• Je suis dans la queue de l’appareil près d’un hublot et n’ai pas de souci de voisinage. Nul n’est assis à ma droite, ce qui me permet de déplier les jambes. Certain(e)s veulent venir aux places libres mais l’équipage le refuse, question d’équilibre de l’appareil. J’approuve intérieurement. Je suis tranquille au fond et n’ai pas envie que l’avion s’écrase. Je vois déjà le titre de Paris Normandie : « Un Rouennais parmi les victimes ».

    L’un des rares Américains présents est un grand black qui se cache sous son écharpe au moment du décollage. Pour ma part, je regarde la myriade de lumières. Une collation est servie avant l’extinction des feux : mini sandwich, fromage, tomate et jus d’orange. Je dors un peu de temps à autre. Le vol se déroule paisiblement avec ses zones de turbulence. Les hôtesses et stewards d’XL Airways font leur petite vente en duty free. Puis c’est l’heure du petit-déjeuner (6 a.m. à New York, midi à Paris) : café, jus d’orange, semblant d’omelette, pommes sautées, salade de fruits, pain, beurre, confiture, yoghourt crémeux à l’américaine.

    J’observe les nuages, petits moutons bientôt remplacés par un épais tapis. C’est la descente sur Paris. Je mâche trois chewing-gums, vision des méandres de la Seine, du land art des agriculteurs, de paisibles villages, léger mal d’oreille droite. L’atterrissage se fait en douceur. Nous attendons peu avant de sortir de l’avion.

    Ce n’est pas le cas ensuite. Une longue file constituée des passagers de plusieurs avions stagne devant les locaux de la Police de l’Air et des Frontières : un seul Pafeux pour s’occuper de tous les passeports de l’Union Européenne, deux ou trois pour s’occuper des vrais étrangers et un autre affecté à des privilégiés qui n’ont pas à attendre. Quelqu’un demande qui sont ces prioritaires, signe que l’on est plus aux USA. Ce sont les voyageurs de la classe affaire. La Police travaille ici en priorité pour les riches. Mon attente est agrémentée par la dispute d'une femme de quarante ans avec sa mère de soixante sous le regard de sa fille de vingt (la vieille a prétendu voyager seule pour obtenir une meilleure place dans l’avion, sa fille est épouvantablement vexée).

    Je finis par arriver devant le Pafeux qui sue. Il tape mon numéro, vérifie que je ne suis pas un voyou et me dit d’y aller. Je récupère assez vite ma valise, vais à pied jusqu’au RER, obtiens un billet de la quatrième machine que je sollicite, grimpe dans celui qui attend, un direct jusqu’à Paris.

    Après une attente d’une heure à Saint-Lazare, un train me ramène à Rouen que je retrouve dans un état proche de celui où je l’avais laissée. On y dépave la rue de la Jeanne mais ce n’est pas par crainte d’une proche révolution.

    *

    Difficulté de parler de la vie new-yorkaise avec celles et ceux que je croise les jours suivants. Très vite, on en arrive de leur part à un : « Ah oui, j’ai vu ça dans une série. », ce qui clôt la conversation.

    *

    J’achève ce long récit, ce jeudi quatre avril deux mille treize, précisément à l’heure où l’avion de celle repartie pour deux mois à NYC se pose à Paris.

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  • Lever à 7 a.m., après une nuit perturbée par le bruit au-dessus de nos têtes, c’est le jour du retour en France. Après le petit-déjeuner, nous quittons le trou à rats du 14 St Marks Place dont nous jetons la clé dans la boîte à lettres sans avoir jamais croisé nos vils logeurs.

    En arrivant à la gare maritime, un chien se précipite sur nous, suivi d’un homme pas vraiment en uniforme. C’est un renifleur chercheur de drogues. Pas de problème, nos bagages sont « safe ». Sur le ferry, mélancoliques, nous avons l’ultime vision de New York City : Manhattan, la statue verte. Par la 1, nous rejoignons Christopher Street puis la A nous mène à Penn Station où nous devrons nous séparer.

    Il est l’heure de déjeuner. Je repère une terrasse de premier étage particulièrement bien située à cette intersection de la 8ème Avenue et de la 34ème Rue. C’est celle de Lucy’s Cantina Royale, un restaurant mexicain qui ouvre juste à l’instant. Nous laissons nos valises sous l’escalier et montons. Une serveuse nous installe en bordure de terrasse au-dessus des caméras de surveillance de la NYPD et des touristes promenés en bus à étage. La vue est belle sur les bâtiments d’en face. Certains sont surmontés des châteaux d’eau qu’elle aime particulièrement. J’en fais des photos, et aussi des hommes suspendus dans une nacelle, occupés à peindre ce dimanche une immense fresque publicitaire pour Johnnie Walker. Elle choisit une salade de la casa et je prends un burrito au porc, cela avec de l’eau au goût new-yorkais, puis, pour prolonger le moment, nous commandons un flan avec du caramel au fond.

