• Journal du voyage en Amérique du Nord (14) : mercredi vingt-deux août deux mille douze, New York City (Brighton Beach, Little Odessa, Prospect Park)

    Tandis que celle qui m’héberge clandestinement part pour son travail, je quitte ce mercredi Convent Avenue avec l’intention de visiter le MoMA. Pour ce faire, je descends du métro à Columbus Circle mais me trompe de direction en longeant Central Park à pied, partant vers l’ouest au lieu du sud. Voulant rectifier à l’aide du métro, je grimpe malencontreusement dans un B qui mène à Brighton Beach tout au bout de Brooklyn. Je décide de laisser tomber le Musée et d’aller voir la mer.

    Après un long voyage essentiellement aérien, je descends donc à la station Brighton Beach et découvre non pas la mer mais un quartier très animé où personne ne comprend mon anglais. C’est qu’ici, je m’en rends vite compte, on parle russe. Je suis à Little Odessa, dans une rue dont la plupart des enseignes sont écrites en cyrillique. La mer se cache bien, j’aurais pourtant besoin de me rafraîchir.

    Je finis par la trouver en suivant une famille munie d’une pelle et d’un seau, une mer calme et lointaine qui lèche une vaste plage de sable propre, bien peignée, presque déserte. Une promenade comme celle des planches à Deauville la longe que je parcours sur un bon kilomètre jusqu’à atteindre un parc d’attraction dont les manèges sont au repos. Je crève de chaud et fais demi-tour, arrivant dans la zone des restaurants. Veulent m’attirer à l’intérieur des serveuses aguicheuses à qui je dis non.

    Je retourne dans Brighton Bridge Avenue et entre chez Primorsky, un restaurant russe dont la salle kitsch est en grande partie occupée par des tables décorées comme pour un mariage. On m’installe à l’une des tables non décorées proche du bar et de la cuisine. Il fait sombre et à peine moins chaud que dehors. Les serveurs portent des costumes noirs et sont froids comme des membres du KGB, efficaces cependant. Peu de monde ce mercredi midi, deux couples de vieux Américains, je prends le menu du jour à six dollars quatre-vingt-dix-neuf : bortch, goulasch avec purée, et mange avec Poutine dans les écrans de télévision. J’ajoute un café à l’américaine. Avec le pain, les taxes et le tip, ça fait douze dollars.

    Quand je ressors, je constate qu’il fait encore plus chaud, aussi avisant sur le trottoir une pancarte qui propose des services de pédicure pour 10.99 je monte à l’étage où s’activent non des Russes mais des Chinoises. L’une d’elles s’occupe de mes extrémités, coupage, lavage, ponçage, rapage, séchage, tandis que des télés murales parlent du pays. Au moment de payer c’est 15 dollars au prétexte que je suis « a man ». J’essaie de discuter, rien n’indiquant une différence de prix selon le sexe, sûr qu’en France je refuserais de payer la somme demandée. Ici, je ne peux que renoncer et finis par donner les quinze dollars sans ajouter de tip puis je quitte les lieux sans au revoir en claquant la porte.

    Les pieds confortables mais suant à grosses gouttes, je reprends le métro et descends à Prospect Park qui ne me réussit pas mieux que la fois précédente, n’y trouvant pas l’endroit accueillant dont j’ai besoin. A défaut, je m’installe à l’ombre en son entrée, regardant de jeunes blacks qui tentent de vendre de l’eau fraîche aux conducteurs arrêtés au feu rouge.

    Le soir venu, je la retrouve à Convent Avenue, dont le couloir est de plus en plus encombré par les cartons de celui qui doit déménager un jour ou l’autre, pour un dîner boisson au gingembre et glace à l’ogéhemme.

    *

    Où que ce soit à New York City, quels que soient leur statut social et leur style vestimentaire, les vieilles et les vieux sont en baskets.

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