• La Mouette de Tchekhov par la Compagnie Catherine Delattres à l’aître Saint-Maclou, puis à la fête rouennaise d’Arne Quinze, sous les jupes de Camille, pont Boieldieu

    Samedi soir, avec celle qui me tient la main, je suis assis sur une chaise inconfortable en plein air. Cela se passe dans l’aître Saint-Maclou, cet ancien cimetière de pestiféré(e)s devenu Ecole des Beaux-Arts. Nous y sommes pour la dernière représentation rouennaise de La Mouette d’Anton Tchekhov par la Compagnie Catherine Delattres. Il fait frais, l’orage hier a fait le nécessaire ; presque trop frais pour elle, arrivée en petite robe et semblant de gilet.

    C’est du théâtre à l’ancienne, avec beaucoup de déplacements et parfois des cris que je trouve inutiles. Les acteurs et actrices sont plus ou moins convaincants, celui qui joue le fils est trop vieux pour le rôle, celles qui jouent les jeunes femmes frustrées sont trop souvent dans l’hystérie. Les mouettes, les vraies (ou alors ce sont des cormorans ou autres oiseaux du même genre), sont très bien, qui ne cessent de ricaner pendant la représentation tandis que la nuit tombe doucement.

    A la fin, je suis plutôt déçu, ayant préféré en deux mille quatre La Cerisaie du même, jouée par les mêmes, au même endroit. C’est aussi que La Mouette n‘est pas la meilleure pièce de Tchekhov, certains dialogues sont longs et ennuyeux.

    Celle qui m’accompagne est moins critique que moi. Elle me dit qu’elle a bien aimé. C’était sa première pièce de Tchekhov et sa première pièce en plein air, deux nouveautés à inscrire dans son carnet des premières fois.

    A la sortie un verre est offert mais nous ne nous arrêtons pas, il est onze heures et demie et il temps d’aller voir à quoi ça ressemble la fête d’Arne Quinze sur le pont Boieldieu.

    Par la rue Saint-Romain et la place de la Cathédrale, nous nous dirigeons vers Camille dans la fraîcheur de la nuit. L’installation d’Arne Quinze est en point de mire, éclairée par des projecteurs mobiles, mais c’est surtout le bruit de la musique qui attire vers elle.

    Nous sommes environ deux cents sur le pont à considérer les dessous de Camille, milliers de tasseaux enchevêtrés, partie bois brut, partie orange fluo, œuvre promue comme jardin suspendu (impressionnisme oblige) en laquelle je vois tout ce qu’on veut sauf un jardin.

    Le son est féroce et emplit les oreilles. Les projecteurs jouent sur les tasseaux. A cela se résume la fête d’Arne Quinze, une fête pas prévue, une surprise de l’artiste, tente de faire croire l’information municipale. Arne Quinze est un malin.

    Quel dommage, me dis-je, que l’on ait pas viré les horribles jardinières qui délimitent la piste cyclable, que l’on ait pas, non plus, remisé les statues de navigateurs de De Pas, le sculpteur officiel du Port de Rouen. Cette proximité est inesthétique, tout comme est fâcheuse la présence, en contrebas, du parc d’attractions temporaire baptisée Rouen sur Mer. Le mélange des genres nuit à Camille.

    Je demande à celle qui me tient la main ce qu’elle en pense. Elle me dit y voir une maquette rendue intéressante par la démesure.

    Impossible d’entendre ce qu’en disent les autres fêtard(e)s, le mixage musical nous abasourdit. Je me demande aussi ce qu’en pensent les deux vigiles qui arpentent le pont et les deux Céhéresses qui les suivent et les deux secouristes de la Croix Rouge qui viennent derrière en une majestueuse chorégraphie sécuritaire.

    Bientôt nous rentrons. Il est plus de minuit et il faut se lever à quatre heures vingt-cinq afin qu’avec son père, elle achève son déménagement ce dimanche matin.

    *

    Camille ressemble à un dragon géant du Nouvel an chinois, me dit-elle ce dimanche aux aurores sur le pont Corneille alors que je m’apprête à la reconduire dans sa famille.

    *

    Cela fait, j’écoute Vivre sa ville sur France Culture. L’émission du jour a pour titre Un dimanche à Rouen et pour sujet Rouen Impressionnée. Arne Quinze et sa Camille sont à peine évoqués, il est surtout question de Shigeko Hirakawa et de son Appel d’air (arbres à photosynthèse, molécules d’oxygène et bulles d’air) au Jardin des Plantes, du collectif Echelle Inconnue et de son parcours De(s) Rive(s) (textes, images et vidéos accessibles par téléphone mobile) sur le quai rive droite, et d’Olivier Darné pour ses Trésors publics (installations de ruches urbaines), l’une de ces ruches est devant l’église Saint-Maclou (La Banque du miel), l’autre devant l’église Saint-Sever ( Le Canon à abeilles).

    (Pas le temps d’aller voir ça avant de partir en vacances, ce sera pour le retour.)

    *

    Deux formules d’Olivier Darné : « L’erreur est urbaine » «  On ne prête qu’aux ruches »

    *

    J’aime trop les livres pour fréquenter les Salons du Livre. C’est ma maxime du jour sur Fessebeuque. Elle ne plaît pas à tout le monde. C’est parfait.

    Partager via Gmail Yahoo!