• Michael Lonsdale au Trianon Transatlantique de Sotteville-lès-Rouen

                Ce jeudi soir, le cinéma Omnia de Rouen projette The Ballad of Genesis and Lady Jaye de Marie Losier, film présenté par Jean-Pierre Turmel de Sordide Sentimental, et je ne peux y être, car en même temps au Trianon Transatlantique de Sotteville-lès-Rouen, j’ai rendez-vous avec Michael Lonsdale. Lorsque je m’en ouvre (comme on disait) à Jean-Pierre, celui-ci me répond qu’il serait bien venu lui aussi voir Lonsdale. « J’aime les cathos bizarres », m’écrit-il. C’est là l’un de nos points communs.

                Songeant que lorsque je pense à Lonsdale j’entends d’abord sa voix et puis me souviens de lui dans Une sale histoire de Jean Eustache, au lieu de prendre la route du Trianon je tourne à gauche et me retrouve sur le boulevard Industriel en direction du Rive Gauche. Errant dans une banlieue inconnue, passant par Saint-Etienne-du-Rouvray puis Le Grand-Quevilly, je finis par trouver une pancarte indiquant le Jardin des Plantes qui me mène à mon but. Malgré mon presque retard, je trouve facilement une place dans la salle qui ne fait pas le plein.

                Sur la scène, des chaises, un piano, un écran, autour de moi des gens de mon âge, dont une ancienne professeure d’anglais de Val-de-Reuil, que j’ai connue dans sa jeunesse au lycée de Louviers dont elle était l’une des élèves les plus délurées. A Val-de-Reuil, elle fut la triste prof de ma fille et fit semblant de ne pas me reconnaître. Elle avait la sale habitude de donner un prénom anglais à ses élèves. Pour ma fille, elle choisit Daisy, ce dont celle-ci fut particulièrement contente.

                Le spectacle de ce soir a pour titre Les Carnets de Léonard. Il est bâti à partir des innombrables carnets qu’a laissés Léonard de Vinci. Michael Lonsdale entre en scène, vêtu en gentilhomme campagnard, vieux et fatigué. Il est accompagné d’une comédienne, Monique Scheyder, et d’un pianiste, Patrick Scheyder, son mari. Ce couple m’est insupportable : elle minaude, il virtuose. Sur l’écran sont projetées des diapositives animées de la compagnie Skertzo, sans grand intérêt. La mise en scène est inexistante. On se croirait dans la salle du foyer rural de Saint-André-de-l’Eure le soir du spectacle de fin d’année de la troupe de théâtre amateur. Bien sûr Lonsdale fait du Lonsdale, mais que fait-il là ? Serait-il condamné à des Travaux d’Intérêt Général suite à quelque bêtise ? Ou bien ferait-il pénitence avant de mourir en bon chrétien comme Léonard ? Telles sont les questions que je me pose en concentrant mon regard sur lui.

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                Le meilleur passage de la lecture des textes de Léonard de Vinci par Michael Lonsdale :

                La verge a des rapports avec l'intelligence humaine et parfois elle possède une intelligence à elle ; en dépit de la volonté qui désire la stimuler, elle s'obstine et agit à sa guise, se mouvant parfois sans l'autorisation de l'homme et même à son insu, soit qu'il dorme, soit à l'état de veille.

                Il arrive que l'homme dorme, elle ne suit que son impulsion, elle veille et il arrive que l'homme soit éveillé et qu'elle dorme. Maintes fois, l'homme veut se servir d'elle qui s'y refuse. Maintes fois, elle voudrait et l'homme le lui interdit. Il semble donc que cet être ait souvent une vie et une intelligence distinctes de celles de l'homme. Ce dernier a tort d’avoir honte de la nommer et de l'exhiber, en cherchant à couvrir, à dissimuler ce qu'il devrait orner et exposer avec pompe, comme un officiant.

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                Je me garde bien en rentrant d’exhiber la mienne, même pour faire pipi dans un coin sombre, les policiers rouennais sont nerveux en ce moment, qui s’en sont pris vendredi dernier à deux lurons qui pissaient leur bière trop près de la statue de la Jeanne lors de la soirée électro d’un bar de la place du Vieux. Il s’en est suivi une échauffourée traitée au gaz lacrymogène et à la matraque, comme le raconte Manuel Sanson, journaliste des Inrocks, présent sur les lieux, les policiers s’étant montrés particulièrement charmants avec les filles : «Sale pute de gauchiste, on va te niquer.» «Bande de morues, salopes…».

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