• Exposition Larry Clark au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris

    Le train est là pour m’emmener à Paris ce mercredi matin, juste en retard de vingt minutes en raison d’un problème de signalisation, retard qui sera augmenté par l’arrêt dans des gares inhabituelles à cause de la grève. A l’arrivée, la ligne Quatorze du métro, entièrement automatisée, me dépose à Châtelet d’où je gagne à pied le Quartier Latin. Il fait froid, la faute à un vent coulis.

    Quand j’arrive devant chez Boulinier, je constate que les bacs de livres sont en vrac sur le trottoir et le gérant comme perdu sur son seuil. A ses pieds, des ouvriers étalent sur le trottoir un nouvel enrobé dont chacun sait les vapeurs cancérigènes (bien entendu, ces malheureux ont la peau noire).

    Foin de Boulinier, je me rabats chez les Gibert, sans y trouver rien d’excitant. Je déjeune très tôt chez le kebabier où j’ai mes habitudes puis retourne à Châtelet. Rue des Bourbonnais, je fouille dans les bacs de Gilda dans une ambiance d’insurrection. En face, bloquant l’entrée du Lycée Professionnel Pierre Lescot, des élèves ne savent pas quoi faire de leur colère. Ils crient qu’ils ne sont pas fatigués et tapent sur des poubelles. Toujours pas de livres pour moi, mais ça s’arrange chez Mona Lisait, rue Saint-Martin. J’y achète Claude Berri rencontre Léo Castelli (Editions Renn) et Corps divins (Editions du Chêne), délicieux recueil d’œuvres de Pierre et Gilles dans lequel se côtoient, parmi bien d’autres, Vénus, Bouddha, Adam et Eve, Mercure, Saint Sébastien, Cloclo, Le Petit Communiste, Léda, Sainte Thérèse de Lisieux et Les Boules de Noël. Plaisir supplémentaire, les textes sont d’Odon Vallet. J’en prends deux de ces Corps divins, le second pour celle que je ne peux voir aujourd’hui à Paris.

    Bien chargé, je m’en vais voir à quoi ressemble l’exposition Larry Clark au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, goûtant à l’attente et à l’entassement du métro les jours de grève. Je m’en extrais avenue d’Iéna où il commence à faire moins froid.

    Kiss The Past Hello est donc, le Maire Delanoë l’a voulu, une exposition interdite aux moins de dix-huit ans, pour cause de sexe, drogue et jeu avec la mort, une faute de politicien pusillanime ayant pris conseil auprès d’avocats poltrons. On y trouve beaucoup de jeunes qui ont l’âge requis et beaucoup moins de vieux qu’à l’exposition porte-Monet du Grand Palais. Deux groupes sont en visite guidée bruyante, gênant la bonne vue des photos, surtout celles de l’époque de Tulsa aux dimensions réduites.

    Je prends les images dans l’ordre avec d’abord les photos professionnelles de Frances Clark, la mère de l’artiste, qui dans son studio réalisait des portraits de bébés et d’animaux puis les photos de Larry jeune, tirées de ses deux livres Tulsa et Teenage Lust, certaines assez terribles avec aiguille plantée dans le bras, puis celles des années quatre-vingt-dix, des séries noir et blanc dont une, ludique, consacrée aux diverses façons de se suicider, ainsi que punkPicasso, sorte d’installation où se mêlent images de la période Tulsa, disques vinyles de l’époque, faits divers tirés des journaux, lettres personnelles, dessins de ses enfants, etc., enfin dans la dernière salle, les photos faites avec de jeunes Latinos de Los Angeles, grand format et couleurs saturées. Larry Clark est doué pour transmettre les douleurs (envenimées par les injustices sociales) de l’adolescence.

    Quand je sors de là, je n’ai pas envie de connaître à nouveau la promiscuité du métro. Sous le soleil, je chemine jusqu’à la place de la Concorde puis passe par l’église de la Madeleine, dépasse la gare Saint-Lazare et m’arrête place Clichy où je prends un café en terrasse sous un soleil déclinant.

    Mon retour à Rouen est avancé pour cause de grève des trains. Celui que je prends est bondé. J’y ai une place assise, plus chanceux que celles et ceux assis dans les marches ou les couloirs et qui ne se plaignent pas.

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    La Sénatrice rouennaise, Catherine Morin-Desailly, après qu’elle a voté la énième loi honteuse sur l’immigration et la loi injuste sur les retraites, s’intéresse à la Culture (avec son grand Cé). Elle organise, samedi prochain, en compagnie de la Rectrice, une conférence débat intitulée Lira-t-on encore sur le papier demain ?

    Vu le choix des invités : Matthieu de Montchalin (directeur de la librairie L’Armitière), Gilles de la Porte (Président du portail Mille et Une Librairies Point Com) et Michel Lépinay (directeur de Paris Normandie), la réponse sera oui.

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    Jeudi matin à Rouen, une banderole flotte sur la terrasse d’une maison à pans de bois de la place Barthélemy face à l’église Saint-Maclou : « Salariés du Social en Colère ». Rue Saint-Romain, une affiche anonyme : « Démantèlement des Services Publics, Radiations abusives à Pôle Emploi, Politique d’Etat xénophobe, Stop !!! »

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    Ce jeudi, je choisis pour prendre un café un autre lieu que la place de la Pucelle, où Europe Un réalise ses émissions niaises sous la protection des Céhéresses, le studio ayant été encerclé par un millier de branlotin(e)s jetant des œufs.

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