• Georges Hyvernaud et Rouen (quelques descriptions réalistes et quelques mots déplaisants)

    Georges Hyvernaud, professeur d’Ecole Normale, n’était pas tendre avec les instituteurs, comme le montre son texte intitulé Le beau métier « La noble mission de l’éducateur » (Chœur des professeurs), que je lis dans ce Plein Chant à lui consacré trouvé samedi dernier au vide grenier Augustins Molière. Il y décrit l’un des faubourgs de Rouen avant la guerre (la plus récente) :

    Un instituteur me montrait un jour des devoirs de ses élèves. Sujet : décrivez une soirée en famille. On trouvait dans toutes les copies la maman qui coud sous la lampe, le père qui lit le journal, des jeux de petites sœurs et le sourire des grands-mères. C’était à Martainville, faubourg de Rouen, un quartier où pousse dans les rues, parmi les bicots et les filles, une marmaille sauvage et malade. Les soirées de famille… il aurait fallu dire le fourneau puant, la tambouille, le litre de rhum, la paillasse où l’on dort à six, les loques, les claques. Dire les murs pourris, les odeurs. L’escalier noir où un type saoul bat sa femme. Dire tout ça. Mais ce ne sont pas des choses à dire. Ces petits connaissent la règle du jeu.

    Pierre Mac Orlan a fait lui aussi en ce temps-là de telles descriptions et Hyvernaud ajoute ailleurs : J’ai vu quelques-uns des lieux misérables d’Europe – l’East End londonien, le Jodenbuurt d’Amsterdam ; mais je ne sais rien qui dépasse en tragique désolation certains quartiers populeux de Rouen.

    Je ne suis pas ravi de lui voir employer le mot bicot, qui m’amène à m’interroger sur son besoin, quand il habille André Maurois pour l’hiver, de préciser qu’il est né Herzog et ailleurs de le décrire comme Un homme à long nez.

    Il est vrai que c’était avant la guerre, celle que beaucoup appellent fautivement la seconde.

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    Des instituteurs qui donnaient à leurs élèves des sujets de rédaction humiliants j’en ai connu plusieurs après cette même guerre à Louviers (Ecole Anatole France). Chaque année, en septembre, c’était « Racontez vos vacances ». Je ne sais plus ce que j’inventais pour ne pas parler des deux mois et demi enfermé entre les quatre murs.

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    Hyvernaud, lui, donnait pour sujet à ses élèves maîtres (comme on disait) des sujets comme celui-ci, raconte sa fille dans ce Plein Chant : Le mot « chic » écrit à l’Académie française pour la remercier de l’avoir admis dans son dictionnaire.

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    Jamais je n’ai à ce point fréquenté la Cathédrale de Rouen. Je la traverse au moins une fois par jour, cause qu’on démolit le Palais des Congrès et que ça me gêne dans mes déplacements. Ce n’est pas sans désagrément. Il me faut à chaque passage supporter d’horribles toiles peintes par je ne sais quel artiste catholique. En revanche, ce mardi matin, j’ai droit à un petit plaisir : orgue et trompette répètent dans le chœur.

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