• Lorsque je sors du métro à Franklin D. Roosevelt ce mercredi après-midi, il y a du monde dont beaucoup de policiers. Barrières, Céhéresses et étudiant(e)s chinois à petits drapeaux rouges et tricolores sont là pour le Président Xi Jinping, dictateur à visage humain, qui est attendu au Grand Palais avec le Président de la France car son pays est l’invité cette année de la foire d’art contemporain Art Paris Art Fair. Plein de personnes à carton d’invitation s’amassent à l’entrée, filtrées par des vigiles.

    Juste à côté se tient l’exposition Robert Mapplethorpe dont c’est le premier jour. J’y entre sans la moindre attente, paie douze euros, pose mon sac à dos au vestiaire, monte l’imposant escalier et suis accueilli en haut des marches par l’autoportrait à la vanité et au regard noir de celui qui sera bientôt mort du sida.

    Pas trop de monde dans les salles, je peux à mon aise m’attarder devant chaque photo, celles à corps sculpturaux, les portraits, les fleurs en gros plan (dont certaines en couleur qui m’indiffèrent) et les bien connues à bite apparente. Parmi les beaux garçons à la peau noire, sujet de prédilection, je repère une jolie nue blonde de dos : Lisa Marie. D’autres femmes sont présentes en série : la musclée Lisa Lyon et la camarade de jeux Patti Smith. Un mur de célébrités disposées autour d’un Andy Warhol en croix et en majesté retient l’attention de chacun(e) qui s’amuse à tenter de les reconnaître : Keith Haring, Louise Bourgeois, Cindy Sherman, Philip Glass et Robert Wilson, Yoko Ono, Iggy Pop, Roy Lichtenstein, Robert Rauschenberg, David Hockney, Susan Sontag, Truman Capote, le tireur d’élite William Burroughs, and so and so, certain(e)s au temps de leur jeunesse. De l’une, une dame dit :

    -On ne reconnaît rien d’elle. Peut-être les doigts.

    Une salle est protégée par des rideaux noirs. Elle montre les photos de jeux sado maso et est, conformément à l’ordre moral en vigueur au vingt et unième siècle, interdite aux moins de dix-huit ans. Un gardien la surveille qui aurait pu faire modèle pour Mapplethorpe. Je me demande ce que pensent ces employés noirs des photos qui leur ressemblent jusqu’au bout de la queue.

    Ressorti, mon problème est de franchir les barrières pour me rapprocher à pied de Saint-Lazare. Impossible, me dit un Céhéresse. A l’aide de mon plan, je trouve la solution : passer sous le pont Alexandre Trois par le quai bas. De ce bord de Seine, j’assiste au passage de la Garde Républicaine à cheval et en fanfare. Le désuet bruit de sabots sur le pont est douce musique à mes oreilles. Je croise une deuxième vague de ces ridicules cavaliers, dont le chemin est ouvert par des motards de la Police à feux bleus clignotant, près de l’église de la Madeleine.

    En fin d’après-midi, devant un café, Chez Léon, je lis les Hymnes à la haine de Dorothy Parker, morte misérablement à l’hôtel à New York en mil neuf cent soixante-sept, entre caniche et bouteille de ouiski. C’est Lillian Hellman, la femme de Dashiell Hammett, qui payait la note depuis longtemps.

    *

    Epitaphe de Dorothy Parker, incinérée : « Excusez-moi pour la poussière. »

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    Chose la plus triste entendue ce mercredi à Paris : « Merci de m’avoir dit bonjour. »

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  • Lisant L’art à bicyclette et la révolution à cheval de Pol Bury (Idées Gallimard), c’est en train qu’une fois de plus je vais ce mercredi à Paris d’où désormais il n’est plus question de revenir avec un sac de livres. Il n’empêche que c’est quand même chez Book-Off que je me trouve dès l’ouverture. Un qui travaille dans l’édition y vend plusieurs énormes cartons de beaux livres (comme on dit dans le milieu), tous neufs, certains encore sous plastique, offrant aussi des croissants aux employé(e)s. Un autre propose ses livres personnels avec moins de succès :

    -Ceux-là, je ne pourrai pas vous les reprendre.

    -Vous pouvez me dire pourquoi, sur quel critère ?

    -Parce qu’on ne pourrait pas les revendre.

