• Me réjouissant à l’avance de l’abondance des vide greniers ce onze mai, envisageant le périple Bonsecours, Le Mesnil-Esnard, Saint-Jacques-de-Darnétal, Heudebouville, Igoville, Rouen (île Lacroix), je déchante au réveil (cinq heures) et encore plus quand je mets le pied dehors (six heures). Le ciel est gris. Le vent souffle encore comme un diable. Adieu longue tournée si bienvenue pour occuper un dimanche synonyme de néant.

    Je prends quand même la route de Bonsecours. Sur la place, les numéros tracés à la peinture blanche permettent d’évaluer le nombre des absents. C’est un quasi désert. Chacun des présents s’efforce d’empêcher la marchandise de s’envoler. Les organisateurs se battent un moment contre le vent dans le but d’installer une grande tente verte puis renoncent. Moi aussi, qui reprends la voiture sans être allé dire bonjour à la famille de Heredia au cimetière.

    Je me gare un peu plus loin, au Mesnil-Esnard où la Mairie a partagé en quatre quarts ses cinq panneaux électoraux afin que la vingtaine de listes de candidats aux Européennes y trouve place avec une demi affiche. Côté vide grenier, il règne la même désolation et le même pessimisme qu’à Bonsecours. Quelques exposants comptent sur l’avancée en béton de l’école pour se protéger de la drache qui menace. Je fais le tour des quelques installés sans trouver quoi que ce soit. L’averse se déclenche, dont m’abrite bientôt ma voiture.

    Garé dans l’île Lacroix, la pluie ayant provisoirement cessé, je fais deux fois le tour du vide grenier local où se trouvent davantage de vendeurs que dans les deux autres réunis mais rien non plus pour moi. Je rentre à pied sous une nouvelle averse (huit heures).

    *

    Pour me consoler, le livre rouge acheté trois euros cinquante samedi matin à Joseph Trotta sur le marché du Clos Saint-Marc : Carnets, Les Années Jules et Jim (première partie 1920-1921) d’Henri-Pierre Roché (André Dimanche Editeur), ouvrage paru en mil neuf cent quatre-vingt-dix, quatre cent quatre-vingt-huit pages ; la deuxième partie n’ayant jamais été publiée.

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    La vente de livres ne suffit plus. Dans un bel ensemble, La Fnaque et la librairie L’Armitière ont ouvert une papeterie.

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    Cette semaine, une voisine est devenue la dame aux petits chiens.

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  • J’affronte, ce samedi soir, un vent de tous les diables (comme on dit) pour aller à l’Opéra de Rouen où sous la direction de Vincent Dumestre se donne Dido and Æneas d’Henry Purcell. Ma place est en corbeille, entre un couple d’hommes dont l’un porte une bague brillant de mille feux (dit-il) et une femme seule à bouteille d’eau (remède pour la toux). Je lis l’argument de cet opéra baroque en trois actes en anglais surtitré et n’y comprends rien. C’est toujours avec de l’amour compliqué et contrarié que les musiciens composent.

    Contrarié, je le suis aussi dès le premier effet de mise en scène. Il montre, devant le rideau fermé, un Cupidon emplumé lançant sa flèche, laquelle est sommairement hissée par une ficelle jusqu’aux cintres. La vue des décors confirme ma première impression. Nous sommes au royaume du kitch avec des rochers en toc façon Buttes-Chaumont et des bandes de tissu bleu secouées à la main depuis les coulisses pour faire la mer. Dans celle-ci s’ébrouent de façon ridicule de jolies naïades. La suite est à l’avenant, avec interventions répétées d’acrobates au sol ou au trapèze et présence de monstres marins vaguement inspirés de Philippe Druillet.

    Tout cela (mise en scène, chorégraphie, décors et costumes) est dû au duo Cécile Roussat et Julien Lubek et je ne suis pas étonné d’entendre à la fin moult applaudissements et des bravos, lesquels se complètent d’une partielle ovation debout après que l’un des circassiens a donné un petit supplément de cabrioles arrière.

    Un spectacle pour enfants, quoi de plus approprié aux adultes de ce début de vingt et unième siècle, me dis-je, affrontant le vent de tous les diables dans l’autre sens.