    Quand nous sortons, il est encore tôt mais c’est mieux de se quitter maintenant. Je la regarde qui descend avec l’ascenseur dans les entrailles de Penn Station où un train la mènera à Newark Airport. Je rejoins le bord de l’Hudson où à peine suis-je assis sur un banc qu’une averse m’oblige à ouvrir mon parapluie. Le soleil revenu, je renonce à attendre ici dans la crainte d’une nouvelle. Je retourne donc à Penn Station, longeant les files d’attente des voyageurs de Megabus en partance pour toutes les villes visitées avec celle qui n’est plus avec moi. Je prends la A, direction Far Rockaway, et en descends avec pas mal de traîneurs de valises stressés à Howard Beach. Là, j’achète à la machine un ticket pour l’Airtrain qui mène à JFK Airport et descends au Terminal 4. Il est 4.00 p.m., j’ai bien du temps à attendre avant mon envol de 11.55.

    A 6 p.m. je songe à elle qui doit décoller de Newark, direction Lisbonne puis Paris où elle n’arrivera qu’à dix heures demain matin.

    Vers 7 p.m. je dîne, avec l’aide d’Au Bon Pain, d’une pâtisserie danoise aux fruits indéfinissables accompagnée de jus d’orange puis prends un café, cela près de la porte des arrivées, où il y a une cinquantaine de jours, je faisais l’arrivant. Une grande famille d’Arabes, dont des femmes en tenue de fête, attend quelqu’un(e) avec des fleurs et des ballons. Cette personne n’arrive pas. Toutes et tous repartent tristement avec fleurs et ballons. Derrière la vitre, la file des taxis jaunes est toujours là, ma première et dernière vision de la vie new-yorkaise.

    Deux heures plus tard, je monte au niveau 4 où se fait l’embarquement. Je retire mon billet chez XL Airways, confie ma valise aux bagagistes puis subis la fouille américaine après avoir fait sonner le portique bien que débarrassé de sac, montre, clés, porte-monnaie, veste et chaussures.

    J’achète plus de trois dollars une petite bouteille d’eau mauvaise fabriquée par Coca Cola et m’assois dans la salle A 5 pour attendre l’embarquement du vol SE 071, observant la foule qui se laisse séduire par les produits en duty free (la consommation redonne de la dignité aux êtres sans chaussures et sans ceintures d’il y a peu).

    Ce ne sont pratiquement que des Français à cette porte A5, dont les plus ridicules portent un sweet NYPD ou un tee-shirt Abercrombie & Fitch. Avec un peu de retard, nous sommes autorisés à embarquer. Dans un angle de la descente vers l’avion, les stewards d’XL Airways vendent des cartouches de Marlboro détaxées. Une blonde sur le retour s’inquiète de la place qu’elle aura dans l’avion. Elle craint un mauvais voisinage. « En ce moment, je suis en introspection avec moi-même » dit-elle à l’un qu’elle drague et qu’elle aimerait pour voisin. Je croise les doigts pour ne pas me trouver à côté d’elle.

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  • Eh bien, on dort plutôt efficacement sur un matelas posé sur le sol quand on a vécu la veille une journée de voyage des plus éprouvantes, nous disons-nous au réveil à 8.15 a.m. Je prends une douche courbé. Celle que j’ai suivie jusqu’ici la prend debout. Nous petit-déjeunons avec l’aide de confitures et de beurre récupérés dans les restaurants canadiens.

    Elle me suggère, pour notre dernière journée en Amérique, d’aller à Greenwich Village, ce que nous faisons avec le bateau orange puis la ligne 1 du métro. Descendus à Christopher Street, nous retrouvons le Waverly Restaurant où nous déjeunons excellemment, servis par de sympathiques Sergents Garcia. Chicken Salad Melt pour elle, Waverly Melt Deluxe pour moi, dont nous faisons moitié moitié, avec des French Fries et un cruchon de merlot de Californie, thé et café (More Coffee ? Yes).

    Nous nous baladons ensuite dans les rues arborées du Village. J’achète deux tasses souvenir pour ma fille, puis nous nous dirigeons vers l’Hudson River. Assis au bord de l’eau, face à New Jersey, nous regardons passer les bateaux et les jolies filles. Elle prend en note l’interminable journée d’hier puis nous suivons le rivage en direction de Lower Downtown, faisant moult photos, regrettant d’avoir à quitter NYC.

