• Sorti du Centre Pompidou, ce mercredi après-midi, je passe chez Templon, d’abord à l’annexe où les peintures abstraites de Jean-Michel Alberola ne me siéent guère puis en face, où sont montrés les nouveaux travaux de Pierre et Gilles sur le thème du Héros, des images de garçons qui plairont aux garçons qui désirent les garçons, mais sont aussi visibles une Arielle Dombasle, en sa splendeur inentamée, dans le rôle du Fruit défendu et deux héros de la vie quotidienne ayant succombé au mariage pour tous avec derrière eux, dans son cadre, sur fond de drapeau tricolore, une tête d’Hollande hilare.

    La ligne Quatorze m’emmène vers Pyramides. Une publicité pour Bruges, Gand et Anvers y proclame : « Les Flamands osent ». Au Book-Off de l’Opéra, je ne suis guère plus chanceux qu’à l’autre, mettant néanmoins dans mon sac les Souvenirs littéraires et quelques autres de Maurice Pons, l’homme du Moulin d’Andé, près de Louviers, ville natale.

    La pluie reprend lorsque je sors de Chez Léon où j’attendais le train pour Rouen. Plus celui-ci avance, plus il fait sombre, bien que ce ne soit pas l’heure de la nuit. La buée couvre entièrement les vitres. C’est comme si on voyageait en permanence dans un tunnel.

    A l’arrivée, la mousson s’abat sur la ville, de quoi m’autoriser à prendre le métro sans payer pour me rapprocher de ma demeure. Je descends au Théâtre des Arts. Les marches de la station sont en passe d’être transformées en torrent. Toute cette eau se répand sur les rails. Dans les rues ne sont visibles ni piétons ni voitures. Je fends le déluge. A peine arrivé, un éclair zèbre l’obscurité. Il est suivi d’un tonnerre fracassant.

    *

    Jeudi matin, des affichettes sur toutes les portes de la Cathédrale de Rouen l’annonce fermée pour cause de dégâts des eaux.

    *

    De ma lecture récente des lettres de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais à Aurélie Houret de la Morinaie, cet extrait daté du onze vendémiaire an sept (dix octobre mil sept cent quatre-vingt-dix-huit) :

    Juge et rappelle-toi à la nature, et à l’ivresse des caresses religieuses dont ton corps a été l’objet de ma part, si j’ai pu, si j’ai dû, pour conserver une liaison qui me devenait détestable ; si j’ai dû dire la sottise : que j’étais vieux et elle jeune encore ! etc., etc. (…) c’est du crime d’avoir foutu avec un autre, dans le temps même où ton amant, par ivresse plus que divine, te suçait le con et le cul, comme un dévot traite l’Eucharistie ! Qui, moi ? Je devrais pardonner, me dis-tu, dissimuler ce crime affreux contre l’amour ? Non, foutre, non ! Encore aujourd’hui, je te fuirais à mille lieues, si je pouvais te soupçonner de te laisser sucer le con, lécher le cul par un autre homme que moi !

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  • De quoi est-il question dans le train de sept heures vingt-quatre qui me mène à Paris ce mercredi ? Evidemment de la bévue de la SeNeCeFe (comme écrivait Boris Vian) qui a fait construire de nouveaux AirEuxAirs trop larges, si bien qu’en conséquence (comme on dit dans cette entreprise), il va falloir raboter les quais de gare. Voulant éviter les plaisanteries à répétition, les contrôleurs ne se montrent pas.

    En attendant dix heures, je lis le Libération de la veille au Café au Faubourg. J’y côtoie un homme à cheveux blancs et à l’allure de rock star anglaise. Anglais il l’est, habitué du lieu, parlant français, et peut-être écrivain, si j’en juge par le cahier qu’il noircit d’une écriture serrée, mais je n’ose demander. A l’ouverture, j’entre au Book-Off de la Bastille et en fais le tour avec moins de succès que la semaine dernière. Une cheffe vendeuse au téléphone parle d’achats nombreux et de ventes moindres. Ce propos m’inquiète un peu.

    Un pluie dense m’oblige à attendre le bus Quatre-Vingt-Six sous le parapluie. J’en descends à Cluny et fouille sans succès dans les bacs de Gibert Joseph et de Boulinier « libraire depuis mil huit cent quarante-cinq ». Rue de la Harpe, je déjeune à l’Hostellerie de l’Oie qui Fume aux menus élaborés une fois pour toute. Au mur, un article de la presse anglaise signale cet établissement (et ses homologues de la rue) comme « cheap and ultimately cheerful », d’où peut-être la présence à la table voisine de cinq vieilles copines d’outre-Manche tout droit sorties d’un roman de David Lodge.