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    Certes Purcell, certes l’orchestre du Poème Harmonique et le chœur accentus dans la fosse (on ne voit que les têtes), certes de bons interprètes, notamment Vivica Genaux (Didon) et Henk Neven  (Enée), mais tout ce cirque.

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  • En janvier mil neuf cent quarante-trois, Robert Desnos qui jugeait atroces les conditions dans lesquelles le poète était enfermé à Ville-Evrard, obtient le transfert d’Antonin Artaud de zone occupée en zone dite libre à l’Hôpital de Rodez.

    La lecture des Lettres écrites de Rodez en quarante-trois et quarante-quatre, publiées chez Gallimard en mil neuf cent soixante-quatorze (tome dix des Œuvres complètes), me fait découvrir un Artaud que je ne soupçonnais pas :

    (…) parce que j’ignore et que je méprise comme avilissants pour l’homme tous rapports sexuels quels qu’ils soient et que c’est m’offenser gravement que de croire que le corps que je porte a pu s’y livrer à aucun moment de sa vie.

    Toute sexualité et tout érotisme, Dr Latrémolière, sont un péché et un crime pour Jésus-christ… (au docteur Jacques Latrémolière, le quinze février mil neuf cent quarante-trois)

    La Religion, la Famille, la Patrie sont les trois seules choses que je respecte mais c’est probablement parce que voilà des années qu’elles ont cessé de se respecter et de se considérer elles-mêmes qu’il leur est arrivé tant de malheurs.

    J’ai toujours été royaliste et patriote, vous le savez. (à Jean Paulhan, le cinq octobre mil neuf cent quarante-trois)

    Beaucoup de chansons destinées aux enfants sont basées ainsi sur des mythes érotiques plus ou moins dissimulés et notre devoir quand nous en rencontrons un est de le détruire au lieu de l’accuser… (au docteur Gaston Ferdière, le dix-huit octobre neuf cent quarante-trois)

    *

    Avant Ville-Evrard, il y avait eu le terrible passage par l’Hôpital Psychiatrique de Quatre-Mares à Sotteville-lès-Rouen :

    Si j’ai aujourd’hui une hypertrophie du foie, des troubles vaso-moteurs constants, un gonflement et un désaxement de la pointe du cœur, des états douloureux et anxieux qui font de ma vie un martyre et un drame de tous les instants, cela est dû aux cinq mois d’emprisonnement que j’ai subis à l’Asile de Quatre-Mares et d’ordre de la police française à Sotteville-lès-Rouen, ce que toute la police et toute la médecine connaît. (au docteur Jacques Latrémolière, le quinze février mil neuf cent quarante-trois)

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  • Ce sept mai, c’est l’anniversaire de celle qui arrive de Paris avec le train de dix-sept heures cinq et une grosse valise destinée à transporter une partie de ses livres de chez ses parents jusqu’à son précaire chez elle.

    Un peu plus tard, je lui fais visiter l’Ubi du grenier au sous-sol puis nous y prenons un kir, après avoir discuté avec Sylvain Wavrant, le garçon de la grotte, taxidermiste disagneur.

    Le cadeau offert à la maison, nous prenons le chemin qui mène à la rue Cauchoise. Elle a réservé une table chez Alyio Nouchka, le restaurant russe de Rouen, où nous accueille l’aimable maîtresse du lieu. Si nous sommes assez vite d’accord sur le choix du menu (le traditionnel), nous sommes fort hésitants pour le vin.

    Divers sont proposés, élaborés en Moldavie, en Arménie, en Géorgie et en Ukraine. Il en est même un venant de Crimée. Une parenthèse indique que cette région se trouve en Ukraine. Poutine et ses affidés vont obliger à refaire la carte du restaurant après celle du monde. Il est question de vin doux et de vin sec, et comme nous n’arrivons pas à nous décider, notre hôtesse nous fait goûter. Nous optons pour une bouteille de Saperavi, vin sec de Géorgie. « On attribue à sa teneur élevée en potassium la vertu d’assouplir les parois des vaisseaux sanguins. », est-il précisé sur la carte.

    Nous débutons par un cocktail vodka café nommé « Les yeux noirs » qui nous met dans un bel état, puis arrive le borchtch, « soupe rouge au bouillon de bœuf et sa viande accompagnée de plusieurs légumes », que nous apprécions tous les deux.