    Au bout de Manhattan, nous nous asseyons sur un mini banc pour profiter une dernière fois des beautés de la grande et haute ville puis nous rejoignons la gare maritime. Le ferry nous ramène à Staten Island. Du bateau, côté tribord, nous disons au revoir à New York by night.

    Débarqués, nous remontons vers notre somptueux logis, achetant en chemin deux muffins pour le lendemain puis accélérant le pas car un énorme nuage noir menace l’île triste d’une drache, un thé en arrivant, Internet et au lit.

    *

    Parmi nos photos du jour, plusieurs du One World Trade Center en construction. Il culminera à cinq cent quarante et un mètres. Un point d'observation sera aménagé en deux mille quinze à la hauteur de trois cent quatre-vingt mètres pour les futurs visiteurs du bâtiment. En serons-nous ? Elle certainement, moi je ne peux savoir.

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  • Enfin nous sentons la ville et y pénétrons par le Lincoln Tunnel, heureux à sa sortie de revoir les buildings familiers. Arrivés à Port Authority, nos bagages récupérés, extrêmement fatigués, nous prenons le métro 1 jusqu’à Battery Park et y attendons une demi-heure le ferry pour Staten Island où nous devons loger. Il fait encore chaud dans cette ville, moins qu’en août, mais bien plus que là d’où nous venons.

    Cette journée a trop duré. Je suis totalement épidermique, ne supportant pas qu’un clochard qui pue vienne s’asseoir à côté de moi sur le bateau, n’ayant qu’une envie que ça s’arrête. Celle que j’accompagne n’est pas moins épuisée que moi, devant en plus supporter ma mauvaise humeur. Hélas, nous ne sommes pas au bout de nos peines, la maison d’hôtes annoncée à six minutes à pied du débarcadère est située bien plus loin. Nous pestons en tirant nos valises (la sienne toujours extrêmement lourde) sur au moins deux kilomètres et en montant, mis sur le chemin du 14 St Marks Place par deux femmes vulgaires et bruyantes. Des types louches rôdent, certains contrôlés par le NYPD.

    Finalement, nous arrivons devant une belle maison où comme convenu nous prenons la clé dans une boîte à lettres, Dans le noir, nous trouvons l’entrée de notre chambre sur la gauche en contrebas et découvrons l’endroit où nous devons passer deux nuits : un sous-sol, bas de plafond, où je tiens à peine debout. Le lit n’est qu’un matelas posé sur le sol. La douche est minuscule et haute d’un mètre soixante-dix. C’est sale. On trouve des toiles d’araignées partout. Il y fait très chaud, le climatiseur est hors d’usage. Un détecteur d’oxyde de carbone est fixé sur le mur car la chaudière est dans un réduit qui donne directement dans cette chambre. Nous sommes dégoûtés, après un voyage si éprouvant, d’être tombés dans ce trou.

    De plus, nous n’avons rien mangé depuis le petit matin. Il est quasiment 11.00 p.m. Nous ressortons, trouvons deux passants à qui demander où. Ils nous indiquent que le Clipper, ce restaurant où nous avons mangé lors de notre premier passage sur l’île, est ouvert 24/24. Il nous faut redescendre les deux kilomètres jusqu’au port.

    Quand nous entrons, c’est accueilli par une musique retentissante, mélange de pop rock au bar et de salsa dans le restaurant transformé ce vendredi soir en salle de cours de danse. On nous y installe quand même, près de tables où de vieux beaux draguent des femmes qui y croient encore. Le prof de danse est une sorte de surfeur latino. Muni d’un micro-cravate, il donne sa leçon. Les femmes trop maquillées se le disputent. On se croirait dans une petite ville de province, en France ou ailleurs.

    Nous commandons deux énormes burgers qui nous sont servis par Maggie, une quadragénaire un peu délurée et bien brave. Dans un bruit tonitruant, nous dégustons avec un verre de chardonnay, moi un Blue Cheeseburger, elle un BBQ Bacon Cheeseburger. Au bar les habitués montent encore le son. La musique latino se fait enfoncer par Manhattan Transfer Chanson d’amour ra da da da da, play encore.

    Nous remontons les deux kilomètres, n’ayant qu’une envie : dormir sur le matelas posé par terre. Cette perspective est contrariée par nos logeurs qui arrivent juste après nous et font au-dessus de nos têtes un bruit épouvantable. Pourtant, fatigués comme nous le sommes, nous sombrons dans un  sommeil comateux.

