• Fanfares et vide-greniers

                Ça commence hier soir sur le parvis de la Cathédrale où je suis avec elle pour l’ouverture du Festival Ramdam qui se tient au Hangar Vingt-Trois (salle rouennaise en voie de fermeture) pendant le temps du ramadan. Deux fanfares sont là pour inciter les passants à fréquenter le festival, la bien connue Zorna (kabylo-normande) et la Fanfaraï. Musique métissée et rythmée au programme, pour un public de hasard vite conquis.

                Autour des musiciens, la vie continue, le petit train trimbale son lot de touristes paresseux, les quêteurs de l’Unicef cherchent de généreux donateurs (tu crois que tu donnes pour les enfants malheureux et ton argent sert à payer les quêteurs) et les crétins d’étudiants en école de commerce, sac poubelle et mousse à raser, se livrent à leurs rites d’initiation, ainsi commencent les futurs exploiteurs, demain il seront en costume cravate et voteront Sarkozy.

                Ce matin, elle est encore à mes côtés rue du Gros-Horloge alors que le jour se lève, une rue du Gros rien que pour nous deux, comme ne la voient que celles et ceux qui se lèvent tôt. Objectif : le quartier de la Madeleine où se tient un vide-greniers.

                Alors que la fourrière enlève les voitures des imprudents, les vendeurs finissent de s’installer dans les rues de ce quartier populaire, deux ou trois fois le tour, quelques achats, et nous reprenons le chemin, toujours à pied, par les tristes boulevards qui ceinturent Rouen.

                Il s’agit de rejoindre le quartier Jouvenet pour un second vide-greniers, maisons bourgeoises et familles catholiques, bien occupées à se reproduire, ça grouille d’enfants à prénom distingué :

                -Ambroise, viens ici, arrête de courir partout.

                Quelques achats là encore et puis elle m’aide à porter ce sac décidément trop lourd de livres tandis que nous redescendons vers le Clos Saint-Marc pour une deuxième dose de fanfares festives.

                En attendant qu’arrive Zorna, c’est le tour de la Panika en ce dimanche midi et le public s’amasse devant le cent vingt-huit de la rue Martainville. Arrive l’une de ses habitantes, quinquagénaire chargée de courses et mal embouchée, qui n’apprécie pas le ramdam et veut virer l’orchestre de devant son porche. Elle bat vite en retraite devant la moquerie goguenarde des musiciens et les lazzis des spectateurs.

                -Comme c’est triste d’être aussi aigrie, me dit-elle.

                -Oui, c’est le manque d’amour, lui dis-je, le manque de vie affective.

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