• Regardant passer la manifestation rouennaise pour les retraites

    Pas envie de marcher avec les manifestant(e)s ce jeudi matin dans les rues de Rouen, j’ai un peu mal au pied gauche suite à mon escapade parisienne et puis je crains que les syndicats n’aient pas les moyens de faire reculer le Tout Puissant de la République, que cela soit inutile.

    Ils répètent à l’envie que pour le Cépéheu ils ont gagné, oubliant qu’ils ont sous-traité l’affaire aux étudiant(e)s qui à leur tour l’ont sous-traitée aux lycéen(ne)s indiscipliné(e)s ne respectant aucun parcours de manifestation, cassant un peu ici ou là et se frottant aux Céhéresses. C’est de cela que le gouvernement d’alors a eu peur et c’est pourquoi il a reculé.

    Cette fois, la jeunesse n’est pas là, qui n’a pas envie de se penser en vieillard(e)s.

    Donc, je décide de regarder passer le défilé et à cette fin me poste à l’extrémité du pont Boieldieu, côté rive gauche, là où sont massés les gros bataillons de la Cégété, notamment les ouvriers de Renault Cléon. L’un est au micro et donne les consignes :

    -Les petites sonos doivent être réparties dans le cortège, une devant et une derrière le camion bleu. Ça fait deux et y en a trois.

    J’entends que le cortège doit se diviser en deux vers la fin pour enserrer la Préfecture. Trois branlotins arrivent avec une banderole « Vive le printemps ». On se cherche avec les téléphones :

    -J’suis au bout du pont à côté de la poubelle.

    C’est là que je suis aussi et je ne cherche personne. La manifestation démarre. Un couple me salue de loin et je ne sais pas qui c’est.

    Au bout d’un moment, je longe le quai haut en contresens vers le pont Corneille, croisant l’Hôpital qui danse derrière un cercueil. Viennent ensuite quelques étudiant(e)s de l’Unef puis une petite bande de lycéen(ne)s excité(e)s de Marcel Sembat. La Céheffedété leur colle aux fesses et les tient à l’œil :

    -Les jeunes, on évite de faire des trous dans la manif pour la sécurité. Ça vous empêche pas de vous défouler.

    Quelques cadres de la Cégécé sont là, puis en petit nombre également les membres de la Céheffetécé « le syndicat constructif », puis les choristes de la Haie Fessue et leur troupe d’enseignant(e)s.

    Sur le trottoir, se faisant voir et attendant la fin du cortège, les Ecolos et les Socialistes se tiennent à bonne distance les uns des autres. Il y a bisbille entre eux à la Mairie de Rouen (un Vert privé de délégation passe beaucoup de temps au Son du Cor à raconter ses malheurs par téléphone).

    Des policiers évacuent une partie du flot automobile en obligeant les voitures à prendre un sens interdit. Une conductrice ne peut s’y résoudre.

    Vers la fin passe avec des ballons multicolores l’Oeuvre Normande des Mères. Qu’est-ce c’est que ce truc là ? Le Parti Communiste marche derrière. Il s’est mis au rap : « Honneur à toi la jeunesse de France » (c’est consternant). Les Ecolos et les Socialistes entrent dans le cortège. Quatre Ford banalisées de couleur bleu marine suivent les manifestant(e)s, dans chacune deux fonctionnaires en civil. L’un est proche de la retraite si j’en juge à ses cheveux blancs.

    Je rentre par le pont Corneille. Sur le quai rive droite, deux filles inquiètes considèrent le cortège qui défile sur l’autre pont. Elles ont peur de passer à travers les manifestants.

     Je leur dis qu’elles peuvent y aller, ils ne sont pas méchants.

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    Plus tôt, avant la manifestation, j’achète le Libération du jeudi pour ses pages littéraires et un peu plus tard dans la rue découvre qu’il n’y en a point, remplacées qu’elles sont par un cahier central consacré à un forum Planète durable (de lapin) à Lyon, bavardages et délayages soutenus par Coca Cola, General Electric, Suez et Renault Camions

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    La Camille d’Arne Quinze qui coûte deux cent mille euros et à cause de ça les impôts locaux de Rouen qui augmentent de huit pour cent, voilà ce qu’on peut entendre ou lire ici et là. L’art contemporain incite le contemporain à la bêtise : « On n’y comprend rien » « A quoi ça sert » « C’est de l’argent foutu en l’air » et autres lieux communs qui auraient fait la joie de Flaubert pour son Dictionnaire des idées reçues.

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    Coût de la reconduite à la frontière (comme ils disent) d’un(e) immigré(e) sans papiers : vingt mille euros, soit pour l’ensemble des expulsé(e)s de deux mille neuf : plus de quatre cent dix-neuf millions d’euros.

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