• Je n'aime pas trop qu'Emma m'écrive

                De retour à Rouen, je vide ma boîte à lettres. J’y trouve une nouvelle lettre d’Emma. C’est la deuxième fois qu’elle m’écrit. Je n’ai pas répondu à sa première missive. Elle s’impatiente.

                Emma s’intéresse à moi à cause de mon âge. Elle me parle de cancer colorectal, autrement dit du cancer du trou du cul, que l’on risque de choper à partir de cinquante ans pour avoir toute sa vie mangé les saloperies industrielles que nous imposent les lois du marché.

                Derrière ce rassurant prénom féminin se cache l’Association pour le dépistage organisé des cancers en Seine-Maritime, qui a siège à Yvetot.

                Emma me rappelle que j’ai déjà reçu de sa part une invitation à me procurer un test Hemoccult Deux auprès de mon médecin traitant. Elle s’étonne que je n’aie rien fait.

                Je sais bien que le nombre de cancers est en fulgurante expansion. J’ai ma petite idée sur la raison : mauvaise nourriture, pollution atmosphérique, et cætera. Ça n’intéresse pas Emma, elle s’en fout des causes, elle ne s’intéresse qu’aux conséquences.

                Dans le document qui accompagne la lettre d’Emma, on me raconte que « le plus souvent, dépisté à temps, un cancer colorectal n’est pas méchant ! » (j’adore ce « le plus souvent ») et qu’il s’agit de chercher du sang dans mes selles (comme ils disent), que si on en trouve il y aura présomption de cancer, c’est pas sûr, et que si on n’en trouve pas il y aura présomption de non cancer, c’est pas sûr non plus, d’où la nécessité d’une coloscopie ultérieure, un examen très jouissif que j’ai déjà subi il y a quelques années pour je ne sais quelle raison.

                Emma ne doute pas de ma coopération, elle joint à sa lettre, en six exemplaires, le code barre permettant d’identifier mes tests. Emma s’il te plaît, fiche-moi un peu la paix.

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