    La pluie est accentuée lorsque je sors. Je gagne à pied le Centre Pompidou où depuis quelques jours est visible une Rétrospective Martial Raysse. Je m’allège au vestiaire. Derrière moi, la femme qui va laisser son manteau fait une déclaration à la cantonade : « J’ai encore failli passer à l’acte ». Monté au sixième par la chenille, je laisse sur place les quarante-cinq minutes d’attente annoncées au micro, qui prennent la forme d’une imposante file sinueuse, de celles et ceux voulant voir l’exposition de petits formats signés Cartier-Bresson et me dirige vers l’entrée immédiate de l’exposition Martial Raysse, que je connais peu.

    Le néon America America, variation sur la Statue de la Liberté, accueille qui vient voir les deux cents œuvres allant de mil neuf cent soixante à deux mille quatorze.

    La première partie de la vie de l’artiste, au temps du Nouveau Réalisme, est surtout consacrée à ces néons montrés ici sous toutes les coutures par l’ingénieuse déambulation mise en place par la commissaire Catherine Grenier. Ils sont mêlés avec les peintures et assemblages aux couleurs pop. Un juke-box Wurtlitzer diffuse les Troggs, Beach Boys, Mamas and the Papas et autres groupes de cette époque que l’on nommera plus tard baba-coule. Le film Le grand départ (mil neuf cent soixante-douze) dont je ne regarde qu’une partie des soixante et onze minutes, en témoigne sur un mode ironique. Il sortit en salle en ce temps où le terme de film d’art et d’essai avait un sens. Montré ici en grand sur l’un des murs, on y voit les images surexposées d’une joyeuse bande comprenant une petite Innocence nue (qui aujourd’hui ne passerait pas la censure) se livrer à des cérémonies psychédéliques.

    Je retiens aussi Oued Laou, installation géante composé d’un palmier entouré de sable sous un dôme blanc de huit mètres de haut où est diffusée une musique de là-bas, et l’installation vidéo qui par un jeu de caméra m’inclut dans le film : Maintenant vous êtes un Martial Raysse.

    Une échappée sur les toits de Paris laisse apparaître le ciel noir dans lequel se reflètent les néons colorés.

    Dans la seconde partie de sa vie artistique, Martial Raysse se consacre surtout à la peinture, parfois sur de très grands formats, montrant des humains agglutinés ou solitaires, période moins attirante à mon goût mais pas inintéressante, suscitant en revanche l’enthousiasme de deux dames :

    -C’est extraordinaire.

    -Ah, fantastique, j’adore.

    Une autre visiteuse a un autre point de vue :

    -Ces artistes qui changent de style, ça déstabilise.

    Avant la sortie sont présentées trois sculptures traditionnelles. Ma préférée est le bronze D’une flèche mon cœur percé, jeune femme nue armée à taille étroite et jambe levée, rappelant la Diane des terrains vagues peinte façon bédé en quatre-vingt-neuf, courant nue avec ses chiens et ses couteaux.

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  • Le beau temps étant assuré ce dimanche, je mets le réveil à cinq heures et dès six heures suis au lieu-dit Le Village à Mont-Saint-Aignan, banlieue rupine de Rouen. Comme la veille à Oissel, une longue file de voitures témoigne du nombre de vendeuses et vendeurs non encore installé(e)s mais là l’organisation du vide grenier laisse à désirer. Certain(e)s se sont installé(e)s à la place d’autres qui doivent se rabattre ailleurs. Comme on est entre gens bien élevés, les discussions restent civiles. Trois policiers municipaux patrouillent cependant et cela finit par s’arranger.

    Je patrouille également, en ce lieu qui ne manque pas de livres à vendre et d’objets de toutes sortes qui intéressent autrui. Un homme s’étonne des vingt euros demandés pour une toute petite boîte qui n’a l’air de rien :

    -C’est ancien ?

    -C’était à ma mère, lui répond le vendeur, c’est au moins aussi ancien que ma mère.

    Un peu plus loin, un autre joue les grands seigneurs :

    -Je ne dénigre jamais l’objet que je veux acheter.