    J’en repars avec un mince ouvrage qui correspond parfaitement à mon état d’esprit du moment : Hymnes à la haine de Dorothy Parker (Libretto Phébus) dont j’ai entendu une mise en onde plaisante sur France Cul il y a plusieurs mois. A pied, sous un agréable soleil, je rejoins Châtelet, fais un petit tour chez Mona Lisait où je constate qu’avec la reprise les prix ont plutôt augmenté, ce qui est une bonne chose pour moi.

    Je déjeune à volonté chez China, rue de la Verrerie, où opère désormais un jeune couple peu aimable. C’est l’affluence. Les spécimens humains à portée de mes oreilles sont d’ordre divers. Deux travaillant pour les Hôpitaux de Paris parlent de points de retraite et de trimestres à racheter. L’une à tête de fille Le Pen vieillie discute avec son vis-à-vis sérieusement amorti d’un texte à écrire pour une abbaye sur les Petits Chanteurs à la Croix de Bois (« Tu ne te rappelles de rien, il est vraiment temps que tu te reposes, j’en ai marre de jouer Alzheimer. »). Un autre à collier de barbe blanche de prof retraité saoule sa femme permanentée avec Le Colosse de Maroussi d’Henry Miller  (« Un livre célèbre, que tout le monde connaît. »)

    J’en ressors prêt à écrire un nouvel hymne à la haine et décide d’aller me calmer au Grand Palais où ce jour ouvre l’exposition Robert Mapplethorpe.

    *

    Saint-Lazare, un homme au téléphone dans l’escalier mécanique : « Non mais elle est con. Il faut pas lui dire : ma pauvre petite fille, c’est dur ce qui t’arrive. Faut lui dire : t’es con. »

    *

    Châtelet, deux fillettes avec leurs grands-mères, l’une : « Quand vous serez très vieilles, on aura quel âge ? »

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  • Après la crise de la trentaine, la crise de la quarantaine, la crise de la cinquantaine, voici la crise de la soixantaine. Ce n’est pas la moindre.

    Beaucoup de temps passé à cogiter sur « Et maintenant que vais-je faire ».

    Sans espoir de plaire de nouveau à une fille de l’âge qui me plaît (j’ai atteint la limite au-delà de laquelle, comme écrivait Romain Gary, mon ticket n’est plus valable), il me reste néanmoins encore quelques années à être suffisamment vaillant (j’espère) pour aller de l’avant et même ailleurs.

    En théorie, car au fil de temps, mon chez moi a fait de moi un prisonnier. J’y ai accumulé meubles, objets et surtout livres, au-delà du raisonnable. Ces derniers sont le principal problème. A quoi me sert d’en garder des bibliothèques et des bibliothèques alors qu’une fois lus, je ne les rouvre pas dans quatre-vingt-quinze pour cent des cas.

    Une nouvelle fois, et plus déterminé que lors des précédentes, je décide de ne plus en acheter (hormis les quelques indispensables que je n’aurais pas encore) et d’en vendre un maximum, puis de m’attaquer aux objets et aux meubles, à tout ce qui me tient dans cet appartement qui se déglingue et que je ne peux quitter.

    Mon idéal serait de vivre à l’hôtel, comme le faisait Albert Cossery, où je ne serais responsable de rien, mais au prix où sont les chambres au vingt et unième siècle, il ne peut en être question.

    *

    Première mise en application de cette bonne résolution, je me présente ce mardi après-midi au Rêve de l’Escalier où le maître des lieux discute avec un chanteur local. Je lui présente des livres et des revues datant des années soixante-dix. Il m’en prend un, me dit que pour les autres peut-être plus tard.

    -Non, c’est une fois pour toutes, lui dis-je, il n’y aura pas de nouvelle présentation. Cette fois, j’ai vraiment décidé de faire le vide. Si vous n’en voulez pas, ce sera pour la poubelle.

    -C’est radical, commente-t-il surpris.

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  • C’était prévisible, les deux principaux perdants du premier tour de la municipale rouennaise sont Chabert, le candidat centre droit de la Sénatrice Morin-Desailly, et Bérégovoy, l’Ecolo qui devait « prendre la Mairie » et retournera faire de la figuration chez Robert, le Socialiste qui ne fait que trente pour cent des voix.

    C’était prévisible, le seul gagnant est l’abstention : quarante-sept pour cent et quelques, dont moi-même.

    C’était prévisible, celui qui trouve qu’il y a trop de kebabs à Rouen fait autant que les deux principaux perdants. Présent au deuxième tour, il aidera Robert à être réélu dimanche prochain. C’est prévisible.