                Une femme seule fait la troisième convive. En fond sonore, la musique est évidemment russe, au sens large. On y entend jusqu’à Charles Aznavour et Dalida. Le Saperavi nous ravit mais nous trouvons le plat principal peu copieux, que ce soit son goloubtzi (feuilles de choux farcies à la viande) ou mon goulasch (ragoût épicé de noix de veau) dont, d’une précédente visite, je gardais un meilleur souvenir. Qu’importe, nous nous sentons bien et même un peu plus que ça grâce au médicament pour les artères, ce qui fait que je ne me souviens plus de son dessert (le mien étant une sorte de gâteau de pain d’épice), ni de comment nous faisons pour rentrer.

    *

    Ce huit mai au soir, pas le courage d’affronter la pluie, ni l’attente dans la rue Sainte-Croix-des-Pelletiers, ni les badgées du Printemps de Rouen, ni de courir le risque de ne rien voir d’autre que la nuque du spectateur de devant, je manque donc l’annuel concert que consacrent Hélios Azoulay et l’Ensemble de Musique Incidentale aux musiques composées dans les camps de la Deuxième Guerre Mondiale.

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  • A considérer la suite de draches tombées en fin d’après-midi, la dernière reçue sur le parapluie en chemin vers le Conservatoire où l’Opéra de Rouen trouve refuge ce mardi soir, le concert qu’y donnent Thierry Pécou et l’Ensemble Variances sur le thème de l’eau est d’ores et déjà un succès même si, pour l’instant, je suis le seul à attendre devant la porte vitrée.

    Une vieille femme arrive que retrouve l’une de ses connaissances du même âge. Il arrive de Paris et mauvaise nouvelle au courrier en rentrant : une amende de quatre-vingt-dix euros et un point de moins. C’est la première fois que ça lui arrive et il en est tourneboulé : cinquante-trois kilomètres-heure en vitesse corrigée au lieu des cinquante. La file s’allonge, les portes sont ouvertes, je prends place à mon habitude. Parmi les derniers arrivés, Hélios Azoulay, qui me demande si j écris ma chronique pendant les concerts.

    Cela commence par Aus den sieben Tagen de Karlheinz Stockhausen, une composition qui autorise la promenade de certain(e)s musicien(ne)s. Le pianiste Pécou, attaché à son instrument, enchaîne avec l’une de ses compositions, Soleil-Tigre, en compagnie du violoncelliste puis c’est une autre de ses musiques : Manoa (pour flûte basse, clarinette basse et violoncelle). Il joue ensuite, pour piano seul, Jeux d’eau de Maurice Ravel. Le meilleur est pour la fin, de George Crumb, Vox balaenae (pour trois joueurs masqués, pour flûte, violoncelle et piano amplifiés), une envoûtante composition qui suscite l’adhésion et l’applaudissement.

    C’est encore sous le parapluie que je rentre. Passant devant le Son du Cor, j’y vois ceux qui s’y trouvaient déjà à l’aller. Serrés sous l’auvent, un peu plus embièrés, ils se chamaillent pour savoir si c’est à l’Etat ou pas de s’occuper de ça.

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  • Ce lundi, au soleil, devant la gare de Rouen l’animation est assurée par les gyrophares en bataille d’une ambulance et d’une voiture de la Police et à l’intérieur c’est celle des jours de rentrée scolaire. Le train de huit heures sept pour Paris est toujours en voie trois. J’y suis bientôt, pas loin d’un vieux duo d’abord pris pour un couple :

    -Quand on voyage avec quelqu’un, on a un minimum d’égard, tu l’apprendras si tu ne le sais pas encore, lui dit-il.

    Elle l’ignore, se plonge dans un cahier de compte. Lui met ses lunettes dont il manque une branche et lit le dernier John Gray. A quatre-vingts ans, il a des choses à apprendre sur les relations entre femmes et hommes, mais n’a pas choisi le bon auteur.

    Dans la paix revenue, je regarde la campagne normande, verte et opulente. A Mantes-la-Jolie, le train est pris d’assaut. Un jeune homme à tresses portant sur son dos un impressionnant dispositif s’adresse à la foule :

    -Bonjour, je m’appelle Etienne, je sers des boissons chaudes, thé, café, capuccino, c’est à prix libre.