    On entend des choses comme :

    -J’ai acheté ça sur la Côte d’Azur.

    Une fillette de vendeuse demande s’il y aura de l’argent pour elle à la fin de la journée :

    -On verra ce qu’on gagne et selon, on te donnera des billets.

    -Des billets !

    Des billets, je n’en dépense pas, mais quelques pièces me permettent d’acheter des livres qui ne m’étaient pas indispensables, contrairement à la promesse faite à moi-même il y a quelques semaines.

    Je récidive plus tard à Franqueville-Saint-Pierre, banlieue rurale de Rouen, où le vide grenier se tient sur le parquigne d’un Super U entouré de champs verts. J’y découvre l’existence de la poubelle anti odeur pour couches de bébé, une sorte de cylindre à manivelle, dont je suis bien content de n’avoir pas l’usage.

    *

    Le Son du Cor, dimanche midi, deux filles à la table voisine. L’une raconte à l’autre qu’il y a eu bisbille avec son copain parce qu’elle n’a pas voulu l’aider à préparer son déménagement :

    -Alors je lui ai dit : « Tu veux que je te fasse bien mal ? » et je lui ai dit que j’avais embrassé un autre garçon, mais je lui ai pas dit le reste. Du coup, il s’est barré en soirée avec des copains à lui. À trois heures du matin, il m’a envoyé plein de textos : « Maintenant je sais que tu es une pourrie mais je crois que je vais pas te quitter ». Le pire, c’est que je m’en veux pas. Il m’a demandé si je m’en voulais, j’ai pas répondu.

    Elle espère que ça va s’arranger avec le déménagement puis ajoute :

    -Si j’ai pas de remord, je crois que c’est parce que lui aussi l’a fait il y a trois mois.

    Sa copine lui dit qu’elle vient de mettre le doigt dans un engrenage, qu’il ne va pas se gêner pour recommencer avec une autre maintenant.

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  • Ce samedi après-midi, le Cent Six sort de son hangar et se répand dans le triangle d’or Martainville-Damiette-Eau de Robec sur le thème Mythomania en une odyssée de huit concerts, une performance et une projection de film en plein air. A peine ai-je mis le pied dans la rue que j’y croise l’ami Masson avec son chapeau mais sans ses lunettes. « J’allons écouter le Gros Horloge faire du rock’n’roll », lui dis-je. Lui aussi évidemment.

    En effet, à trois heures, c’est le carillon du Gros, accompagné d’un guitariste local, qui donne le coup d’envoi de l’odyssée, une prestation qui laisse imperturbable la masse des passant(e)s, touristes ou adeptes de la braderie de printemps, et dont j’attendais mieux.

    Une heure plus tard, je suis à l’ombre, en retrait, dans le jardin de l’aître Saint-Maclou pour le premier concert. Sur le plateau protégé du soleil par une structure gonflable blanche en arc de cercle se produit Mustang, musiciens à gomina, chantant en français dans le style Golf Drouot des années cinquante.

    -C’est quel groupe ? me demande un quidam.

    -Les Forbans.

    Je crois qu’il me croit.

    Je vais ensuite au Son du Cor, rue Eau de Robec, où ce n’est pas la peine d’espérer trouver une place assise en terrasse. Appuyé contre l’un des faux ponts enjambant le faux ruisseau, j’écoute AA&You, duo de garçons qui grouvent en anglais sur le terrain de boules, une autre forme de pastiche de musique américaine, mais non vintage.

    Ce sera tout pour moi côté concerts mais je ne veux pas manquer la performance à l’orgue de Charlemagne Palestine. Vingt minutes avant dix-neuf heures, j’entre donc dans l’église Saint-Maclou. Une messe y est en cours. Plutôt que de ressortir, je choisis d’y assister debout près d’un pilier (Dieu n’en profite pas pour m’envoyer la foi). Un organiste accompagne l’office. A un moment, le public essentiellement composé de vieilles et de vieux (mais sont présents aussi un jeune seul et un jeune couple façon « Manif pour tous » ainsi que trois fillettes amenées là par leurs grand-mères) se lève. Toutes et tous se serrent chaleureusement la main en signe de fraternité. Une quête est faite. Quelques chants encore, l’évocation par le vieux curé des problèmes du monde (combats en Syrie, Ukraine et Centrafrique, mineurs morts en Turquie) et c’est fini.

