• La vie, de livre en livre

                Sur France Culture le matin de ce mardi, j’écoute Jude Stefan évoquer les livres de ses bibliothèques : « Il y en a partout, ils envahissent l’appartement comme des rats. Tout cela pour que le jour où vous n’y êtes plus, une petite nièce les brade à n’importe qui. » Propos dont je me souviens l’après-midi à la terrasse du Son du Cor où je regarde les jolies filles qui passent en lisant dans Les jouets vivants de Jean-Yves Cendrey Les livres pèsent, singulièrement ceux qu‘on ne lira jamais mais dont on a besoin d’être encombré toute sa vie. Au-delà de six mois d’absence, les livres manquent, qu’ils soient lus, à lire, ou simplement à dépoussiérer. Les livres embarrassent, ce n’est pas la moins intéressante de leurs fonctions, et je m’en veux encore de m’être séparé de beaucoup, la veille d’un déménagement de plus, soudain victime d’une fringale de légèreté qui m’amena à des centaines de sacrifices imbéciles.

                Sitôt levé le camp du Son, je me rends à la bouquinerie Le Rêve de l’Escalier.

                Sur le trottoir, devant la boutique, je trouve, soldé, sur la page chaque jour un livre de chez Z’éditions consacré à Daniel Biga (interrogé par Jean-Luc Pouliquen) avec des images d’Ernest Pignon-Ernest et un cahier de photos où l’on croise, outre les trois cités, Ben Vautier et Robert Filliou.

                Dans la vitrine, j’aperçois le Journal japonais de Richard Brautigan, publié chez L’incertain, qui doit être le seul livre de cet écrivain que je ne possède pas encore et où on trouve des choses comme celle-ci Je l’aime bien ce chauffeur de taxi/ qui fonce dans les rues sombres/ de Tokyo/ comme si la vie n’avait aucun sens./ Je me sens pareil. Cet exemplaire est dédicacé « A ma chère Agnès que j’aime tant. Maman ».

                Sur la pile des livres qui viennent d’arriver, je découvre un grand et gros livre jaune Les Monstres, une histoire encyclopédique des phénomènes humains, qui recense géants, nains, obèses, femmes à barbe, frères siamois, hommes et femmes à cornes, sirènes, culs-de-jatte, manchots, hommes-troncs, hermaphrodites, albinos, hommes animaux, hommes à deux têtes, femmes à quatre jambes, hommes machines et tutti, dans sa nouvelle édition, revue et augmentée (comme on dit) de deux mille sept au Cherche Midi. L’auteur, c’est Martin Monestier et j’en connais une à qui ça va plaire.

                Bien sûr je repars avec ces trois livres payés par mon avoir, devenus miens grâce à Jean-Yves Cendrey et à Jude Stefan, ce dernier écouté ce matin sur France Cul citant Pierre Reverdy « La vie est grave, il faut gravir » (la citation exacte est La vie est une chose grave, il fait gravir), formule attrayante peut-être pour l’écrivain d’Orbec et pour beaucoup d’autres, mais pas pour moi qui n’aie jamais rien vu de sérieux dans cette aventure et qui suis partisan du moindre effort. La vie est belle, il faut buller.

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