    *

    C’est foutu pour Michaël Amsalem à Val-de-Reuil, le Socialiste de luxe Jamet étant réélu au premier tour avec presque soixante-cinq pour cent des voix et plus de cinquante pour cent d’abstention.

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  • Retour en corbeille à l’Opéra de Rouen ce dimanche après-midi où l’ensemble Café Zimmermann donne concert attendu, notamment par les deux personnes qui étaient en loge derrière moi hier soir « Au moins demain on aura un bon concert. ».

    C’est le cas effectivement. Le Concerto brandebourgeois numéro un de Johann Sebastian Bach, le Concerto pour violoncelle en la majeur de Carl Philipp Emanuel Bach, la Symphonie en mi bémol majeur du même et la Symphonie numéro soixante-quatre en la majeur « Tempora Mutantur » de Joseph Haydn, nous font agréablement passer du baroque au classique. Après les chauds applaudissements est donnée en bonus une tranche de Mozart.

    Cette bonne musique n’arrive cependant pas à me faire oublier la masse de soucis matériels qui me tombent dessus depuis quelque temps : une boîte mail piratée, une imprimante bloquée en pause, une salle de bains qui fuit, un carreau cassé. Tous problèmes qui me dépassent et me conduisent à penser qu’il est temps de changer de vie. Ce dont je m’entretiens longuement avec celle qui m’appelle de Paris le soir venu.

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  • Me hâtant pour cause de nuage menaçant, je me dirige ce samedi en fin d’après-midi vers l’Opéra de Rouen et y arrive au moment où l’un de ces jeunes zonards qui en peuplent toujours les abords est en train de pisser contre le mur de l’auguste maison. De ces marginaux il est  bientôt question dans les appareils audio qui relient les un(e)s aux autres les membres du staff. Ils perturbent l’entrée du public avec leur ballon, faut-il envoyer quelqu’un ? Oui.

    Je suis en corbeille bien placé. Une annonce signale que Je chante le Stabat Mater de Rouen de Piotr Pospelov qui devait être donné en « seconde création mondiale » n’est plus au programme. Ce sera Boccherini, Boccherini et Boccherini pour ce concert de musique de chambre confié à des musiciens de l’Orchestre et à sa soprano.

    C’est d’abord le Stabat Mater, écrit presque cinquante ans après celui de Pergolèse. Notre soprano, vêtue d’une longue robe couleur chair, est debout à son pupitre. Derrière elle sont assis(e)s les six musicien(ne)s. Comme à chaque concert, nul ne s’est soucié de la lumière. C’est éclairé à l’économie et ce soir l’ombre malvenue du pupitre de la chanteuse lui dessine un triangle noir façon toison pubienne au bon endroit. Il ne me faut pas longtemps pour être sûr que Boccherini m’ennuie.

    Pendant l’entracte, chez celles et ceux qui font le nécessaire pour se faire remarquer, la palme revient au candidat Chabert à la municipale rouennaise. Ce centriste de droite porte autour du cou la grande écharpe mauve, couleur de sa liste ; une façon de contourner la loi qui interdit toute propagande la veille du vote. Ce geste désespéré et un brin ridicule ne lui évitera pas d’être l’un des deux principaux perdants de ce premier tour.

    Au retour à Boccherini, c’est d’abord le Quintette à deux violoncelles puis avec le concours de la soprano et de son ombre « Deh respirar lasciatemi », encore de la musique à deux de tension. Le bonus est signé Vivaldi et marque la différence.

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    L’annulé Je chante le Stabat Mater de Rouen de Piotr Pospelov « s’appuie sur une partition existant que l’on trouve dans un paroissien local édité durant l’épiscopat de Monseigneur Pierre Petit de Julleville, archevêque de Rouen de 1936 à 1947 » est-il écrit dans le livret programme sous la plume d’un certain Père Lazare Rigault.

    Sur une archive de l’Institut National Audiovisuel, on peut voir ce Petit de Julleville accueillir chaleureusement le Maréchal Pétain à l’abbatiale Saint-Ouen le dix-neuf mai mil neuf cent quarante-quatre.

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    Avant ce concert, je termine la lecture d’Hôtels Littéraires de Nathalie H. de Saint-Phalle au Vascœuil dont la clientèle en début d’après-midi est celle des fins de banquets. L’un des convives avinés :

    -C’est une femme, elle va te pourrir la vie. Parce que t’as pas voulu remonter les courses. Parce que  t’as pas voulu lui lécher la moule. Elle va te pourrir la vie.