    A peine les catholiques dehors qu’entrent les mythomaniaques, beaucoup plus nombreux. Les chaises sont prises d’assaut et, dans un bel ensemble, tournées vers l’orgue où il n’y aura rien à voir. Je résiste, ayant repéré les écrans sur les piliers, vers lesquels, dès que ceux-ci sont allumés, se retourne le gros des troupes où l’on compte pas mal de couples avec moutard(e)s en bas âge. Le dos de Charlemagne Palestine apparaît sur l’image, longs cheveux blancs en catogan, corpulence enveloppée dans des vêtements archi colorés, casquette de baise-baule, complètement Américain de Brooklyn bien que vivant à Bruxelles.

    La marmaille se tient tranquille, captée par les écrans. L’artiste accroche ses fétiches à l’orgue (des peluches diverses), se livre à un rituel magique avec son verre de vin rouge, puis actionne un premier tirant de jeux. C’est ensuite la longue montée en puissance créant une musique minimale assez envoûtante mais qui ne convainc pas la quatre ans assise devant moi. Elle se tourne vers son père :

    -Il sait pas jouer de l’orgue, le monsieur.

    -Je t’expliquerai plus tard, répond le père de cette enfant d’Andersen.

    De temps en temps, Charlemagne Palestine boit un petit coup de vin et se jette de manière branlatoire sur le clavier. Dans l’église, quelqu’un(e)s semblent en méditation, d’autres déambulent dans la vague sonore. Je vois passer un gobelet de bière mais il fait vite le chemin inverse. Régulièrement, certain(e)s se lèvent pour quitter les lieux. Au bout d’une heure, plus un enfant n’est présent. Des touristes attiré(e)s par le bruit et les portes ouvertes font le tour de l’église sans se soucier de ce qui s’y passe. Un peu avant vingt et une heures, le son finit par atteindre une puissance à casser les vitraux laissés intacts par la Deuxième Guerre Mondiale.

    L’artiste repousse alors un premier tirant. La descente se fait par palier, assez rapidement. Le silence surprend. Les quelques dizaines de spectatrices et spectateurs qui sont allées au bout, se tournent vers l’orgue et applaudissent.

    Charlemagne Palestine apparaît à la tribune. Il salue, dans une main son verre de rouge, dans l’autre sa peluche de Babar.

    *

    Un simulacre, cette fraternité catholique pendant la messe : pas question que l’un(e) dise à l’autre « Vous êtes seul(e), moi aussi, venez donc prendre le thé dimanche ».

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  • Une longue file de voitures avance au pas près du Super U de Oissel vers six heures samedi matin, ce sont celles d’exposant(e)s pas encore installé(e)s dans les prés jouxtant le supermarché, au lieu-dit La Plaine des Landaus. Par une manœuvre hardie, doublant tout le monde en roulant à contresens, j’atteins une entrée de parquigne du supermarché et m’y gare.

    Il fait beau, soleil et ciel bleu. Je fais le tour des déjà installé(e)s, guère optimiste. Est-ce en raison de ce nom de Landaus, on trouve ici encore plus de vêtements de bébés qu’ailleurs, souvent stockés dans des cartons de la marque Pampers.

    Grâce à une bonne organisation, tou(te)s les vendeuses et vendeurs ont bientôt trouvé place. Certains boivent déjà un coup (comme ils disent) dans des gobelets en plastique :

    -Eh dis donc, t’en as un paquet de gobelets, Robert !

    -Ça vient du boulot, c’est plus facile d’en sortir un carton que quelques-uns.

    Je vais et viens dans ces prés à l’herbe couverte de rosée sans trouver quoi que ce soit, jusqu’à ce que j’en ai marre.

    Je rentre avec rien dans mon panier et les pieds mouillés.

    *

    La crainte du vendeur de cochons d’Inde de vide grenier : que celui qui les achète les donne à boulotter à son serpent.

    *

     Pas encore de cochons d’Inde, ni de serpents, mais après la multiplication des chats, maintenant ce sont les chiens : il y aura bientôt davantage d’animaux visibles dans le jardin de la copropriété abandonné à lui-même qu’au nouveau zoo de Vincennes.