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  • Yep, today est le jour du retour à NYC, pour cela nous nous levons bien tôt et à 6 a.m. nous sommes chez Fran’s, lieu ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pour y prendre le petit-déjeuner. Ne trouvant pas sur la carte de quoi rassasier nos estomacs européens, nous commandons un Colossal Cheesecake et des French Toasts. Cela n’est ni colossal ni appétissant, aussi est-ce encore affamés que nous gagnons la gare Greyhound où comme d’habitude zonent des gens bizarres. Nous allons au guichet pour faire étiqueter nos bagages. La grosse guichetière black nous accueille de façon exécrable. Elle tente d’emblée de nous extorquer dix dollars de supplément de bagages. Celle que j’accompagne lui démontre qu’on n’a pas à les payer. Elle pique alors une vraie crise à propos de nos billets qui sont incomplets, il manque la partie entre Toronto et Buffalo. Elle veut que l’on dise qu’on les a perdus, devient totalement hystérique. Comme tout est vérifiable sur Internet avec nos numéros de réservation, elle finit par capituler, et réimprime l’ensemble de nos billets.

    En maudissant cette hyène, nous allons à la porte 9 attendre le car de 8.00 a.m. Il se présente à peu près à l’heure. Ce n’est pas un Greyhound mais un New York Trailways NEON. Il prend la direction de Niagara Falls. Nous croisons les doigts pour ne pas avoir de soucis à la frontière, déjà si nous pouvions ne pas retomber sur le douanier que l’autre jour.

    Sur le pont de tous nos ennuis, notre car est le sixième dans la file d‘attente, ce qui nous permet de profiter une dernière fois du spectacle des chutes du Niagara. Quand arrive notre tour nous entrons avec nos bagages dans le bâtiment des garde-frontières puis nous sommes séparés. Une femme assez aimable que je comprends à peu près me demande ce que j’ai fait au Canada, si j’y ai acheté quelque chose, pourquoi je vais à New York. Je m’empresse de lui montrer mon billet d’avion New York Paris. Elle me dit que c’est bon. J’avance, fais sonner le portique bien que démuni de tous mes objets métalliques. Un grand Noir se précipite sur moi, me fouille, me dit que c’est ok. Je récupère ma valise passée aux rayons Ixe et remonte dans le car. Celle qui voyage avec moi n’en a pas terminé. Elle met un certain temps avant de me rejoindre, ayant dû montrer son contrat de travail et payer six dollars de taxe (entrée une première fois aux USA pour un stage, elle n’avait pas payé l’Esta). Lorsqu’elle a parlé de notre renvoi au Canada, au moment de remplir le fameux papier avec la question « Avez-vous déjà été interdit d’entrée aux USA ? », la douanière lui a répondu : « Oh, ce n’est rien, ils ont juste dû vous renvoyer là-bas. ». Nous poussons un gros soupir de soulagement.

    Quand tout le monde a regagné le car, celui-ci repart pour s’arrêter bientôt à la gare routière de Buffalo. Quelques passagers qui n’avaient pas prévu la durée du passage de la frontière nous quittent pour sauter dans un taxi afin de ne pas rater leur avion à Buffalo Airport où nous devons passer ensuite. D’autres prennent place, des gros très gros.

    Une heure plus tard, nous faisons escale à Batavia. Au moment d’en repartir, dans un bel effet cinématographique, notre car est bloqué par la voiture du Sheriff. Il monte à bord, suivi d’un inspecteur à cravate, à la recherche d’un homme d’environ trente-cinq ans qu’ils ne trouvent pas.

    L’arrêt suivant est Rochester, une heure et demie plus tard, où nous avons l’opportunité d’une pause toilettes cigarette. De nouveaux gros s’installent dans le car. Juste avant le départ, deux policiers de l’immigration montent vérifier les passeports de tout ce qui ressemble à un étranger. Pas de problème pour nous, mais un jeune Asiatique qui n’a pas son permis de séjour sur lui se fait embarquer. On attend. Cinq minutes plus tard, il revient libre et soulagé et se met à jouer à un jeu d’ordinateur où il faut faire s’écrouler des cloisons. Encore secoué, il penche tout à coup son appareil avec l’espoir d’en faire choir davantage.

    L’arrêt suivant est Syracuse où nous changeons de chauffeur. De nouveaux obèses en remplacent qui descendent, mais de jolies filles aussi. Nous commençons à en avoir marre de ce long voyage bien que le paysage soit beau, forêt et petite montagne. Il pleut et nous n’avons quasiment rien à manger, pensant qu’un arrêt serait prévu en route pour cela, mais non, changeant de chauffeur régulièrement, celui-ci n’a jamais faim.

    Notre dernier arrêt est à Binghamton puis c’est la ligne droite jusqu’à New York City. Le chauffeur roule comme un dingue sur la route mouillée. Il fait nuit. Nous sommes aussi impatients que lui d’arriver.

