• Journal du voyage en Amérique du Nord (27) : mardi quatre septembre deux mille douze, de Philadelphia à Pittsburgh en Greyhound puis en bus jusqu’à Wilkinsburg

    Ce mardi, let’s go to Pittsburgh, me dit celle qui a organisé notre périple. Nous allons petit-déjeuner chez Little Pete’s Restaurant, café thé et pancakes à la banane. La serveuse nous apporte une fiole qu’on pourrait prendre pour un pichet de vin rouge, du sirop qui donne un peu de goût à ces pancakes qui n’en ont pas. Petite clientèle du matin, d’avant le travail, un jeune type avale un énorme steak en trois minutes. Elle mange seule le demi pamplemousse qu’elle a commandé par erreur (grape fruit is not grape) car je n’aime pas ce fruit. Le café du matin est resservi à volonté. J’en bois trois, il faut bien ça.

    Après avoir laissé un mot gentil à Marcia, notre logeuse, pas encore levée, nous prenons le bus 33, en payant cette fois, avec nos bagages dont son énorme valise. Le sac à dos n’empêche pas qu’elle soit trop lourde. Le bus nous dépose à la gare routière où des laissés-pour-compte zonent. Pas de panneau d’affichage, pas d’information fiable, on attend. Une aboyeuse black annonce les départs.

    Le car Greyhound direct pour Pittsburgh finit par arriver. L’aboyeuse me prie de laisser passer celle que j’accompagne. Les bagages coffrés, nous prenons place dans des sièges assez confortables, point d’écrans vidéo heureusement dans ce véhicule à lévrier. Pas mal de jeunes blacks parmi les passagers, quant au chauffeur il est d’origine chinoise.

    C’est un long voyage à travers les Appalaches. Nous passons près de Gettysburg où se tint la bataille qui fut le tournant de la Guerre de Sécession et près d’Harrisburg où eut lieu l’accident nucléaire de Three Mile Island.

    Au bout de trois ou quatre heures, le chauffeur annonce une pause sur une aire d’autoroute. Elle fume vite fait puis on déjeune en express d’une énorme part de pizza pour deux et d’une salade pour deux. Le car n’est pas loin de repartir sans nous.

    Le paysage est de champs de maïs et de fermes à silos. Quelques vaches et moutons nous regardent passer. Aucun humain ne signale sa présence dans cette immense verdure.

    Malgré le retard du départ et l’embouteillage à la sortie de Philly, on arrive à peu près à l’heure prévue à Pittsburgh. Après avoir traversé une périphérie d’usines plus ou moins abandonnées, le car nous dépose dans la belle gare routière de Park Authority.

    Sortis de là, la première chose qu’on voie, c’est deux gars menottés dans le dos assis sur le trottoir d’en face surveillés de près par la Police. Sa cigarette fumée, nous cherchons l’arrêt du bus qui doit nous mener à la chambre d’hôtes réservée par ses soins. Une dame aimable nous aide à le trouver.

    On l’attend longtemps le P71 pour Wilkinsburg, ville de banlieue attenante à Pittsburgh, où nous logerons. Lui enfin là, nos bagages tirés à l’intérieur, nous nous asseyons à l’avant. De cordiaux passagers nous demandent où nous allons. « You are definitely in the right bus » nous déclare un homme à boucle d’oreille. « We are probably more worried about you than you are » ajoute une vieille dame. Après un long parcours dans une zone industrielle sur le déclin, le chauffeur nous indique qu’il s’agit de descendre. Nos amis de bus nous font coucou à travers la vitre. Cette banlieue nous apparaît résidentielle avec de jolies maisons de tous les styles. Une assez longue marche dans la chaleur, fatigante pour elle qui traîne sa trop lourde valise tout en portant son nouveau sac à dos, nous mène chez Suzanne, notre logeuse de Rebecca Avenue. À la fenêtre nous fait signe une affichette de soutien à Barack Obama.

    Suzanne nous reçoit aimablement et nous montons les pesantes valises par les escaliers raides jusqu’au troisième floor. Notre chambre est en soupente. On s’y sent bien malgré la fatigue et l’énervement (le mien) du voyage. Elle voudrait cependant ressortir à la recherche d’un lointain café que nous a indiqué notre logeuse. Je n’en ai pas envie. Un orage nous met d’accord, plus question de mettre le nez dehors sous une telle drache. Je redescends pour demander un tire-bouchon à nos hôtes et on ouvre la bouteille de vin de Californie qui a fait le voyage avec nous. Il est trop sucré mais comme on n’a que du pain de hot-dog à la confiture à manger, ça peut aller.

    Tandis que la pluie claque sur le toit, le ventilateur tournant, on se met au lit.

    *

    Simplicité des rapports humains aux Etats-Unis où tout le monde s’appelle par le prénom.

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