    *

    Un client du Son du Cor après deux pastis, samedi midi, parlant de je ne sais qui : « Il a acheté un garage. Hey, c’est pas une mauvaise affaire. Parce que tu fais un étage au-dessus. Et après, tu mets un jardin sur le toit. »

    *

    La veille, même heure même endroit, une cliente énervée à la patronne : « Putain, merde, chiasse, couille, je suis désolée madame, j’ai des problèmes mentaux, je viens de prendre un médicament, je vais me calmer. » (première fois que je me trouve en présence du syndrome de Gilles de la Tourette)

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  • -Qu’est-ce ça veut dire déjà oxymore ? J’ai oublié.

    Celle qui s’adresse ainsi à moi est assise à ma gauche au premier rang des chaises du dessus de la fosse à l’Opéra de Rouen ce vendredi soir, sexagénaire que je ne connais pas, étudiant comme moi le livret programme du concert donné par accentus sous le titre Voix intérieures. Je rafraîchis la mémoire de cette voix extérieure, puis me replonge dans ma lecture, pas excité du tout par les notes d’intention évoquant le sacré, la vie spirituelle, le cours du temps et la mort au bout. Un film vidéo de Julien Crépieux, tourné dans le désert américain, est chargé d’illustrer le propos chanté. Sa première image, fixe, est en fond de plateau.

    -Ça fait mal aux pieds, me dit ma voisine.

    Je lui demande de quoi elle parle. Des cailloux du désert de l’image.

    La salle n’est qu’à moitié occupée. Un jeune homme à micro explique comment regarder la vidéo Sans titre (Spaceship Earth) : surtout sur les bords si l’on veut se rendre compte du mouvement de la caméra filmant l’ombre porté d’un poteau électrique sur un sol caillouteux pendant une heure.

    Dans une semi pénombre, le chœur chante des extraits de Répons pour le vendredi saint et Répons pour le samedi saint de Carlo Gesualdo. D’où je suis, je ne peux lire les surtitres et c’est heureux. Derrière les interprètes, l’image fait toujours mal aux pieds. A l’issue de ce premier tiers, elles et eux quittent la scène. Pieter-Jelle de Boer, qui les dirige, reste seul face au désert jusqu’à leur retour, un peu plus nombreux, pour The Dark Day de la contemporaine Francesca Verunelli, « issue de l’Ircam », composition dans laquelle le chant laisse parfois place au son de petits harmonicas. Enfin, c’est Granum Sinapis de Pascal Dusapin, une œuvre composée pour sa « défunte mère ». A la fin, le paysage ayant lentement basculé sur l’écran, on aperçoit l’horizon.

    Comme toujours avec accentus, je suis content et les autres aussi. Julien Crépieux bénéficie également des applaudissements mais on ne peut pas dire que son film ait plu. Pour celles et ceux qui contrairement à moi (mais jamais jusqu’au bout comme aujourd’hui) n’ont pas déjà vu ce genre d’ennuyeuse vidéo à image quasiment fixe dans des galeries d’art contemporain, l’incompréhension est totale et se traduit comme souvent par de petites plaisanteries. « C’est le monteur du film qui aurait mérité des applaudissements. » entends-je à la sortie.

    *

    S’il est une chose dont j’aimerais être capable en ce moment, c’est de ne pas entendre ma voix intérieure.

    *

    Gesualdo, coupable du double assassinat de sa femme et de l’amant de celle-ci. Le Caravage également auteur d’un crime mortel en mille six cent six. Leur renommée artistique n’en a pas souffert.

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  • Du soleil pour ce jeudi, il brille fort malgré un vent frais, un peu avant midi, lorsque je traverse la rue de la République et la manifestation des fonctionnaires qui la remonte, sono assourdissante et slogans usés. Par la rue Damiette, je rejoins le Son du Cor où l’on s’affaire à installer tables et chaises en terrasse.

    A la meilleure place ensoleillée, je termine la lecture du Journal 1920 d’Isaac Babel puis rejoins l’Ubi avec mon ordinateur sur lequel je tape le récit que fit mon grand-père Jules de sa guerre de Quatorze.

    A dix-sept heures trente, je suis à l’Ecole Supérieure d’Art et Design Le Havre Rouen, que la plupart continuent d’appeler Ecole des Beaux-Arts, pour le vernissage de l’exposition Le moindre geste (deux) et commence par aller chercher un verre au bar installé en extérieur. Connaissant le vin du lieu, j’opte pour le cidre.

    -Pas de jus d’orange aujourd’hui, me dit l’un des présents, récemment fâché par mes écritures.

