• Journal du voyage en Amérique du Nord (44) : vendredi vingt et un septembre deux mille douze, Chicago, Illinois (Buckingham Fountain, Giordano’s, Chicago Symphony Orchestra et Riccardo Muti)

    C’est notre dernière journée à Chicago. Après le petit-déjeuner pris à l’intérieur, ayant repéré de notre hauteur une concentration de taxis couleur bordeaux garés dans une rue parallèle à Michigan Avenue, nous descendons en réserver un pour samedi matin nous emmener à l’aéroport. Un chauffeur est là près d’une voiture. Il s’appelle Xavier et parle français, étant camerounais. Il est d’accord pour venir nous chercher à six heures du matin.

    Le bus 4 nous emmène jusqu’à Congress. De là, nous allons faire le tour de Buckingham Fountain, l’immense fontaine de Grant Park qui servait de point de départ à la mythique Route 66, copiée sur celle de Latone à Versailles, en deux fois plus grand naturellement, devant laquelle je la photographie, puis nous nous renseignons sur le concert gratuit que doivent donner le Chicago Symphony Orchestra et son chef Riccardo Muti en fin d’après-midi au Jay Pritzker Pavilion.

    Nous rejoignons ensuite Rush Street où, selon le Guide Bleu, on peut manger la meilleure pizza de la ville, chez Giordano’s. Il est midi, nous sommes dans les premiers. Bientôt, la belle salle rouge se remplit. La serveuse nous indique que la spécialité que l’on convoite, cette Chicago Famous Stuffed Pizza, nécessite quarante-cinq minutes de préparation. On l’attend donc patiemment en compagnie d’un verre de chardonnay. Elle est énorme, surtout en épaisseur, composée d’une couche de fromage, d’italian beef et de coulis de tomate, accompagnée d’une salade, et excellente. Nous la mangeons en entier, surtout moi, alors qu’à d’autres tables on fait appel au doggy bag.

    La pluie, lorsque nous sortons, nous prive d’une promenade digestive. Les bus 3 et 4 nous reconduisent chez nous où nous prenons le café et le thé avant de faire un petit somme.

    Nous partons pour Millenium Park à 3.30 p.m. afin d’y ouïr à 6.30 p.m. Carmina Burana (Carl Orff’s choral blockbuster) interprété par the CSO dirigé par Riccardo Muti le Magnifique (featuring Maria Grazia Schiavo, Rosa Feola, Antonio Giovannini, Audun Iversen, the Chicago Symphony Chorus and the Chicago Children’s Choir). Nous nous plaçons dans la file où l’on attend pour obtenir un siège devant la scène. La pluie menace mais inutile d’espérer des places abritées, elles sont réservées. Certains ont choisi de s’installer sur la pelouse avec leurs propres pliants (dont l’un du Tour de France) et pique-niquent en famille, un verre de vin à la main. Les bénévoles de Bank of America, mécène du concert, nous offrent une gourde siglée du nom de la banque et de celui du Chicago Symphony Orchestra. On obtient deux sièges à 5 p.m. que l’on essuie avant de s’y asseoir. Malheureusement, il ne tarde pas à repleuvoir et pas qu’un peu. C’est sous les parapluies que l’on attend l’heure de début du concert, sûrs de n’en rien voir.

    Au dernier moment, des places réservées non occupées deviennent accessibles. On s’y précipite mais il est trop tard. Après nous être fait jeter des abords du plateau, nous nous retrouvons debout sous la pluie près des toilettes, d’où l’on voit partiellement la scène. Les vigiles débordés tentent de nous déloger au prétexte d’issue de secours mais nous tenons bon et arrivons à voir la plupart des musiciens et des choristes présents sur le plateau.

    Riccardo Muti arrive. Il salue les autorités, la banque et les spectateurs puis lance l’hymne national qu’il dirige dos à l’Orchestre. Dans un grand élan de patriotisme mouillé, l’ensemble du public, la main sur le cœur, chante The Star-Spangled Banner. Le Maestro tourne ensuite sa baguette vers les musiciens et les choristes et place à la musique moyenâgeuse de Carl Orff,. Carmina Burana ne nous enchante pas mais on apprécie la gestuelle de Riccardo qui parfois se trémousse de façon assez drôle, tel un cormoran avant l’envol. De gros applaudissements saluent la fin de ce concert qui marque la fin de l’été à Chicago. Nous n’attendons pas l’issue des saluts pour nous extraire de la foule et choper un bus 4 qui nous ramène au 2901 South Michigan Avenue, vingtième étage, trempés et congelés.

    *

    Riccardo Muti est celui qui, le douze mars deux mille onze, à l’Opéra de Rome, alors que le public lui demandait de bisser le Va pensiero du Nabucco de Verdi dénonça les coupes budgétaires du gouvernement de Berlusconi mettant en péril la culture italienne.

    Un spectateur :

    -Vive l'Italie!

    Riccardo le Magnifique :

    -Oui, je suis d'accord sur le «Vive l'Italie», seulement... Je n'ai plus trente ans et donc ma vie est faite. Mais, en tant qu'Italien, qui parcourt le monde, je suis très peiné par ce qui est en train de se passer. C'est pourquoi si, à votre demande, je bisse le «Va pensiero», je ne le fais pas tellement, ou uniquement pour des raisons patriotiques... Mais ce soir, tandis que le chœur chantait «Oh ma patrie, si belle et perdue» j'ai pensé que si nous tuons la culture sur laquelle reposent les fondements de l'Italie, notre Patrie, véritablement, sera bel et bien perdue.

    À la rigueur, vu que nous sommes dans un climat très italique, et que très souvent Muti* s'est adressé à des sourds, durant de longues années... Je voudrais, faisons une exception: nous sommes ici chez nous, dans le théâtre de la capitale... Comme le chœur l'a chanté magnifiquement et que l'orchestre l'a très bien accompagné: si vous voulez vous aussi vous joindre à nous, faisons-le tous ensemble.

    Mais en mesure!

    (* muto signifie «muet».)

    Cette performance filmée par Arte est visible sur You Tube.

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