• L’Impressionnisme au fil de la Seine au Musée des Impressionnismes de Giverny

    Le Festival Normandie Impressionniste, c’est pour bientôt à Rouen et, depuis un certain temps déjà à Giverny, au Musée des Impressionnismes, avec l’exposition L’Impressionnisme au fil de la Seine où nous voici, celle qui me tient la main et moi, dans la courte file d’attente ce dimanche de Pentecôte vers onze heures. Devant nous, un homme à moustache et cheveux blancs trouve néanmoins que ça n’avance pas assez vite et peste contre les fonctionnaires, ce qui m’amène à lui dire que si Sarkozy n’en supprimait pas autant, il y en aurait peut-être deux au guichet. C’est le début de ce qu’on pourrait appeler une engueulade courtoise. La femme du monsieur, qui le rejoint quand il paie, lui demande ce qui lui arrive :

    -Je vous l’ai un peu énervé, je suis désolé, lui dis-je.

    -Oh, il est toujours comme ça, me répond-elle.

    Cette exposition est plutôt intéressante, qui sait s’égarer hors de l’Impressionnisme et hors de la Normandie et où on ne risque pas de se trouver face à un tableau de Frechon (nous ne sommes pas à Rouen). Je note le Caillebotte qui fait l’affiche Partie de bateau dit Canotier au chapeau haut de forme et celui intitulé Les Périssoires. Caillebotte, ça me botte, j’aime ses cadrages photographiques (une exposition à lui consacrée, je serais client). Je note aussi La Seine à Suresnes de Sisley pour son trop de nuages à la chantilly, La Cathédrale de Gisors de Maximilien Luce (bien kitsch), Le Pont de Chatou de Vlaminck, Le balcon à Vernonnet de Bonnard où je vois une femme à demi nue penchée au balcon appelant le jardinier pour qu’il oublie un peu ses fleurs et vienne s’occuper d’elle (mais non, tente-t-elle de me convaincre, ce n’est qu’un tissu rose), Le Pont Saint-Michel de Matisse, vu d’une fenêtre et non terminé, Alphonsine Fournaise d’Auguste Renoir où l’on a la preuve que c’est lui l’inventeur du téléphone mobile (celui-ci est rose, collé à l’oreille de la dame), La Seine à Courbevoie de Seurat, maître du faux cul, de l’ombrelle et du petit chien, Les déchargeurs de charbon de Claude Monet, un Monet social assez inhabituel.

    J’en suis à noter Avant du tub, opus 176 de Paul Signac quand la guide cornaquant un troupeau de retraité(e)s réjoui(e)s s’en prend à moi :

    -Monsieur, faites attention à votre stylo, n’écrivez pas sur le tableau !

    -Justement, lui dis-je, il manque un point, je peux le faire si vous voulez.

    On ne peut jamais être tranquille. Outre les groupes et leurs guides, l’autre nuisance ce sont les visiteurs et visiteuses à audioguide qui s’amassent devant les tableaux à numéros, ne daignant guère regarder les autres. Cependant, on voit bien, le public n’est pas en nombre effrayant. Beaucoup n’entrent pas dans le Musée, se contentant de ses jardins fleuris. Giverny est une sorte de Dreamland champêtre.

    Celle qui m’accompagne aime aussi de Boudin les mâts des voiliers pour leur graphisme précis. Une petite fille déclare que plus tard elle veut être peintre comme ça, sinon jouer du piano.

    Un autre qui a voulu être peintre comme ça, c’est Claude Cambour « artiste-peintre impressionniste » comme l’indique en gros sa plaque, pas loin de la maison de Monet. Sa biographie ronflante figure sur le mur, en anglais et en français, On y apprend que son grand-père fut le jardinier de Vlaminck, ce qui a tracé sa destinée, et que ses tableaux sont montrés non seulement à Giverny mais aussi à « New York, Palm Beach, Detroit, Londres, Singapour, Tokyo et Vienne (Autriche) », enfin l’essentiel est répété deux fois : « Pour tout acheteur éventuel, sonnez on vous ouvrira ».

    Dans la rue libérée de voitures, nous nous installons à une petite table ronde et commandons deux kirs, là où d’autres vont bientôt se faire arnaquer en mangeant pour plus de seize euros une couiche surgelée passée au micro-onde et un dessert du même genre.

    C’est dans mon jardin, rentrés à Rouen, que nous ferons bombance.

    *

    Je lis avec plaisir Isabelle de dos de Jacques Serena  (Minuit) acheté à Paris, vingt centimes chez Boulinier, histoire d’un qui revient sur fond de marché provençal, extrait pas du tout choisi au hasard : Philippe parle, Philippe dit Ce coup-là je m’en suis sorti je sais pas comment la pluie pendant une semaine sans arrêt trempé comme une soupe les paysans normands qui te voient passer d’un sale œil une sacrée bande d’imbéciles les Normands pas tous remarque ma mère est normande mais les paysans méfiants filous sournois…

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