    -Ce cidre me permettra de voir clair, lui dis-je.

    Je lui demande s’il m’en veut toujours autant. Non, ça va, me répond-il.

    Je vais boire ce cidre dans un triangle de soleil.  Des beauzarteuses et beauzarteux sont occupés avec des professeurs à une performance « en mémoire de la présence de l’Ecole à l’Aître Saint-Maclou, un espace à la charge historique et émotionnelle très puissante ». En effet, l’an prochain c’est le collège Giraudoux à la Grand Mare et, nous sommes, est-il aussi écrit, à la « dernière exposition programmée par l’équipe enseignante de l’Esadhar dans les grandes galeries », mais l’information m’est démentie par un bien renseigné. D’autres expos auront lieu ici au début de la prochaine année scolaire, on n’est pas prêt là-haut.

    J’apprends aussi que désormais c’est le directeur du Havre qui est aussi directeur à Rouen, et qu’en conséquence François Lasgi est redevenu professeur. Pour ce qui est du vernissage cela ne change rien, il est aussi morne que les précédents. Un conseiller municipal d’opposition erre un peu, puis se rabat sur son téléphone. Je fais le tour des deux grandes salles où sont montrées des œuvres d’habitude, faites par des profs au bénéfice des élèves qui feront plus tard les mêmes.

    *

    C’est est fini de l’ex librairie Magne autrefois rue de l’Hôpital devenue boutique de photos vintage (comme on dit) rue Eau-de-Robec, pas pour longtemps.

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  • Le sale temps a cessé ce mercredi matin mais pas ma morosité. En chemin pour Paris, je constate que cette journée ailleurs n’améliorera pas les choses. Mes obsédantes pensées continuent de me tourmenter.

    Après un café bu et Libé lu au comptoir du Café du Faubourg, je me débarrasse de quelques bédés chez Book-Off Bastille et y furète une bonne heure. La récolte n’est pas mauvaise avec notamment Ni père ni mère d’Attila József (Edition Sillage) et Bréviaire du chaos d’Albert Caraco (L’Age d’Homme). Je mange une cuisse de canard au Péhemmu chinois puis rejoins le Marais à pied où m’attire une exposition Juergen Muller à la galerie Suzanne Tarasieve, rue Pastourelle.

    Cette rue n’est pas aussi gaie (du moins au sens propre) que son nom le fait espérer. En vitrine de la galerie, je reconnais le style de Juergen Muller, photographe peu connu, mais de moi oui, grâce à un livre acheté je ne sais où il y a longtemps. J’entre, fais le tour de ce qui est montré de l’univers un peu déglingué de l’artiste, monte à l’étage pour la suite, trouve là une jeune femme qui me dit bonjour, redescends et ressors, direction Beaubourg.

    Je passe chez Gilda, annexe de la librairie Parallèles, et dans ses bacs de trottoir trouve « Mon grand petit homme… » (Mille et une lettres d’amour à Victor Hugo) de Juliette Drouet (L’Imaginaire/Gallimard). Ce lourd livre a été offert le trois décembre deux mille dix par une certaine Anthéa à Elisa et Julien : « Que vous souhaiter de plus qu’un si grand amour ? Aimer, c’est plus que vivre. ». Celui de Toto et Juju a duré cinquante ans.

    Je vais en lire un peu dans le jardin de la tour Saint-Jacques puis traverse la Seine et me rends compte que j’ai oublié d’aller chez Templon, tant pis, où je voulais voir les expositions Jean-Michel Alberola et Pierre et Gilles. Après Gilbert Joseph, le bus Vingt et Un m’emmène chez Book Off Opéra où l’on écoute Il n’y a pas d’amour heureux chanté par Nina Simone. La récolte n’y est pas mauvaise, dans laquelle Le Professeur de Christian Prigent (Al Dante).

    J’attends le train du retour Chez Léon, retrouvant Juliette Drouet et ses lettres dégoulinantes d’amour romantique. À l’autre bout de la salle, une étudiante à lunettes me donne à cruellement rêver.