    J’écoute ensuite France Culture en direct du Salon du Livre de Paris, qui reçoit Maylis de Kerangal, lauréate du premier prix France Culture Télérama des étudiants pour son Réparer les vivants. Elle commente doctement son livre et en lit des extraits suffisamment longs pour ne pas me donner envie de le lire. C’est de l’écriture qui se regarde écrire.

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  • Dans ma boîte à lettres, l’« Urgent Elections » du Ministère de l’Intérieur avec dedans le choix des municipales pour Rouen : huit listes de l’extrême droite à l’extrême gauche.

    Comme j’habite dans une ville suffisamment peuplée, je connais déjà, par un sondage de France Trois et France Bleu, le résultat de ce premier tour et même celui du second. Robert, Maire, va continuer à l’être.

    Pas question que je vote pour sa liste Péhesse, Pécé, Radicules de Gauche, pas question non plus que je vote pour la liste écolo de Bérégovoy, pour la raison que les uns et les autres, unis dès le premier tour la dernière fois et qui le seront à nouveau au deuxième tour, sont responsables du sabotage en deux mille huit de la Médiathèque en cours de construction, un point qui ne figurait même pas à leur programme.

    Ces deux dimanches, on ne me verra pas dans l’enceinte du lycée Camille Saint-Saëns.

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    C’est l’année de la parité. Autant de femmes que d’hommes sur les listes. Et comme têtes de liste à Rouen : sept hommes pour une femme.

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  • Belle journée que ce premier jour de printemps deux mille quatorze, entamée par le chant du merlou dans le jardin aux aurores. Vers huit heures et demi, je passe la Seine et après avoir parcouru ce qui reste du marché à la brocante et aux livres du jeudi, je vais vérifier que tout va bien pour ma voiture dans l’île Lacroix. Hier, j’ai vu à la télé le candidat d’extrême droite aux municipales mettre sa photo entre essuie-glaces et pare-brises. S’agirait pas qu’elle y soit, je préfèrerais encore les chiures de pigeons.

    A midi, heure d’ouverture, je m’en vais d’un bon pas profiter du beau temps au Son du Cor, rue Eau-de-Robec, dont la terrasse n’est au soleil que deux heures par jour, la faute aux moches immeubles d’à côté, et suis bien déçu à l’arrivée, trouvant l’estaminet fermé, pas de chaises et tables dehors, rideaux tirés.

    A quatorze heures, je me rabats sur Le Marégraphe où l’on ne peut aller boire plus tôt en terrasse pour cause de brasserie prioritaire. J’y prends un café verre d’eau tout en lisant Hôtels Littéraires de Nathalie H. de Saint-Phalle. C’est marée haute, la Seine est cachée par une barge. Des barges, il y en a aussi quelques-uns sur les quais. Ici semblent se donner rendez-vous tous les déshérités de la ville : vieux avachis là parce qu’on y trouve des bancs, jeunes inoccupés des banlieues dites sensibles, chiens qui promènent leur maître. Quelques filles donnent une note de fraîcheur. Des sportifs à roulettes poussés par un vent de plus en plus fort évitent les dangers d’un macadam rose de plus en plus dégradé. Je ne risque pas de me croire encore à Bordeaux.

    *

    « Surtout ne la regarde pas dans les yeux, sinon ça voudrait dire que tu sais qu’elle sait. » (conseil d’une fille à une autre fille)

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    Journée Internationale de la Francophonie. Envoyée en mission à Bucarest, France Culture reproche aux Roumain(e)s de ne plus apprendre le français mais ne demanderait jamais aux Français(e)s d’apprendre le roumain.

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    Le français, langue pas très utile aux Roumains, Valls et Hollande, à l’exemple de Sarkozy et ses sbires, ne voulant pas d’eux en France.

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  • C’est au moment précis où commence l’émission de Radio Aligre dont l’ami Loïc Boyer est l’invité pour y parler de ses activités d’éditeur de livres pour enfants (collection Cligne Cligne chez Didier Jeunesse) que j’entre chez Book-Off, rue du Faubourg Saint-Antoine, avec un lourd sac de livres à revendre à bas prix. Lui venu d’Orléans, moi de Rouen, sommes à quelques centaines de mètres l’un de l’autre mais nous ne nous verrons pas, son emploi du temps ne le permettant pas. Le mien n’a qu’une rubrique, celle consacrée au glandouillage.

