• Pelléas et Mélisande à l’Opéra de Rouen

    Depuis le troisième rang du premier balcon, j’observe les musicien(ne)s qui s’accordent dans la fosse. L’Opéra de Rouen donne ce mercredi soir Pelléas et Mélisande, trois heures et quart entracte compris, musique de Claude Debussy, livret tiré de la pièce de Maurice Maeterlinck. Pas loin de moi, on dit du mal de ce dernier « La musique de Debussy m’enchante mais alors… le texte de Maeterlinck.  Debussy a fait des coupes, mais il aurait mieux fait de prendre autre chose. » La salle n’est pas comble, le troisième balcon n’est occupé qu’en son centre.

    Une histoire de demi-frères qui aiment la même femme, l’un qui assassine l’autre et elle qui meurt de chagrin après son accouchement, l’argument convient parfaitement à un opéra et je m’en fiche un peu de cette histoire poussiéreuse (comme l’est le Symbolisme en son entier). Ce qui me plaît, c’est la musique, la manière de chanter des interprètes, « sorte de récitatif mélodique infini, souple et infiniment nuancé », comme l’écrit Antoine Mignon dans le livret programme.

    A l’entracte, une femme chute dans les marches manquant d’ajouter un peu de drame réel à la soirée dramatique. Ses voisins la relèvent, rien de grave, un peu sonnée néanmoins.

    Deux actes encore, qui me semblent un peu longs, et puis nous applaudissons les interprètes, dont l’enfant chanteur de la Maîtrise des Hauts-de-Seine (un Timothée ou un Théophile) qui met de la fraîcheur (dit une spectatrice) et le chef d’orchestre Jean Deroyer et le metteur en scène Alain Ganichot. Ce n’est pas l’enthousiasme fou. Personnellement, j’ai trouvé ça bien chanté (je ne suis pas un spécialiste) et j’ai aimé les décors minimaux.

    Tout le monde quitte la salle dans le calme et sans chute dans les escaliers. On est loin de l’accueil fait à cet opéra le soir de sa première en mil neuf cent deux, que Ouiquipédia raconte ainsi : « … le chahut est tel que la police est obligée d'intervenir. A la réplique de Mélisande "Je ne suis pas heureuse", toute la salle hurle "Nous non plus". Debussy, barricadé dans le bureau du directeur, ne veut voir personne. Le chef d'orchestre André Messager s'effondre en larmes à la fin de la représentation. Vincent d'Indy écrit : "Cette musique ne vivra pas car elle n'a pas de formes." »

    Dehors, il pleut et je n’ai pas mon parapluie. J’essaie de tenir le haut du pavé.

    *

    Jeudi matin, je rentre du marché des Emmurées, Libération à la main. Une péniche amarrée près du pont Corneille attire mon attention. Son nom : Debussy.

    *

    Rentré chez moi, je constate que Libération promet ce jour un supplément gratuit de quatre-vingt-quatre pages sur le Familistère de Guise. Je retraverse la Seine pour le réclamer à la Maison de Presse de la rue Saint-Sever. Le vendeur de journaux ne l’a pas. Il me dit que ce n’est pas la première fois qu’un supplément promis n’est pas distribué en province, qu’il n’est disponible qu’à Paris.

    -C’est malhonnête, lui dis-je.

    -Oui, ce n’est pas normal, me dit-il, Vous devriez leur téléphoner et leur demander qu’on vous l’envoie.

    Avant de suivre son conseil, je passe voir à la Maison de la Presse principale, rue de la Jeanne, si le supplément y est ou non. Il n’y est pas.

    -Ce n’est pas normal, dis-je à la patronne de la boutique.

    Elle s’emporte, me dit que c’est comme ça et qu’elle n’y est pour rien.

    -Je sais bien que vous n’y êtes pour rien, lui dis-je, mais je vois aussi que vous vous en fichez.

    Je téléphone à Libération. Un jeune homme me dit qu’effectivement ce supplément n’est pas distribué en province. Il s’apprête à raccrocher. « Attendez, lui dis-je, je veux le recevoir ». Il me passe une jeune femme qui prend mes coordonnées.

    *

    Mort d’Arthur Penn dont j’ai vu Bonnie and Clyde (en soixante-sept) et Little Big Man (en soixante-dix). C’était le temps où j’allais au cinéma mais pas au théâtre ni au concert.

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