• L'envie de ne pas bouger, quand elle me prend

                Vendredi soir, je suis prêt à rejoindre Sotteville-lès-Rouen, précisément le local du Frac, où se tient le vernissage de l’exposition David Saltiel intitulée Le meilleur des mondes, quand une drache à retourner les parapluies me fait réfléchir. J’ai le choix entre me faire tremper à l’arrêt du bus ou me faire tremper dans la rue avant d’atteindre ma voiture. Je renonce.

                Je renonce également un peu plus tard le même soir à me rendre au concert organisé à la Maison des Jeunes et de la Culture Rive Gauche (ce genre de chose existe encore ici, à Rouen) en soutien aux mis en examen du onze novembre, les prétendu(e)s terroristes d’Alliot-Marie, dont presque toutes et tous sont maintenant relâché(e)s (aujourd’hui, c’est Yldune Levy qui voit sa liberté confirmée, ne reste embastillé que Julien Coupat, soupçonné d’être l’auteur ou l’un des auteurs de L’Insurrection qui vient publié aux Editions de la Fabrique). Bien envie de dire : oui, je suis avec vous, mais je ne supporte par la musique ponque et il n’y a que ça au programme.

                Je renonce même à aller au cinéma à trois euros du Festival Télérama (qui cette année n’est pas flingué par le Conseil Général, celui-ci offre la même chose mais la semaine suivante). Les films qualifiés de meilleurs de l’année deux mille huit ne m’excitent guère. C’est ce que je constate en consultant le numéro de la semaine, un Télérama dont la couverture me plaît bien. Sur la face de Sarkozy, un stiqueure proclame : « Trop de sécurité nuit gravement à la liberté ».

                Je préfère ne pas bouger, me glisser dans mon lit et terminer la lecture de L’Espèce humaine de Robert Antelme, récit (publié chez Gallimard) de son séjour au camp de concentration de Gandersheim, où il devient l’un de ces hommes réduits à manger des épluchures, objets des violences incessantes des détenus de droit commun auxiliaires des nazis. Je rapporte ici ce que j'ai vécu. écrit Robert Antelme, L'horreur n'y est pas gigantesque. Il n'y avait à Gandersheim ni chambre à gaz, ni crématoire. L'horreur y est obscurité, manque absolu de repère, solitude, oppression incessante, anéantissement lent. Un livre que je lis non comme un document historique évoquant un passé à jamais révolu mais comme une description possible d’un futur pas forcément lointain.

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