• L’Homme qui s’efface de Pascal Charpentier au Théâtre Charles-Dullin du Grand-Quevilly (pour l’Opéra de Rouen)

    « Création mondiale » vante l’Opéra de Rouen pour son « opéra de chambre tout public » L’Homme qui s’efface, musique de Pascal Charpentier sur un livret de Frédéric Roels (d’après une nouvelle de Jean Muno publiée en mil neuf cent soixante-trois), un opéra mis en scène par Frédéric Roels. Frédéric Roels est le directeur artistique et général de l’Opéra de Rouen. Autant dire que cette création mondiale entre dans la série « on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même ».

    J’y vais en métro ce mercredi et arrive bien trop tôt, les places étant numérotées ce que j’ignorais. La mienne est tout au fond près du radiateur, ici remplacé par des consoles techniques. L’histoire se passant dans une école, c’est une place de choix. Néanmoins, comme il reste beaucoup de sièges libres au moment de la fermeture des portes, je me rapproche un peu.

    Une salle de classe, des tableaux muraux, des élèves d’Epinal et un instituteur nunuche (vivant sous le joug de sa mère) qui rêve de la fille du tableau des moyens de transport, voilà ce qui nous est offert. Un jour, l’instituteur s’envole grâce à son parapluie. Après avoir croisé une fille nommée Berthe dont il ne veut pas, il s’incruste au retour dans le tableau des moyens de transport près d’Annabelle, la fille de ses rêves. Jean Muno est présenté dans le livret programme comme un écrivain discret. Je pense qu’il le restera.

    C’est Alexander Knop qui chante et joue l’instituteur et sa voix ne me sied pas. Je  me laisse un peu séduire par celles d’Elisabeth Mouzon (Berthe) et d’Elodie Kimmel (Annabelle). Quant à la musique de Pascal Charpentier (jouée par l’Ensemble Musiques Nouvelles), elle s’inscrit parfaitement dans le début du siècle (le vingtième, pas l’actuel). En mil neuf cent onze, elle aurait fait son effet, anticipant L’Enfant et les sortilèges de Maurice Ravel. En deux mille onze, elle a un siècle de retard.

    A l’issue, je m’efface sans attendre le retour des interprètes avec qui, ce soir, on peut causer. Une heure quinze sans entracte, je ne risque pas de manquer de moyen de transport pour rentrer, juste à attendre neuf minutes qu’arrive le prochain métro.

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    L’écrivain belge Jean Muno est mort le six avril mil neuf cent quatre-vingt-huit d’une tumeur du nerf optique. Rien que d’écrire ça, j’ai mal aux yeux.

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    De retour chez moi, je poursuis la lecture de la Correspondance Gustave Flaubert George Sand, c’est au tour de George Sand d’être énervée, le vingt-neuf novembre mil huit cent soixante-douze, écrivant à Flaubert qui vient de se fâcher avec son éditeur Michel Lévy :

    Du moment que la littérature est une marchandise, le vendeur qui l’exploite n’apprécie que le client qui l’achète, et si le client déprécie l’objet, le vendeur déclare à l’auteur que sa marchandise ne plaît pas. La république des lettres n’est qu’une foire où on vend des livres. Ne pas faire de concession à l’éditeur est notre seule vertu, gardons-la et vivons en paix, même avec lui quand il rechigne, et reconnaissons aussi que ce n’est pas lui le coupable. Il aurait du goût si le public en avait.

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    Ce Il aurait du goût si le public en avait vaut aussi pour le programmateur d’une salle de spectacle.

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    Jeudi matin, passage par le marché des Emmurées où je n’achète aucun livre. Je prends Libération à la Maison de la Presse à côté. On y trouve une entrevue d’Eric Loret avec Brigitte Fontaine. Elle conclut : « Tout le monde se révolte autour de nous, les pays arabes, musulmans et nous, on est comme des cons, on attend les élections ».

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