• Journal du voyage en Amérique du Nord (2) : vendredi dix août deux mille douze, le départ et l’arrivée à New York City

    Partir à dix heures zéro huit de la gare de Rouen est le moyen le plus sûr de ne pas rater l’avion de dix-neuf heures trente à Roissy. Arrivé à Châtelet, je prends un menu vapeur au restaurant chinois où j’ai mes habitudes, puis un café en face au Béarn, enfin le Herreuherre Bé qui mène à Charles-De-Gaulle et dans lequel se côtoient qui rentre du travail (ou y va) et qui part en voyage.

    Je descends au terminal Deux A et patiente un long moment face au comptoir d’XL Airways jusqu’à l’heure de l’enregistrement des bagages. Pas de problème, ma valise pesée la veille sur la balance d’une voisine respecte la norme.

    En attendant l’embarquement, j’assiste à l’arrivée de l’avion et à sa préparation : la mise en place de la tentacule pour l’accès des passagers, l’usage des élévateurs pour charger les bagages et les plateaux repas.

    Ce n’est pas sans appréhension que je m’apprête à passer par-dessus l’Atlantique pour rejoindre celle qui vit à New York depuis de longs mois. Il y a bien longtemps, lorsque je suis allé chercher en Israël celle qui allait devenir ma fille, j’ai horriblement souffert du mal d’oreilles à l’atterrissage et n’ai depuis pas voulu renouveler l’expérience, mais comme dit madame Michu, l’amour donne des ailes.

    J’ai un siège central dans la rangée du milieu et pour voisine de gauche une emmerdeuse qui trouve que je prends trop de place. Je lui propose d’échanger ma place avec la sienne, ce qui suffit à la faire taire. Le décollage s’effectue normalement. L’équipage distribue le repas médiocre. Le vin étant payant, je prends un jus d’orange.

    Après un long vol sans autre souci que quelques turbulences, c’est l’atterrissage que j’affronte en mâchant moult chouigne-gommes. Mes oreilles souffrent, mais moins que redouté.

    L’avion posé, je le quitte sans tarder sur le conseil de celle qui m’attend pas loin (le contrôle à la frontière sera long, m’a-t-elle écrit, essaie d’être dans les premiers). Je prends ma place dans la file d’attente. Un policier, ignorant tous les autres, s’approche de moi et me demande mon passeport. J’obtempère. Il me le rend sans commentaire. J’avance peu à peu et arrive au guichet où l’on doit faire profil bas. Un corpulent policier noir prend toutes mes empreintes digitales puis ma photo sans lunettes. Il me demande si je viens à New York « for pleasure ». « Yes ». L’intéresse ensuite de savoir quand je quitterai son pays : “At the end of september ». « Welcome to New York », me dit-il en me rendant mon passeport tamponné.

    L’attente est plus longue avant qu’apparaisse mon bagage sur le tapis roulant. Je subis un nouvel interrogatoire relatif à son contenu et à la fiche de douane que j’ai remplie dans l’avion, où j’ai bien spécifié que je n’arrive pas avec de la boue rurale aux pieds. Le jeune homme en uniforme qui me questionne veut surtout savoir quand je repars. Je le rassure. C’est alors la « bottle of wine » que contient ma valise qui l’inquiète. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi il s’étonne de sa présence et il m’est difficile de converser avec lui vu mon niveau en anglais. La situation se débloque lorsque je lui dis que c’est pour ma girl friend. « Ah yes, your girl friend, it’s ok ».

    Je trouve le panneau Exit et la cherche des yeux. Elle surgit dans son joli chorte vert, cinq mois et demi que je ne l’ai pas tenue dans mes bras.

    C’est un taxi jaune qui nous emmène à Harlem, Convent Avenue. Il est minuit, heure de New York, six heures du matin à Rouen Je viens de passer vingt-quatre heures sans dormir. La nuit est belle et chaude.

    *

    Plus tard, parlant de la difficulté pour un étranger de mettre le pied sur le sol des Etats-Unis, elle me cite cette formule qu’elle tient de je ne sais qui : « En France, à la frontière, si tu viens d’ailleurs, on te préjuge innocent et à toi de confirmer que tu n’es pas coupable ; ici, on te préjuge coupable et à toi de démontrer que tu es innocent. » Je confirme la seconde moitié du propos.

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