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  • Après un petit-déjeuner café thé jus d’orange muffins, ce jeudi veille de notre retour à New York, nous quittons la maison de Linda avec l’intention de nous balader au bord du lac au-delà d’Island Airport. C’est pourtant dans la direction opposée que nous partons, attirés par le soleil du matin, côté vieille ville donc, passons par la Distillerie, nous rapprochons de Downtown et nous retrouvons par une boucle au point de départ de notre habituelle promenade.

    Avant d’aller plus loin, nous choisissons de déjeuner au Harbour Sport Grille, en bas de Yonge Street, et sommes très déçus. Mon burger est sec avec rien dedans, sa salade minuscule, la serveuse fuyante. De plus, c’est cher,  Nous ne laissons que deux dollars de tip et prenons la fuite. Comme nous sommes près de l’embarcadère, je propose à celle que j’accompagne d’aller aux Toronto Islands. Pour ce faire, nous sautons à bord du Toronto Islands Ferry (sept dollars le round-trip).

    Nous descendons au débarcadère principal du groupe d’îles (Centre Island Ferry Dock). Le lieu est peu fréquenté. Nous sommes hors saison. Le parc d’attraction est heureusement fermé. Nous nous donnons pour objectif de marcher sous le ciel bleu jusqu’à l’extrémité gauche en longeant l’eau afin de rejoindre Ward’s Island Ferry Dock pour y reprendre le bateau. Nous sommes bientôt en pleine nature avec vue sur la skyline de Toronto. Cette ville, que je n’arrive pas à aimer, nous apparaît belle de loin.

    Nous atteignons facilement ce bout, ne croisant en chemin que quelques ornithologues occupés à photographier des canards quelconques avec leurs gros appareils. De jolies maisons cachées dans la végétation, plus ou moins inhabitées, nous attirent mais nous ne pouvons toutes les voir car des ouvriers du gaz barrent le chemin pour cause de travaux. Pourquoi ne pas tenter d’atteindre l’autre extrémité où se tient le troisième embarcadère (Hanlan’s Point Ferry Dock), près de l’aéroport. En coupant par un terrain de sport, nous atteignons une promenade en bois construite quasiment au dessus de l’eau, côté grand large. Elle peut nous emmener vers l’extrémité opposée.

    Parvenus à la moitié de cette promenade en bois, nous nous rendons compte que nous étions un peu ambitieux. Ce groupe d’îles reliées par de petits ponts est plus vaste qu’on ne l’imaginait. Nous changeons nos plans, décidons de ne pas aller plus loin que Marina Port pour nous y poser et admirer le trafic aérien. C’est plus facile à faire sur le plan qu’en réalité. Nous nous heurtons à un vrai dédale fait pour dissuader d’y aller qui n’a pas son bateau là, des bateaux résidentiels avec tables de pique-nique et barbecues posés à terre devant chacun. Ce labyrinthe achève de nous épuiser. Nous retournons comme nous pouvons à Centre Island et y trouvons une table ensoleillée où l’on peut écrire en attendant le bateau de 3.30 p.m.

    Il passe par Ward’s Island Ferry Dock puis nous ramène à Toronto City. Débarqués, nous remontons Yonge Street, cette longue rue fatigante, puis tournons à droite dans Schuter Street où nous avons logement.

    Dans la cuisine nous attend Linda, notre logeuse jusque-là invisible. Contrairement à son frère, elle parle parfaitement l’anglais et nous apprend qu’on aurait dû quitter la chambre ce matin. Celle qui a tout organisé s’est trompée dans les dates de réservation. Notre chambre est louée par d’autres qui attendent qu’on la libère pour s’y installer. « Don’t worry », nous rassure Linda. Elle nous propose pour cette dernière nuit et pour le même prix une superbe chambre au rez-de-chaussée, à murs de briques, avec salle de bain et jardin privatif. Je règle la nuitée supplémentaire avec les dollars américains qui me restent.

     Cette erreur est une aubaine et, après avoir déménagé nos affaires, nous la fêtons à l’extérieur grâce à notre salon de jardin en buvant un thé et un café.

    Le soir venu, nous retournons une dernière fois à l’Imperial Pub Library. La salle du bas est un peu déserte. Un vieux barbu au comptoir s’est pissé dessus. Nous prenons notre habituel demi-litre de chardonnay local et des sweet potatoes fries, toujours aussi bonnes. Elle envisage un moment de renouveler la commande en tirant ses derniers dollars du distributeur installé dans le café mais la sagesse l’emporte.

    La nuit venue, nous ne dormons pas aussi bien que nous en aurions besoin dans notre grande belle chambre, la faute aux bruits d’eau à l’étage chez les autres locataires et à leurs allées et venues..

