, je suis chez Book Off où j’ai la malchance d’avoir affaire à la plus grande des employées qui est aussi la plus mal aimable. Elle me propose une somme ridicule pour mes livres. Je ne discute pas, fais le tour de la boutique, ressors sans livre acheté et rejoins à pied le Centre Pompidou. La file des frigorifié(e)s s’allonge sur la plazza, la faute à Dali. Ma carte d’adhérent me permet cette fois d’entrer sans tarder. La chenille m’emmène au sixième où serpente la deuxième file d’attente pour Dali. Je pénètre dans l’autre l’exposition du moment : Eileen Gray. « Non, c’est pas Dali, explique une femme à son enfant, c’est une dame qui fait des meubles bizarres. » De cette disagneuse, je ne sais pas grand-chose. Je vois qu’elle a aussi fait œuvre d’architecte et que c’est la reine du tiroir pivotant. Ses fauteuils transat me tentent mais ils sont interdits. C’est sur un banc dur que je m’assois pour regarder qui passe.

    -T’as pas l’air passionné par ce qu’on voit, dit une jeune fille à celui qui l’accompagne.

    -Si, j’aime bien, oui, lui répond-il sans enthousiasme.

    C’est aussi mon point de vue.

    *

    Un ouvrier arabe au comptoir du Rallye : « Nous on a le droit de manger de la cochonne mais pas du cochon. »

    *

    On s’indigne à Paris du prix de la tasse de café de province au comptoir. Un euro quarante alors qu’ici c’est un euro ! On oublie de dire que dans la salle le café passe à deux euros quarante.

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