• Journal du voyage en Amérique du Nord (5) : lundi treize août deux mille douze, New York City (Chinatown, Little Italy, East Village, Times Square)

    Lundi treize août, c’est jour de travail pour celle que j’accompagne en métro jusqu’à son agence. Me voici seul pour la première fois dans la ville, en bordure de Chinatown, il fait très chaud. Je pars au hasard. Baxter Street, je longe les effrayants bâtiments du Manhattan Detention Complex (aka The Tombs), passe par une rue entièrement dédiée aux pompes funèbres chinoises dans laquelle stationnent des corbillards qui disparaissent sous des monceaux de fleurs et arrive à Colombus Park où je cherche un peu de fraîcheur. L’endroit est empli de Chinois d’un certain âge qui jouent à divers jeux ou discutent sur les bancs. J’entre dans les toilettes dégoûtantes puis me pose sur l’un des bancs. Sur celui d’à côté, un ivrogne muni d’un sifflet de police s’en prend bruyamment à la fille qui chasse les premières feuilles mortes avec un lance-air. Je file et trouve Little Italy qui se résume à une simple rue ayant perdu toute authenticité.

    Un peu plus tard, je prends un café sur la Bowery puis un horrible donut quelque part dans l’East Village avec un énorme café brûlant. Cet endroit ne possède pas de toilettes. Trouver des restrooms est un problème. Je finis par demander au vigile d’une clinique ophtalmologique de la Deuxième Avenue l’autorisation d’user de ceux de l’établissement (ce qu’il accepte), rejoins la Première Avenue, puis l’Avenue A, m’assois dans Tompkins Square Park où un vieux Noir à barbe blanche joue au saxo Somewhere Over The Rainbow. Un branlotin nerveux fait tomber son hot-dog frites. Il le ramasse à l’aide du plastique et le jette dans une poubelle. Les cigales accompagnent le saxophone que ne troublent pas les jeux d’enfants pas bruyants. Je regarde New York City vivre et je suis en sueur.

    Je prends un jus d’orange à cinq dollars au coin de Ludlow Street et de Rivington Street, chez Spitzer’s Corner, un établissement à grandes tables en bois où l’on passe devant la caméra de surveillance la pièce d’identité des clients étrangers qui paient par carte bancaire.

    Par Essex Street, j’arrive à Seward Park où je cherche et trouve un banc à l’ombre. Ce jardin est fréquenté essentiellement par des familles chinoises aux enfants pleurnichards. Une factrice vient s’asseoir à côté de moi. Son chariot aux poches flasques montre que sa tournée est terminée. Elle se plaint de fatigue, mange la cochonnerie qu’elle a achetée je ne sais où puis attrape la barre métallique qui permet de diriger son chariot et repart. Le camion du glacier fait entendre sa petite musique.

    Je traverse une bonne partie de Chinatown, restaurants et boutiques de souvenirs, affluence et mauvaises odeurs, puis vais me poster à l’angle de Walker Street et de Centre Street, là où celle qui travaille à proximité m’a fixé rendez-vous. Un Américain me demande son chemin. Des Chinoises pauvres font les poubelles des restaurants afin d’en récupérer les bouteilles en plastique. Hormis moi, nul ne les regarde.

    Quand celle que j’attends arrive, elle m’emmène dans un restaurant chinois où nous prenons un plat de canard comportant surtout des os près d’une famille de Québécois sachant aussi bien se faire obéir de ses enfants que des parents français. Fuyant l’endroit, nous prenons un verre de chianti cher et moyen dans la rue décorée de guirlandes électriques façon Noël de Little Italy.

    Bien que je sois fatigué, nous allons en métro jusqu’à Times Square où grouillent des centaines de touristes aveuglés par la lumière des publicités, un lieu que je classe vite parmi les plus laids et vulgaires que je connaisse.

    *

    Les Chinois sont assez mal vus par les Américains, me dit-elle, notamment parce qu’ils crachent par terre.

    *

    Quelque part dans l’East Village, une fresque murale à la gloire de Joe Strummer, le chanteur des Clash.

    *

    Taxis taxis taxis jaunes

    Trucks trucks trucks comme autant de jouets d’enfants

    School bus endormis par les vacances

    Sirènes hululantes des ambulances et des pompiers (parfois le camion de pompier, drapeau au vent, barrit comme un éléphant)

    Et l’inquiétante musiquette de Mister Softee.

    *

    Des taxis, des glaciers, des school bus, des pompiers et des ambulances elle m’avait parlé, mais des trucks non, comme si elle ne les avait pas vus ces énormes camions semi remorque à la cabine démesurée et démodée. « Les camions, c’est vraiment un truc de garçons », me dit-elle.

    Partager via Gmail Yahoo!