    *

    Incroyable le nombre de buildings en construction dans la capitale de l’Ontario, immeubles de piètre qualité selon celle qui me tient la main. Cela me fait songer à l’Espagne d’avant l’éclatement de la bulle immobilière.

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  • Après une nuit moyenne, soucieux que nous sommes des suites éventuelles de notre mésaventure de la veille, nous nous levons à 7 a.m. Douche et petit déjeuner dans la cuisine du bas, puis nous partons découvrir le haut de Downtown, en particulier le quartier universitaire, constitué de faux vieux bâtiments entre jardins et parcs. Les photographies des plus distingué(e)s des professeur(e)s sont accrochées en calicot dans les rues. Entrés dans un bâtiment à la recherche des washrooms (les restrooms canadiens), nous avons l’oreille attirée par un orgue en action. Nous voici bientôt dans l’église de Trinity College. L’organiste est une jeune et jolie asiatique. Nous l’écoutons jusqu’à ce qu’elle éteigne la petite lampe rouge et descende par un chemin mystérieux qui la dérobe à nos regards.

    Quand il est temps de songer à déjeuner, nous rejoignons la partie médiane de Downtown, près de la gare Greyhound, Dundas Street, où nous avons repéré un « All You Can Eat » japonais : le Kyoto House. Une serveuse nous installe à une table pour deux. Elle doit être Chinoise comme ses collègues plutôt que Japonaise puisqu’elle parle en anglais avec les deux jeunes Japonaises qui mangent à côté de nous. L’endroit est bientôt pris d’assaut, essentiellement par des étudiant(e)s. On remplit une feuille de commande et les sushis et makis confectionnés au comptoir par trois Chinois qui ne chôment pas sont bientôt sur notre table. Comme on trouve ça bon et que nous avons de l’appétit, on renseigne une autre feuille de commande pour deux, puis une troisième pour moi seul, elle optant pour une salade. Comme dessert, nous choisissons deux boules de glace : Green Tea et Red Beans. Tout cela nous coûte moins de douze dollars par personne, plus le tip.

    Repus, nous descendons jusqu’au lac Ontario à la hauteur de l’aéroport et du port de plaisance. Nous faisons une sieste dans l’herbe bien qu’il fasse moins beau et chaud qu’hier à Niagara Falls. Des gouttes de pluie nous ramènent à la maison pour un thé café jus d’orange et le classement des photos des trois derniers jours.

    Le soir, nous sommes de retour à l’étage de l’Imperial Pub Library où nous faisons maintenant figure de clients connus, pour un bon vin blanc du pays en pichet, nous contentant de chips, trop peu nombreuses, apportées par nos soins.

    *

    Ecureuils noirs gambadant sur l’herbe verte.

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  • A l’entrée du pont qui enjambe la rivière Niagara se trouve un tourniquet qui nous demande cinquante cents pour le franchir. On les lui donne, sans se douter que c’est une mauvaise idée, nous venons de franchir la frontière entre le Canada et les Etats-Unis. A l’autre bout de ce Rainbow Bridge nous attend un garde-frontière américain. Celle que j’accompagne lui explique que nous voulions juste voir les chutes de la rive d’en face. Il nous demande nos passeports. Nous ne les avons pas avec nous. Il n’apprécie pas et nous envoie nous asseoir près d’une laide copie de la Statue de la Liberté. On attend, pas très fiers, tandis qu’il interroge les ordinateurs de l’Oncle Sam à notre sujet.

    Quand il nous rappelle, c’est pour nous expliquer ce que c’est qu’une frontière. Vous n’êtes pas en Europe. Ici, ce sont les USA. Il nous signifie un refus d’entrée aux Etats-Unis et le notifie par écrit. Nous faisons le chemin inverse, bien ennuyés par notre bévue.

    À l’autre bout du Rainbow Bridge nous attend maintenant un garde-frontière canadien. On lui explique notre problème. Il nous dit que si c’est un problème pour les Etats-Unis, ce n’en est pas un pour le Canada. Il nous demande de nous diriger vers la douane. Nous traversons la route et prenons place au bout d’une file d’attente de touristes descendus d’un car mais un homme vient nous chercher et nous mène devant une garde-frontière. Celle-ci nous explique qu’au contraire, c’en est un problème et un grave. Nous avons droit à une nouvelle leçon sur la notion de frontière puis elle prend nos noms et interroge son ordinateur. On y trouve trace de l’entrée au Canada de celle que j’accompagne, mais pas de la mienne. Est-ce que mon passeport a bien été tamponné à l’aéroport de Toronto ? Je ne puis l’en assurer. Me voici dès lors une nouvelle fois suspect. Elle veut savoir si on est vraiment ensemble, me soupçonne d’être entré illégalement sur le territoire. Nous avons le numéro du vol American Airlines avec lequel nous sommes arrivés à Toronto mais elle nous dit qu’elle n’a pas le droit d’interroger les ordinateurs de cette compagnie aérienne. Elle finit néanmoins par accepter de le faire, nous envoie nous asseoir.

