• Odyssée mythomaniaque du Cent Six : concerts Mustang, AA&You puis messe et performance Charlemagne Palestine en l’église Saint-Maclou

    Ce samedi après-midi, le Cent Six sort de son hangar et se répand dans le triangle d’or Martainville-Damiette-Eau de Robec sur le thème Mythomania en une odyssée de huit concerts, une performance et une projection de film en plein air. A peine ai-je mis le pied dans la rue que j’y croise l’ami Masson avec son chapeau mais sans ses lunettes. « J’allons écouter le Gros Horloge faire du rock’n’roll », lui dis-je. Lui aussi évidemment.

    En effet, à trois heures, c’est le carillon du Gros, accompagné d’un guitariste local, qui donne le coup d’envoi de l’odyssée, une prestation qui laisse imperturbable la masse des passant(e)s, touristes ou adeptes de la braderie de printemps, et dont j’attendais mieux.

    Une heure plus tard, je suis à l’ombre, en retrait, dans le jardin de l’aître Saint-Maclou pour le premier concert. Sur le plateau protégé du soleil par une structure gonflable blanche en arc de cercle se produit Mustang, musiciens à gomina, chantant en français dans le style Golf Drouot des années cinquante.

    -C’est quel groupe ? me demande un quidam.

    -Les Forbans.

    Je crois qu’il me croit.

    Je vais ensuite au Son du Cor, rue Eau de Robec, où ce n’est pas la peine d’espérer trouver une place assise en terrasse. Appuyé contre l’un des faux ponts enjambant le faux ruisseau, j’écoute AA&You, duo de garçons qui grouvent en anglais sur le terrain de boules, une autre forme de pastiche de musique américaine, mais non vintage.

    Ce sera tout pour moi côté concerts mais je ne veux pas manquer la performance à l’orgue de Charlemagne Palestine. Vingt minutes avant dix-neuf heures, j’entre donc dans l’église Saint-Maclou. Une messe y est en cours. Plutôt que de ressortir, je choisis d’y assister debout près d’un pilier (Dieu n’en profite pas pour m’envoyer la foi). Un organiste accompagne l’office. A un moment, le public essentiellement composé de vieilles et de vieux (mais sont présents aussi un jeune seul et un jeune couple façon « Manif pour tous » ainsi que trois fillettes amenées là par leurs grand-mères) se lève. Toutes et tous se serrent chaleureusement la main en signe de fraternité. Une quête est faite. Quelques chants encore, l’évocation par le vieux curé des problèmes du monde (combats en Syrie, Ukraine et Centrafrique, mineurs morts en Turquie) et c’est fini.

    A peine les catholiques dehors qu’entrent les mythomaniaques, beaucoup plus nombreux. Les chaises sont prises d’assaut et, dans un bel ensemble, tournées vers l’orgue où il n’y aura rien à voir. Je résiste, ayant repéré les écrans sur les piliers, vers lesquels, dès que ceux-ci sont allumés, se retourne le gros des troupes où l’on compte pas mal de couples avec moutard(e)s en bas âge. Le dos de Charlemagne Palestine apparaît sur l’image, longs cheveux blancs en catogan, corpulence enveloppée dans des vêtements archi colorés, casquette de baise-baule, complètement Américain de Brooklyn bien que vivant à Bruxelles.

    La marmaille se tient tranquille, captée par les écrans. L’artiste accroche ses fétiches à l’orgue (des peluches diverses), se livre à un rituel magique avec son verre de vin rouge, puis actionne un premier tirant de jeux. C’est ensuite la longue montée en puissance créant une musique minimale assez envoûtante mais qui ne convainc pas la quatre ans assise devant moi. Elle se tourne vers son père :

    -Il sait pas jouer de l’orgue, le monsieur.

    -Je t’expliquerai plus tard, répond le père de cette enfant d’Andersen.

    De temps en temps, Charlemagne Palestine boit un petit coup de vin et se jette de manière branlatoire sur le clavier. Dans l’église, quelqu’un(e)s semblent en méditation, d’autres déambulent dans la vague sonore. Je vois passer un gobelet de bière mais il fait vite le chemin inverse. Régulièrement, certain(e)s se lèvent pour quitter les lieux. Au bout d’une heure, plus un enfant n’est présent. Des touristes attiré(e)s par le bruit et les portes ouvertes font le tour de l’église sans se soucier de ce qui s’y passe. Un peu avant vingt et une heures, le son finit par atteindre une puissance à casser les vitraux laissés intacts par la Deuxième Guerre Mondiale.

    L’artiste repousse alors un premier tirant. La descente se fait par palier, assez rapidement. Le silence surprend. Les quelques dizaines de spectatrices et spectateurs qui sont allées au bout, se tournent vers l’orgue et applaudissent.

    Charlemagne Palestine apparaît à la tribune. Il salue, dans une main son verre de rouge, dans l’autre sa peluche de Babar.

    *

    Un simulacre, cette fraternité catholique pendant la messe : pas question que l’un(e) dise à l’autre « Vous êtes seul(e), moi aussi, venez donc prendre le thé dimanche ».

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