• Exposition Hey, little girl de Kris Gautier à la School Gallery

    Samedi matin, je prends le métro pour Bastille et de là gagne Book-Off où je solde ma carte de fidélité, la maison n’y croyant plus ; dans mon sac de plastique noir, entre autres, les Petites épiphanies de Caio Fernando Abreu, soixante-deux chroniques parues dans le quotidien O Estado de São Paulo et le magazine Zero Hora de l’écrivain brésilien mort du sida à quarante-huit ans, un livre publié chez José Corti.

    Je déjeune d’un menu vapeur chez Délices Traiteur puis rejoins à pied le Mona Lisait de la rue Pavée où une caissière qui pouffe me fait un peu plus tard une carte de fidélité plastifiée avec code barre à l’intérieur de laquelle s’inscrivent mes achats : le tome deux d’Après l’Histoire de Philippe Muray (Les Belles-Lettres), Philosophie pratique de Giacomo Leopardi (Rivages Poche), Ephèbes et courtisanes d’Al-Jahiz (Rivages Poche) et la Correspondance de Charles Bukowski (Grasset).

    Un café s’impose que je prends rue du Temple en terrasse au Saint-Gervais, un œil sur les jolies filles du quartier, l’autre sur les Petites épiphanies … ces couples qui en fin de semaine, mangent des pizzas arrosées de fanta et de guaraná dans les restaurants, et se regardent à peine en se disant des choses du genre « tu trouves que j’aurais dû donner le numéro de téléphone de Catarina à Eliete ? » -et l’autre répond par un grognement. Une élégante femme en tailleur blanc et chapeau, une fleur rose à la boutonnière, s’assoit deux tables à ma gauche en compagnie de deux autres qu’on ne remarque pas. Une jeune passante s’avance vers elle et lui demande si elle peut la prendre en photo pour son blog.

    -Il est sérieux au moins votre blog ? demande l’élégante avant d’accepter.

    Peut-être est-ce une célébrité inconnue de moi. Inconnu de moi l’est autant Kris Gautier dont je vais voir ensuite l’exposition Hey, little girl à la School Gallery d’Olivier Castaing, rue Vieille-du-Temple. Je pousse la porte cochère. Un chemin pavé végétalisé s’ouvre devant moi. Je ne vais pas loin, entre à droite où sont accrochées une quinzaine de photos en noir et blanc dont la modèle est une petite fille au regard sombre et au grand front qui aurait beaucoup plu à Lewis Carroll, une sauvageonne posant dans une nature rébarbative, dont les nus sont pudiques. La seule photo en couleurs la montre se noyant telle une Ophélie dans les feuillages rouges. J’apprends que ces photographies jamais exposées ont vingt ans, Alice doit avoir bien changé.

    *

    Sur la façade abîmée par le temps on lisait, sur une plaque : « Il y a toujours quelque chose d’absent qui me tourmente » -phrase extraite d’une lettre écrite par Camille Claudel à Rodin, en 1886. De cette maison, disait la plaque, Camille était partie directement à l’hospice, où elle est restée jusqu’à sa mort. lis-je dans les Petites épiphanies de Caio Fernando Abreu.

    Elle est toujours là, cette plaque, sur la façade du numéro 19 du quai de Bourbon, à la même place. Quand vous irez à Paris, un jour, cherchez-la.

    A ma prochaine venue, avant la traversée de l’Atlantique, je passerai par là.

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