    Quand elle nous rappelle, c’est pour nous dire que nous sommes autorisés à partir. On lui demande ce qui se passera vendredi quand il s’agira pour nous de repasser aux USA, notamment si mon passeport n’est pas tamponné. Elle nous répond qu’aujourd’hui elle s’occupe du problème d’aujourd’hui.

    On a fait une belle connerie, nous disons-nous une fois libres. Outre l’histoire de mon passeport peut-être pas tamponné, il y a le refus d’admission aux Etats-Unis qui peut avoir des conséquences fâcheuses. L’une des questions posées sur le formulaire d’entrée est : « Avez-vous déjà fait l'objet d'un refus d’admission aux Etats-Unis ? ». Pour celle qui compte y revenir dans le futur, l’inquiétude est encore plus grande.

    Nous retournons au Secret Garden, y prenons thé et coke puis longeons dans l’autre sens la rivière au-dessus de laquelle se trouve à mi parcours une sorte d’autel à la mémoire d’un qui est mort là, peut-être en se jetant en contrebas.

    Arrivés à la gare routière, nous attendons le Greyhound de 8.05 p.m. pour Toronto. Partant à l’heure, fonçant dans le noir, s’arrêtant dans des villes où nul n’est dehors, il nous dépose en avance.

    Nous allons à pied jusqu’à chez Linda et nous couchons fatigués et inquiets après avoir toutefois constaté que le tampon du Canada figure sur mon passeport.

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  • Ce jour est celui des chutes du Niagara. Nous nous levons à 5.45 a.m., prenons un petit-déjeuner agrémenté d’un jus d’orange et filons à la gare routière. Nous grimpons dans le car Greyhound qui mène à la mondialement connue Niagara Falls, petite ville de quatre-vingt-cinq mille habitants. Au début, le paysage se compose essentiellement de banlieues puis il devient très beau avec vue sur lacs ou marécages des deux côtés de la route et peu avant l’arrivée sur les vignes en coteaux qui produisent le vin local. Il fait beau.

    A Niagara, plutôt que prendre la navette, nous choisissons de marcher pendant trois kilomètres le long de la rivière en côtoyant une route où passent assez peu de voitures. Sur notre gauche, en contrebas, la rivière bordée d’arbres coule assez paisiblement. Sur notre droite, de l'autre côté de la route, se succèdent les maisons cossues dont beaucoup proposent le B&B. A mesure que l’on s’approche des chutes s’amplifie leur grondement. On aperçoit depuis un moment le nuage de vapeur qu’elles dégagent. Il est 11.30 a.m. lorsque l’on touche au but et l’on se dit qu’il serait judicieux de déjeuner avant d’aller y voir plus près. Le Secret Garden nous accueille en terrasse sous le soleil, d’où nous avons belle vue sur les chutes au loin. Un concert de carillon en provenance de la mairie voisine salue notre présence. On y entend notamment Autumn Leaves, chanson de l’amour qui n’est plus. Pour elle, ce sera un veggie burger et pour moi un cheese burger accompagnés d’un demi-litre de vin rouge du Niagara (bénédiction de la nature due au microclimat local), un thé un café, c’est parfait.

    Il est temps de s’approcher. Le spectacle est magnifique, d’abord celui offert par les American Falls puis celui des vraies chutes du Niagara, côté Canada, en fer à cheval. D’en haut, nous observons les allers et retours des bateaux s’approchant au plus près des deux chutes avec à leur bord des visiteurs transformés en Schtroumpfs par un imperméable en plastique bleu. Je demande à celle que j’accompagne si elle a envie de cette visite in situ. Elle me dit que non, mais en fait ce qu’elle refuse c’est que je paie car, tout à coup, à l’approche du guichet, elle décide de dépenser ses dernières économies dans cette expédition aventureuse.

    J’ai bien du mal à enfiler l’imperméable bleu. Elle vient à mon secours et nous embarquons sur le Maid of the Mist, Schtroumpfs parmi les Schtroumpfs. Le bateau s’approche d’abord de la chute américaine puis met le cap sur la canadienne. Un guide bilingue (anglais/français) nous narre quelques anecdotes dont celle du « garçonnet tombé dans les chutes en costume de bain et en veston » puis il nous prévient qu’on va entrer dans du terrible, l'enfer ou quelque chose comme ça. Cela devient effectivement impressionnant. Le bruit, la hauteur d’eau, la puissance, la vapeur, tout nous submerge. Nous sommes complètement drachés.

