• Projection de Strip burlesque ou la philosophie du corset de Constance de Médina et Helena Noguerra au cinéma Omnia de Rouen

    Grosse agitation rue de la République à l’heure où je sors de chez moi, plusieurs fourgons d’incendie toutes lances dehors, des voitures de police partout, gyrophares bleus et circulation interdite. L’appartement du premier au-dessus du restaurateur de tapis et de tapisseries est totalement détruit par le feu.

    Le piéton que je suis peut passer et rejoindre le cinéma Omnia où Jean-Emmanuel Deluxe organise ce vendredi soir une projection du documentaire de télévision Strip burlesque ou la philosophie du corset de Constance de Médina et Helena Noguerra.

    Il s’en est donné du mal, Jean-Emmanuel, pour qu’il y ait du monde et la salle est honnêtement remplie quand il arrive en compagnie d’Helena Noguerra, d’Inga La Douce (l’une des tiseuses), de Marie Chourgnoz (productrice) et d’un homme de l’Omnia qui se juge suffisamment connu pour ne pas dire qui il est quand il présente le film au micro.

    Je ne sais pas grand-chose du strip burlesque dont il est question partout depuis le film Tournée de Mathieu Amalric. J’apprends de quoi il s’agit en regardant et en écoutant les trois pratiquantes filmées dans le documentaire : Miss Anne Thropy, Juliette Dragon et Inga La Douce.

    La plus radicale des trois, c’est cette dernière. Elle se présente comme une néo féministe dénonçant le refus de la séduction des années soixante-dix, promouvant au contraire un excès de séduction, burlesque et donc grotesque. « Je suis une femme à poil et qui pense » dit-elle après la projection, revendiquant haut et fort ses quatre-vingt-quatorze kilos. Elle définit le burlesque comme le mélange du punk et de la drag queen. Il s’agit avant tout de se décomplexer, d’accepter son corps tel qu’il est. Bref, on n’est pas là pour bander mais pour dénoncer le corps hétéro normé.

    Cette Inga La Douce a le sens de la formule et répond catégoriquement à toutes les questions. Le point commun entre les anciennes féministes et les nouvelles qu’elle représente, c’est la certitude d’avoir raison. A ses côtés, calme et réfléchie, Helena Noguerra est dans le questionnement et j’aime bien ça, par exemple quand elle dit qu’en tous temps et tous lieux les humains ont eu besoin de normes physiques, citant les anciens Egyptiens ou certains peuples d’Afrique.

    Cet univers du strip burlesque n’est pas le mien, me dis-je assis au dernier rang. Je ne suis pas d’accord pour m’aimer comme je suis.

    Et je ne suis pas sûr qu’Irma la Douce et ses amies y aient réussi, sinon pourquoi se cacheraient-elles derrière le grotesque, la bouffonnerie, la franche rigolade.

    -Oui, mais il reste la question de l’âge, dit une femme à cheveux gris et à gros appareil photo assise au premier rang.

    -Mais chérie, lui répond Irma (elle appelle tout le monde chéri(e)), t’as rien compris, remettez le film pour la dame, tu t’acceptes comme tu es, que tu sois grosse ou pas, vieille ou pas.

    La dame n’est pas convaincue.

    -Mais, reprend Irma, je suis bien mieux dans ma peau à trente-cinq ans que je l’étais à vingt ans, alors ça va continuer.

    Helena Noguerra, qui en a plus de quarante, trouve que ce n’est pas la même chose qu’en avoir trente-cinq. Je suis bien de cet avis. Vieillir est une malédiction que je n’ai pas envie d’accepter.

    Soudain, l’homme de l’Omnia reprend le micro et remercie tout le monde, signifiant ainsi qu’il est temps pour ses invités de quitter les lieux, ce que je fais sans tarder. La rue de la Rép est toujours barrée. Devant l’immeuble incendié, les employés municipaux lavent la chaussée à grande eau.

    *

    Le strip burlesque se pratiquait en France dans les années trente, ai-je appris. Il s’est développé ensuite aux Etats-Unis puis est revenu en Europe depuis quelques années. Je ne trouve pas ça rassurant. En même temps, ce n’est qu’un phénomène de mode, sans doute pas loin de sa fin puisqu’il arrive à Rouen et qu’on en parle dans Télérama.

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