    *

    Le Professeur de Christian Prigent, un livre en courts chapitres non ponctués qui n’est pas passé entre les mains de l’avocat qui édulcore la littérature française contemporaine. Il commence ainsi : Le professeur est assis dans son fauteuil derrière son bureau la jeune élève est debout de dos contre les étagères perchée sur ses talons le professeur est habillé la jeune élève est toute nue…

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  • Sachant désormais pourquoi je n’ai pas reçu de mail de Paris ce ouiquennede et donc pas au mieux de ma forme, j’écoute ce lundi en fin d’après-midi, sur France Culture, un documentaire de Jean-François Marquet et François Teste intitulé Ma vasectomie (opération n’étant devenue légale en France qu’en deux mille un).

    Cela me rappelle le jour lointain, il y a environ quarante ans, où après avoir pris rendez-vous, je me présentais un après-midi au Planning Familial de Rouen, déjà situé rue d’Elbeuf, certain de ne pas vouloir d’enfant, bien décidé à bénéficier de cette vasectomie interdite en France.

    Ce jour-là, la femme qui me reçoit m’avoue qu’elle ne voit pas souvent d’homme en ce lieu. Je lui explique mon refus d’engendrer, mon peu de goût pour l’usage du préservatif, mon désir de ne pas mettre une fille dans la situation d’avoir à avorter, ma crainte que quelqu’une faisant fi de mon choix fasse un jour de moi un géniteur contre mon gré.

    Elle me fournit les renseignements nécessaires. Le plus simple est d’aller à Londres dans un hôpital dont elle me donne les coordonnées et où une infirmière prénommée Nicole et parlant français me prendra en charge.

    Je n’y suis pas allé. A cause d’une petite phrase qu’elle m’a dite :

    -Peut-être que le risque d’avoir un enfant dont vous ne voulez pas joue un rôle important dans votre inconscient érotique.

    *

    Heureusement, grâce à la pilule, il n’est jamais arrivé qu’une fille doive subir un avortement de mon fait. Et désormais, il est peu probable que cela se produise, étant arrivé à l’âge où, comme me le font comprendre chaque jour celles que je croise et qui ne me jettent pas un regard, ma cote sur le marché de la séduction frôle le zéro.

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  • Me réjouissant à l’avance de l’abondance des vide greniers ce onze mai, envisageant le périple Bonsecours, Le Mesnil-Esnard, Saint-Jacques-de-Darnétal, Heudebouville, Igoville, Rouen (île Lacroix), je déchante au réveil (cinq heures) et encore plus quand je mets le pied dehors (six heures). Le ciel est gris. Le vent souffle encore comme un diable. Adieu longue tournée si bienvenue pour occuper un dimanche synonyme de néant.

    Je prends quand même la route de Bonsecours. Sur la place, les numéros tracés à la peinture blanche permettent d’évaluer le nombre des absents. C’est un quasi désert. Chacun des présents s’efforce d’empêcher la marchandise de s’envoler. Les organisateurs se battent un moment contre le vent dans le but d’installer une grande tente verte puis renoncent. Moi aussi, qui reprends la voiture sans être allé dire bonjour à la famille de Heredia au cimetière.

    Je me gare un peu plus loin, au Mesnil-Esnard où la Mairie a partagé en quatre quarts ses cinq panneaux électoraux afin que la vingtaine de listes de candidats aux Européennes y trouve place avec une demi affiche. Côté vide grenier, il règne la même désolation et le même pessimisme qu’à Bonsecours. Quelques exposants comptent sur l’avancée en béton de l’école pour se protéger de la drache qui menace. Je fais le tour des quelques installés sans trouver quoi que ce soit. L’averse se déclenche, dont m’abrite bientôt ma voiture.

    Garé dans l’île Lacroix, la pluie ayant provisoirement cessé, je fais deux fois le tour du vide grenier local où se trouvent davantage de vendeurs que dans les deux autres réunis mais rien non plus pour moi. Je rentre à pied sous une nouvelle averse (huit heures).

    *

    Pour me consoler, le livre rouge acheté trois euros cinquante samedi matin à Joseph Trotta sur le marché du Clos Saint-Marc : Carnets, Les Années Jules et Jim (première partie 1920-1921) d’Henri-Pierre Roché (André Dimanche Editeur), ouvrage paru en mil neuf cent quatre-vingt-dix, quatre cent quatre-vingt-huit pages ; la deuxième partie n’ayant jamais été publiée.

    *

    La vente de livres ne suffit plus. Dans un bel ensemble, La Fnaque et la librairie L’Armitière ont ouvert une papeterie.

    *

    Cette semaine, une voisine est devenue la dame aux petits chiens.

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