    Cette audacieuse entreprise reçoit un bon accueil. A Saint-Lazare, le duo fâché se sépare froidement. Par le métro, je rejoins le Book-Off de la Bastille où je fais quelques affaires puis déjeune au Rallye, le Péhemmu chinois, d’un habituel confit de canard. Dans mon voisinage, deux femmes interrompent sans cesse leur repas pour jouer aux jeux de hasard (L’une : « A un numéro près, l’autre jour, je gagnais six mille euros. ») et deux autres font le point sur leur vie de retraitées (L’une : « Parfois, j’oublie que j’ai soixante et onze ans, j’en fais trop et après je suis épuisée. Du coup, je n’ai plus envie de rien, et alors je me dis, ça y est, tu fais une dépression. »)

    Au carrefour, avachi sur le trottoir, un Jamaïcain (ou tout comme) propose sans succès du muguet du cinq mai. Je prends le bus qui mène au Quartier Latin et décide d’aller faire l’oisif au Luxembourg. Difficile de trouver une chaise libre, je m’en fais voler une confortable par une femme sans scrupules plus rapide que moi et me rabats sur une autre à dossier droit où je lis Paola de Vita Sackville-West (Editions Autrement). L’indélicate ouvre Femme actuelle et y trouve un article bien fait pour elle : « La chirurgie esthétique qu’il vous faut ».

    Mon livre lu (qui sera revendu), un autre bus me conduit près du Book-Off de l’Opéra où je fais d’autres affaires puis j’attends le train du retour Chez Léon où l’on s’inquiète téléphoniquement du sort d’un pilier de comptoir non vu depuis plusieurs jours (on ne sait pas, le gardien ira frapper à sa porte ce soir). J’y lis La nuit juste avant les forêts de Bernard-Marie Koltès (Editions de Minuit). Dans le train de retour, c’est Voyage en Italie (suivi de Voyage en Norvège) d’Ernest Renan (Editions Arléa).

    Encore deux ouvrages à mettre dans la pile des livres à revendre.

    *

    Ils ont mis le temps mais sont arrivés en gare de Rouen, les écrans publicitaires en forme de téléphone géant qui aident à faire tourner les vieilles centrales nucléaires.

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  • Le beau temps assuré et pas découragé par l’échec de la veille, je prends à nouveau la voiture dimanche avant même le lever du soleil et direction Romilly-sur-Andelle où j’arrive alors que la boule rouge apparaît à l’horizon. Ce village est prospère. En témoigne la nouvelle et mirifique aire de jeux pour enfants près de laquelle se tient le déballage. Des livres y sont visibles de-ci de-là. Le premier qui m’intéresse est d’Hugues Rebell et a pour titre Journal d’une enfant vicieuse. « Cinquante centimes », me dit l’une des deux jeunes filles qui le vendent et n’ont pas dû le lire. Un peu plus loin, je trouve pour le même prix L’héritage infernal (des filles et des fils de nazis racontent) de Dan Bar-On.

    C’est par la côte Jacques-Anquetil que je quitte Romilly, me dirigeant au jugé, et avec l’aide qu’un homme sortant de la boulangerie de Montmain, vers Saint-Aubin Epinay. Je m’y gare pas loin de l’abri où par le passé, la clavicule cassée, j’attendais le bus pour Rouen avec celle qui me tenait la main, après une nuit passée à L’Epinoy, le petit hôtel local. Ce village est également prospère et même bourgeois. On y trouve donc des livres à vendre mais pas forcément à acheter.

    Une femme est au téléphone avec son mari. Il veut savoir comment habiller la gamine.

    -Mets-lui des collants, il fait un peu frais, et débrouille-toi pour qu’elle ne ressemble pas à un clown, Si j’avais su, j’aurais laissé des vêtements au bout de son lit.

    Au moins trente ans qu’on parle des nouveaux pères, mais il reste encore quelques anciens, semble-t-il.