    De retour à l’embarcadère, je découvre que je suis le seul à être autant mouillé sous la bâche que dessus mais avec le soleil cela sèche vite. Nous allons jusqu’au bout de la promenade, là où on se trouve au-dessus de la rivière Niagara juste avant qu’elle fasse le grand saut, vertige assuré et vague tentation de s’y jeter.

    C’est à ce moment que l’on se dit que ce serait une bonne idée de passer de l’autre côté de la rivière où l’on imagine qu’une promenade permet d’atteindre l’immense belvédère sans vraiment passer la frontière.

    *

    La rivière Niagara relie le lac Ontario au lac Érié. Nous sommes à la frontière entre le Canada et les Etats-Unis. Toutes choses que l’on découvre sur place, n’ayant pas avant d’y venir la moindre notion géographique sur la région.

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  • Chez Linda, Shuter Street, nous dormons à l’étage. Face à la nôtre, une autre chambre où semble être un jeune homme. Entre les deux, la salle de bains que j’occupe le premier ce lundi matin. Quand j’en sors, c’est pour trouver par terre devant la porte la serviette du voisin qui revendique ainsi, comme dans un internat, le droit de prendre ma suite. Celle qui s’apprêtait à l’occuper doit attendre. Au petit-déjeuner, nous côtoyons à nouveau la femme seule et solitaire. Elle nous dit qu’elle est allée sur la tombe de sa grand-mère. Celle que j’accompagne sort fumer sur le trottoir devant la maison double, moitié pour l’invisible Linda et son frère, moitié pour les hôtes. Je lui tiens compagnie. Nous regardons passer employé(e)s et étudiant(e)s se pressant vers le travail, à pied, en vélo, en voiture, en bus ou en taxi. De l’autre côté de la rue se trouve un parc avec des terrains de sport.

    Après un brossage de dents, nous partons à la recherche de la gare Greyhound et y achetons deux billets pour Niagara Falls le lendemain mardi. Puis on se dirige vers la vieille ville, quartier de rues semi piétonnières (églises, marché couvert mais fermé le lundi). Je repère un restaurant mais comme il n’est que onze heures, on continue jusqu’à la Distillerie, un bâtiment industriel reconverti dans l’art contemporain, d’où la présence de bobos et de cafés restaurants branchouilles. Rien ne nous y retient. Pour déjeuner, nous sommes contraints de revenir sur nos pas jusqu’au restaurant repéré près du marché couvert. Il se nomme le Paddington’s et ce sera encore une fois pour elle une salade Caesar au Chicken et pour moi un Swiss Burger cuit « medium » et non pas « rare » (c’est interdit par le gouvernement nous dit la serveuse), avec des French Fries, un thé, un café. Je paie avec des dollars américains, ce qui ne réjouit pas cette même serveuse :

    -American dollar is a very bad money, me dit-elle.

    Elle les encaisse néanmoins. Dehors, il fait soleil mais le vent est devenu glacial. On descend quand même au port où un cargo vert, le Wigeon, se fait vider de sa canne à sucre. Le long du bassin, une fausse plage avec fauteuils confortables nous accueille quelque temps, mais le froid finit par nous en chasser. De retour à la maison, nous prenons un jus d’orange avec muffin dans la cuisine communautaire. Quand nous pénétrons dans la chambre, nous remarquons des affaires déplacées. Celle que j’accompagne téléphone à Linda avec l’appareil de la cuisine. Cette dernière explique qu’elle y a fait entrer un photographe. Elle se fait dire notre désapprobation.

    Le soir venu, on retourne à l’Imperial Pub Library. Un escalier latéral nous incite à monter à l’étage où l’on découvre une deuxième salle : confortables fauteuils, juke-box, baby-foot, livres vieux et en foutoir, musique jazz à la radio. Nous commandons un pichet d’un demi-litre de chardonnay local et des sweet potatoes fries. Une clientèle mélangée nous tient compagnie. Certain(e)s sortent fumer sur une grande terrasse où il fait trop froid pour se tenir longtemps.

    Au bout d’un moment, un serveur vient nous voir pour nous annoncer qu’il n’y a plus qu’un peu de ces douces pommes de terre frites et qu’en conséquence elles nous seront offertes.

    *

    Je n’aime toujours pas Toronto, la plus grande ville du Canada avec ses deux millions six cent mille habitant(e)s, qui n’a pas voulu de moi. A sa décharge néanmoins, c’est la première fois depuis New York qu’on croise moult jolies filles dans la rue, spécialement des Asiatiques.

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