• Exposition Le Tampographe Sardon à la galerie Nabokov

    Vendredi, après un voyage sans histoire, j’arrive à la gare Saint-Lazare elle aussi rénovée. Pour rejoindre la ligne douze du métro, j’ai la désagréable impression de devoir passer par le centre commercial rouennais des Docks Soixante-Seize, mêmes boutiques clinquantes et vulgaires, mêmes escaliers mécaniques pour aller d’un niveau à l’autre. Le contraste est brutal quand on rejoint le couloir du métro, vieilli et crade.

    Mes affaires déposées aux Amiraux, je repars par la ligne quatre et descends à Saint-Michel pour me rendre à la bouquinerie anglaise de la rue de la Parcheminerie où j’espère me débarrasser de quelques livres écrits dans la langue de Shakespeare. Il est difficile d’y entrer, les livres envahissent tout l’espace. Ce n’est pas encore comme chez Joseph Trotta à Rouen mais ça en prend le chemin. Je me faufile et trouve le bouquiniste en conversation avec une dame qui en vend également. Cette femme vante son travail d’institutrice pour enfants en difficulté, que deviendraient-ils sans elle, il serait temps que l’on reconnaisse sa valeur, pour ça un changement de couleur politique serait nécessaire. Elle ne cesse de me regarder, souhaitant que je l’approuve, ce que je me garde bien de faire. J’ai horreur de ces bonnes sœurs laïques qui pourraient donner à certains l’envie de voter à droite.

    Peut-être pour la faire taire, le bouquiniste lui propose un thé. Pendant qu’elle boit, il s’occupe de mes livres, me les échange contre un peu d’argent, plus qu’il m’en faut pour payer mon kebab habituel qu’un peu plus tard je mange près d’un couple d’Asiatiques. Un chat venu de je ne sais où traverse la salle. Mes deux voisins sont horrifiés. Elle monte presque sur la table, lui se précipite pour fermer la porte dès que le chat est sorti. Un rat ne m’aurait pas fait plus d’effet.

    En début d’après-midi, je pousse la porte de la galerie Nabokov, place Dauphine, entre Préfecture de Police et Louvre, où expose le Tampographe Sardon. Alexis Nabokov discute avec un couple bien mis qui connaît déjà le travail de l’artiste et l’apprécie, même si parfois il est un peu trop malpoli.

    Alexis Nabokov leur présente les œuvres exposées, essentiellement des accumulations de tampons sous verre, encadrées et accrochées au mur. Chacune vaut trois mille euros, pas mal sont déjà vendues. « Quarante-quatre ans, il est temps qu’il gagne un peu d’argent, dit le galeriste, c’est pas terrible l’endroit où il vit ». Le monsieur et la dame le savent pour avoir lu son blog. Elle propose même à son mari d’y passer, ce serait amusant, rue du Repos, afin d’acheter le permis de siffloter au théâtre qui lui fait envie.

    Tant il est vrai, me dis-je, sorti de là et traversant la place Dauphine, que les artistes, d’où qu’ils viennent et quoi qu’ils fassent, s’ils ont un peu de talent, finissent toujours dans les salons bourgeois.

    *

                Préfecture de Police : une voiture de police en travers de la rue, un policier pistolet mitrailleur en main debout contre la portière, la circulation arrêtée, des motos à gyrophares bleus prêtes à bondir, un fourgon cellulaire sortant à grande vitesse, le policier saute dans la voiture qui suit le mouvement, tout cela sous les yeux de touristes interloqué(e)s dont l’une demande aux autres : « Il n’y avait quand même pas une personnalité à bord ? »

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                Obligé de les vendre à Paris mes livres en anglais, aucun bouquiniste rouennais n’en a voulu, je suis pourtant sûr qu’il y avait client pour le Tristram Shandy de Laurence Sterne et le Journal de Samuel Pepys dans la langue de leurs auteurs.

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