• Mene Mene Tekel uPharsin, performance de Steven Cohen à la Maison Sublime (Automne en Normandie)

    « Venez avec une pièce d’identité » m’avait dit la jeune femme auprès de qui j’ai réservé une entrée pour la Maison Sublime cachée sous le Palais de Justice de Rouen afin d’assister à Mene Mene Tekel uPharsin (Tu as été compté, mesuré et tu as fait défaut, extrait du Livre de Daniel), une performance de Steven Cohen donnée en première mondiale pour Automne en Normandie dont le thème est cette année Masculin/Féminin mais à l’entrée la Police, qui exceptionnellement côtoie la Culture, ne me demande pas mes papiers. Elle a même débranché son portique de détection des métaux.

    Je traverse le cour du Palais par la diagonale et entre dans la petite tente blanche installée pour l’occasion où une hôtesse déchire mon billet puis j’entre dans le bâtiment, attendant avec cinq ou six autres (et une dame pompier) le feu vert d’un homme chargé de nous faire descendre par l’escalier en colimaçon et en béton. Celui-ci nous conduira dans les vestiges de « la seule école rabbinique d’époque médiévale conservée au monde », un lieu qui n’est ouvert que pour les visites guidées des Journées du Patrimoine auxquelles je suis allergique. Je me réjouis donc de pouvoir le découvrir à cette occasion artistique ce vendredi et aussi de voir un peu qui est ce Steven Cohen qui a fait scandale, le mardi dix septembre de cette année, sur le parvis du Trocadéro avec son coq gaulois attaché à sa queue enrubannée.

    C’est Félix Phellion qui, dans sa Rouen Chronicle, a attiré mon attention sur cette soirée à faible tarif d’entrée : Dites, cinq euros, c’est moins qu’un tour de manège à la Saint-Romain. Je ne m’attends pas à le voir parmi celles et ceux de la séance précédente qui remontent de sous le Palais.

    Nous descendons et mettons le pied sur le sol en gravier de l’ « espace confiné et humide » (comme il est dit sur le programme), plus vaste que je ne l’imaginais, dont les murs de pierre restaurés sont éclairés par des bougies et des projecteurs. Y sont accrochées diverses œuvres de l’artiste évoquant le judaïsme et la Shoah. Notre guide s’arrête et nous est projeté le film de la performance du Trocadéro : une déambulation sur chaussures à talons hauts avec Marseillaise chantée jusqu’à l’intervention de la Police et le départ pour la garde à vue.

    Un peu plus loin un autre film sur écran circulaire nous montre l’artiste nu ployant sous une étoile de David. En fond sonore passe un régiment de soldats nazis. Le gravier crisse. De temps à autre, une goutte d’eau tombe sur mon crâne. Un nouvel escalier en pierres d’époque nous fait descendre au niveau moins deux dans une salle plus ou moins ovale au sol inégal en terre. Au plafond est accroché un assemblage de quatre phonographes à manivelle. C’est le tutuphone, une invention de Steven Cohen, lequel apparaît dans un coin de l’ovale (si je puis dire), très peu vêtu. Il met en marche les phonographes. Une chanson juive se fait entendre. L’artiste se glisse dans le tutuphone puis le décroche. En musique, harnaché, il improvise une danse puis raccroche, se désengage et disparaît. Nul n’applaudit, il s’est agi là davantage d’une cérémonie que d’une performance, se dit-on.

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    Steven Cohen se définit lui-même comme sud-africain, blanc, queer et juif : « Je suis Juif et je crois que je suis un bon Juif mais je ne suis pas un Juif typique. Je ne mange pas de porc mais je suce des bites. »

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    Sa prochaine performance en Palais de Justice aura lieu le seize décembre au Tribunal de Grande Instance de Paris. Il y sera jugé pour exhibitionnisme.

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