• Exposition Les esthétiques d’un monde désenchanté au Centre d’Art Contemporain de Meymac

    Une dernière fois, je suis le seul client des chambres d’hôtes de Toy-Viam dans la nuit de samedi à dimanche, J’y dors bien (c’est le jour que je pense trop). Comme chaque matin, le chien de la maison m’aboie dessus quand je mets le pied dehors et comme chaque matin, l’hôtesse reste debout à me regarder manger, ce qui est un peu crispant. Aussi suis-je bien prêt à aller voir ailleurs après avoir réglé mon quarante-trois fois quatre.

    Il fait beau mais déjà lourd quand je prends la route que mène à Meymac. Juste avant d’y arriver, je bifurque. Une route forestière me conduit à la tour du Mont Bessou, une structure métallique érigée au point culminant du département. Je la gravis. Seul à son sommet, je suis pendant cinq minutes l’homme le plus haut de Corrèze.

    Meymac est un bourg pentu de moyenne importance. Le dimanche matin s’y tient un petit marché sur la place de l’église. Les portes de celle-ci sont ouvertes, ce qui me permet d’entendre l’organiste en exercice depuis la terrasse du Bistrot (nom d’évidence) où je bois un café. Contigüe à cette église est l’abbaye Saint-André devenue Centre d’Art Contemporain. Une exposition y est proposée : Les esthétiques d’un monde désenchanté. Un thème pour me plaire et les noms de Claude Lévêque et David Lachapelle parmi beaucoup qui ne me disent rien suffisent à m’y faire entrer. C’est quatre euros et sur six niveaux. Je vois là beaucoup d’œuvres qui me plaisent, empruntées à différents Frac et aux meilleures galeries parisiennes. Il faudrait tout noter, peintures, photographies, installations, vidéos, mais je me contente de quelques noms : Sarah Jones pour ses photos, le Feather Child de je ne sais plus qui (enfant endormi ou mort en plumes de canard noircies), les Still Life Madonna et Anonymous Politicans de Lachapelle, l’éplucheuse de chaussures de Hesse-Romier, Habiter la viande cuite de Gilles Barbier (Claude Levêque n’est présent que par un drapeau noir marqué d’un « la nuit pendant que vous dormez, je détruis le monde » qui fait sous Ben). A l’avant-dernier étage, une œuvre hyperréaliste retient mon attention, homme et fillette assis par terre devant une vidéo, jusqu’à ce qu’elle se tourne vers moi et que je comprenne qu’il s‘agit d’un père et de sa fille. Je ne suis donc pas le seul visiteur.

    A midi, je déjeune en bord de route calme, face à une imposante maison à vendre dont les fenêtres sont mangées par le lierre, à l’hôtel restaurant Le Meymacois, où nous ne sommes que trois (les deux autres à l’intérieur), d’un menu à seize euros pas mieux qu’ailleurs : salade de crudités, araignée de porc avec frites maison dont la patronne m’a dit grand bien mais qui s‘avère sèche « Ça va monsieur, vous vous régalez ? » « Oui, oui », deux boules de glace pistache rhum raisin.

    Il est temps de songer à se loger. Je prends une route secondaire qui mène à Egletons et découvre à Maussac-Gare un vide grenier à peine plus grand que celui de la veille. Pour cinquante centimes, j’y achète Capillaria ou le pays des femmes de Frigyes Karinthy (l’auteur de Voyage autour de mon crâne), un ouvrage paru en mil neuf cent soixante-seize aux Editions de la Différence dans la collection Chair Pensée avec une préface de Gérard Zwang et des dessins de Stanislao Lepri. En revanche, pas trace de chambres à louer sur cette route, je traverse Egletons, me dirige vers Tulle, oblique au hasard avant d’y être, trouve une pancarte « Chambre d’hôtes ». Par un chemin étroit, j’arrive à la ferme d’un Corrézien bourru.

    Je ne sais ni son nom, ni celui du lieu où je me trouve, mais c’est là que je loge, pour quarante euros, avec une ouifi qui ne fonctionne qu’à l’extérieur et la certitude de n’être dérangé par personne pendant que je termine à l’ombre d’un grand chêne ma relecture du volume trois des Papiers Collés de Georges Perros.

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