    Je fais deux fois le tour du pays puis rentre à Rouen. Il me reste à explorer le vide-grenier local, quartier Saint-Eloi, près du temple du même nom. C’est selon moi le plus triste de la ville, même quand il fait soleil comme aujourd’hui. De plus, certains exposants sont peu accessibles, serrés dans un goulet en contrebas de la place ou installés derrière des barrières qui protègent le badaud des rames de Teor. On ne peut pas circuler, encore moins voir. Je croise quelques têtes connues, trouve quelques livres à mettre dans mon sac et file.

    *

    A midi, je renoue avec la terrasse du Son du Cor, y côtoyant le bobo retour du marché et lisant l’un des livres du matin : Pauline Sachs d’Alexandre Droujinine (Phébus), l’histoire d’un « homme d’âge » (trente-deux ans) épousant une « très jeune fille » (dix-neuf ans) qui le trompera avec un jeune prince de ses amis, un roman de mil huit cent quarante-sept présenté en quatrième de couverture comme une anticipation de Nabokov, vite lu, vite revendu.

    *

    La fille Le Pen virée du marché de Sotteville-lès-Rouen, c’est ici la nouvelle du jour.

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  • Samedi matin, le soleil plus ou moins là mais le temps frais, je me décide malgré mon peu de réussite lors des précédents vide greniers à tenter Poses au bord de la Seine. Lorsque j’y arrive, les exposant(e)s sont là en nombre suffisant mais pas moyen de trouver un livre intéressant. Dépité, je me résous à tenter Montaure, traverse la forêt de Bord, me gare là où je vois deux types en gilet jaune assis dans le coffre ouvert d’une voiture de chasseur.

    -C’est un peu plus loin cette année, me dit l’un. Au Château.

    Je remonte à pied une rue à sens unique (sauf pour les cavaliers) jusqu’à l’imposante bâtisse connue également sous le nom de Prieuré. Les vendeuses et vendeurs sont déployés dans des allées sous les arbres. Il y fait froid. L’une est occupée à couper des branches qu’elle dispose dans les flaques devant son stand. L’un rechigne à payer pour ses trois mètres au prétexte qu’il n’a rien vendu depuis l’aurore. Je ne trouve rien pour moi qui, hormis les livres et les cédés, cherche aussi depuis des semaines des objets aussi divers qu’une poêle à frire, des ramettes de papier, de l’adhésif pour colis et une cafetière.

    Sur le chemin du retour, je fais le détour d’Ymare pour une troisième tentative. Cela se passe au Château et comme le proclame les affiches, c’est la « fête du pays ». Les allées sont humides et encore une fois la marchandise décevante.

    Bredouille, je rentre à Rouen. Dans le passage souterrain sous le quai de Paris, deux policiers sont occupés à prendre des mesures mystérieuses. A la surface, une policière photographie la station de Cy’clic. En mon absence, il a dû se passer quelque chose.

    *

    La rue de la République : deux fois entièrement refaite (une fois par la droite centrée, une fois par la gôche), cela afin de « redynamiser » le commerce. Discrètement, à la fin d’avril, l’a quittée Bang & Olufsen.

    *

    Rue du Père-Adam : celui qui avait cru aux articles de presse annonçant le retour du vinyle au point de le claironner en nom de magasin, Vinyl is back, vient également de fermer boutique.

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  • Malgré le froid c’est le Printemps de Rouen, opération culturelle municipale qui propose un vrac de spectacles, d’expositions et de conférences dont beaucoup gratuits et je suis, ce vendredi soir, parmi les premiers à attendre devant le portail fermé des Marmousets à l’abbatiale Saint-Ouen où la classe d’art dramatique du Conservatoire de Rouen donne La Tragédie du More, une pièce anonyme publiée à Rouen au début du dix-septième siècle chez Abraham Cousturier, libraire en bas de la rue Ecuyère, dont le titre complet est Tragédie française d’un More cruel envers son seigneur nommé Riviery, gentilhomme espagnol, sa damoiselle et ses enfants.

    Trois femmes à badge printanier autour du cou apparaissent. Les deux plus jeunes portent une table sur laquelle elles installent programmes et tickets. On peut avancer un peu. Maurice Attias, professeur de la classe d’art dramatique et metteur en scène de la pièce s’adresse à la petite foule : « On fera entrer les gens à huit heures et quart », Encore un quart d’heure à faire le gens qui attend impatiemment et mes voisines n’ont pas même pas une conversation intéressante. Un branlotin tente une entrée en force mais se fait rabrouer par la plus vieille des badgées.