    Sorti de la bouquinerie, je prends le bus jusqu’au Quartier Latin. J’y déjeune rue de la Harpe à l’Oie qui Fume d’un habituel menu à dix euros près d’un groupe d’auteurs et éditeurs de romans policiers dont les notes de frais doivent être limitées. Plutôt que parler de livres, ils parlent de télé, du Commissaire Moulin, « Qu’est-ce qu’il devient Yves Renier, doit être vieux maintenant. »

    Je vais fouiller dans les bacs de trottoir de Gibert Joseph et Boulinier. Chez ce dernier un livre à vingt centimes pourrait m’intéresser. Il n’a pas d’étiquette de prix. Je le signale à l’un des vendeurs. Ce dernier ne doit pas avoir le droit de prendre une initiative car il va montrer l’ouvrage au gérant. « Trois euros », dit celui-ci, toujours aussi mal aimable. Il peut se le garder. Une autre fois, je décollerai l’une des étiquettes rouges « vingt centimes » et la mettrai sur le livre démuni.

    Je retraverse la Seine et pour rentabiliser ma carte d’adhérent du Centre Pompidou monte tout en haut voir l’exposition Henri Cartier-Bresson. Nulle attente à l’entrée mais pas mal de monde à l’intérieur et que des tirages originaux, c’est-à-dire des photos petites, format page de revue, carte postale ou même grand timbre poste.

    La peste soit de ce souci d’authenticité, je n’aime la photo d’exposition qu’en grand format, peu m’importe que ce ne soit pas l'originale. Je ne fais que parcourir à grand pas l’ensemble des salles surchauffées, sitôt entré, déjà ressorti.

    Redescendu, je vais boire un café à La Mezzanine, trouvant parmi les serveuses une ancienne élève des Beaux-Arts de Rouen. Cinq ans d’études pour devenir serveuse ? Oui, mais dans un lieu culturel d’importance.

    *

    Devant une agence Manpower près de l’Opéra, des drapeaux et des manifestants à chasuble de la Cégété. Je refuse leur tract. La veille, la Cégété de Fessenheim a qualifié les activistes de Greenpeace grimpés sur l’un des réacteurs de la plus dangereuse des centrales nucléaires françaises, de terroristes.

    *

    Le soir venu, je mérite une assiette de frites Chez Léon. Au mur, une affiche de la Galerie Saint-Germain, boulevard du même nom, vante une exposition de Marius Zabinski « the last cubist master ». Il était temps que ça se termine en effet.

    *

    Dans le train du retour, je lis le Journal d’un touriste de Jerome K. Jerome (Arléa), ouvrage distrayant. Tiré de ce livre, ceci : Je fus agréablement déçu.

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  • Je me replonge dans le Refus d’obtempérer de Roland Bacri, recueil de poèmes publié aux Editions Jean-Jacques Pauvert en mil neuf cent cinquante-neuf, illustré de « choses de lampe » de Siné, afin d’en tirer quelques pépites et puis de le ranger dans ma bibliothèque :

    J’ai loué le Seigneur

    Au plus offrant.

    -

    -Pendant que tu envoies

    Tes messages

    Honorable ami

    Ta fiancée très sage

    S’envoie un coolie.

    -

    Quand je l’ai rencontrée

    Aux tout-commencements

    Elle s’appelait Eve

    Nous vivions côte à côte.

    -

    L’homme est un sujet

    Qui s’accorde

    Avec la tribu.

    -

    L’homme a grand besoin

    D’un rappel à l’horde.

    -

    Le vieux parquet

    Craquait

    Laissant échapper

    Des plinthes.

    -

    J’aime à me lever

    Débonnaire

    A me rouler sur une adolescente

    De lit.

    *

    C’est qu’on en croise de beau monde dans les poèmes de Roland Bacri : un rabbin des bois, Méphisto Coppi, Monsieur Jardin qui fait de la rose sans le savoir, des sordides secours, un berceur de coffre-fort, un artisan du moindre effort, des prépositions malhonnêtes, des condamnés de drap commun, des filles de joie dans une mauvaise passe, des partisans laisser d’adresse, des encagés volontaires, les noubas de Montélimar et l’alléchante des siècles, pour n’en citer qu’une partie.

    *

    Roland Bacri est né à Bab El-Oued le premier avril mil neuf cent vingt-six. Il est toujours vivant mais a déjà son épitaphe :

    Ici gît suis. Ici gît reste.

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