• Fêtant les cent quatre ans de Compay Segundo à l'Opéra de Rouen

             Je suis présent, mercredi à dix-huit heures, pour la petite démonstration que donnent l’Orchestre de l’Opéra de Rouen et le Grupo Compay Segundo dans le centre commercial de l’Espace du Palais là où se trouve le peuple des Rouennais(e)s. Les artistes sont installé(e)s devant deux agents immobiliers du cabinet Lintot perchés comme des jars sur des chaises de bar dans l’attente de l’acheteur d’appartement.

                Le Grupo Compay Segundo est présenté comme l’héritier du Buena Vista Social Club. Disons qu’il a repris la marque Compay Segundo après la mort du renommé chanteur. Deux de ses membres, guitaristes chanteurs, y vont de leur hymne à la gloire de Che Guevara, ce Hasta Siempre Comandante que jamais le Compagnon Second n’a chanté : Et avec Fidel, nous te disons « Avec toi pour toujours, Commandant ». Les consommateurs applaudissent. Les deux propagandistes de la dictature cubaine enchaînent avec une deuxième chanson.

                Les musicien(ne)s de l’Opéra prennent le relais pour des morceaux mâtinés d’exotisme puis toutes et tous se retrouvent sur Guantanamera. Une seconde session est annoncée pour un peu plus tard, en bas, c'est-à-dire dans les tripes de la Fnaque, pour laquelle je ne reste pas, me demandant ce que sera jeudi soir le spectacle Aux rythmes de Cuba avec les mêmes sur la scène de l’Opéra de Rouen.

                 Le jeudi soir, je suis donc à l'Opéra au premier rang sur une chaise avec à ma gauche deux filles excitées comme des puces. « Non mais c'est dingue, c'est dingue » ne cessent-elles de répéter. L'une est au téléphone. Elle négocie son ouiquennede avec sa mère. C'est encore plus compliqué qu'une discussion entre le Péhesse et les Verts sur le nucléaire: « Mais maman, je ne peux pas, j'ai du travail ». « Mais maman, lundi matin, j'ai cours ». Frédéric Roels, directeur de la maison, interrompt la conversation.

               Il se félicite de la soirée qui s'inscrit dans la semaine « Orchestres en fête » et de la présence dans la salle d'autorités cubaines dont un Consul. Autant de flics surveillant le Grupo, me dis-je. Les musicien(ne)s de l'Orchestre de l'Opéra entrent et se casent au fond avec leur chef Benjamin Levy, puis arrivent les Cubains dont un fils du Compagnon Second qui fait le second chanteur. Il annonce que ce dix-huit novembre est le jour où son père aurait eu cent quatre ans.

              Celui-ci apparaît sur des diapositives de mauvaise qualité. Elles se succèdent pendant que s'enchaînent les chansons du disparu, une douzaine, accompagnées comme faire se peut par un Orchestre de l'Opéra sous-employé. Ce n'est pas la fête pour tout le monde chez les musiciens classiques mais ça l'est à coup sûr pour mes deux voisines vite repérées par les musiciens cubains.

              Les rappels d'usage amènent ces deux filles à se lever pour danser. Les musiciens leur serrent les mains faute de pouvoir faire plus. Elles quittent la salle subjuguées en répétant « C'est incroyable, c'est incroyable ». Je ne suis pas aussi enthousiaste. Ce Grupo n'est que pâle réplique de ceux de l'époque de Compay Segundo, un outil de propagande de la dictature castriste, me dis-je, tandis que je file sans tarder, snobant la suite : un cours de danse de Rouen Salsa.

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