    Enfin, c’est ouvert. Je découvre avec satisfaction que les chaises sont en gradins. L’une des jeunes badgées entend faire s’asseoir là où elle veut. Je m’installe au milieu du quatrième rang et l’envoie bouler quand elle veut me faire bouger, lui faisant remarquer que nous ne sommes pas encore en dictature. C’est vite plein, il faut ajouter quelques chaises sur le devant.

    Le More est un esclave récemment bastonné par son maître Riviery. Il va le lui faire payer cruellement. Cette sanglante vengeance est symbolisée par un vaste carré de tissu rouge faisant plateau que déploient au début de la pièce les comédien(ne)s en apprentissage, lesquel(le)s sont vêtu(e)s de noir et de rouge. L’orgue, tenu par François Ménissier, se charge des effets spéciaux. Il se transforme parfois en château, notamment quand il s’agit pour le More de jeter dans le vide la damoiselle violée. Il faut parfois tendre l’oreille pour bien comprendre les alexandrins dans ce lieu où tout haussement de voix a pour conséquence la réverbération. Nous sommes donc attentifs. Quelques petits rires, quand apparaissent les chasseurs mimant le cheval qu’ils n’ont pas, frisant le ridicule, sont réprimés. Le More à la fin se suicide, laissant Riviery, le nez coupé, conclure : « Cruelle journée » (autres petits rires).

    Actrices, acteurs, organiste sont copieusement applaudis. Chacun(e) se dirige vers la sortie dans la pénombre. N’y voyant pas grand-chose dans ces circonstances, il n’est pas étonnant que je bouscule quelque peu le directeur d'une troupe de théâtre, ce qui nous donne l’occasion de nous saluer.

    *

    Ce vendredi matin, réouverture de la boulangerie de la rue Martainville, dont l’ancien boulanger, il y a quelques mois, dans le pétrin s’est suicidé.

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  • Trois jolies filles se précipitent vers moi ce jeudi matin premier mai alors que je reviens du Fournil (anciennement la Boulange) de la Croix de Pierre. Elles ont quelque chose à me vendre. Ce brin de muguet que j’offre un peu plus tard à celle venue de Paris pour me voir. Elle en reçoit un autre du patron du Bar des Fleurs où nous buvons une boisson chaude avant d’aller à la maison.

    Le temps est à l’averse. Nous prenons néanmoins l’apéritif sur le banc, dans un jardin plus que jamais laissé à lui-même où prospèrent fleurs fanées et mauvaises herbes. Pour fond sonore, nous avons le bruit des bateaux des Vingt-Quatre Heures Motonautiques. Cette course idiote autour de l’île Lacroix est de moins en moins contestée. Les écolos locaux ne veulent plus sa suppression mais suggèrent son aménagement. « Il faut que l’organisation change de millénaire et décide d’équiper les bateaux de moteurs électriques qui seraient moins bruyants et plus respectueux de l’environnement. », déclarent-ils sur le site 76actu. Ces écologistes d’un nouveau genre semblent ne pas savoir que l’électricité française provient des centrales nucléaires.

    Les gouttes d’eau nous obligent à rentrer. Nous sommes tristes tous les deux qu’entre nous ce ne soit plus ce que c’était. A cette tristesse commune s’ajoute la mienne chaque début de mai, anniversaire de la mort de mon frère Jacques à La Rochelle il y a maintenant dix-neuf ans. Je ne lui en parle pas.

    Tandis qu’elle prépare le repas, je lui demande ce qu’elle veut écouter :

    -Les Frères Jacques, me répond-elle spontanément.

    Ensuite, ce sera Jacques Higelin. Je ne peux m’empêcher de voir un signe à cette double coïncidence. « Ça ne m’a pas effleurée une seconde », m’écrit-elle ce vendredi matin après que je la lui ai fait remarquer.

    *

    De Jacques Perdrial, Chanson Râ, tirée de Poèmes et chansons pour la madone de cuir (Editions Didier-Michel Bidard) :

    nous avions vingt ans

    et pleins d’allégresse

    nous creusions le temps

    à coups de pelles fraîches

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