• Retour au cinéma Pathé pour la vente de livres du Secours Populaire

                Dimanche matin, après un tour rapide au marché du Clos, je mets le cap avec celle qui me tient la main sur le cinéma Pathé des Docks Soixante-Seize où le Secours Populaire en est à son troisième jour de vente de livres d’occasion.

                Sur le quai de la rive droite s’agitent les sportives et sportifs d’habitude tandis que sous un pont dort un clochard gardé par un beau chien blanc. De l’autre côté de la Seine, les forains poursuivent l’installation de leurs manèges et loteries et sur celle-ci l’Amoco Cadiz remplace le Titanic. Je lui raconte le naufrage sur la côte bretonne et le pétrole partout à Portsall (bien avant sa naissance) et nous glosons sur l’humour des mariniers.

                Bientôt nous voici fouillant dans les bacs et pas pour rien, je trouve là Aventures d’un gourmand vagabond de Jim Harrison (publié chez Bourgois), ouvrage regroupant essais et lettres consacrés à l’une des passions de l’écrivain, et, toujours chez Bourgois, L’œil du vieux de Tiziano Scarpa, roman à la narration déstructurée racontant les amours de Carolina, étudiante à l’Académie des Beaux-Arts de Venise, qui gagne sa vie en restaurant les parties génitales censurées des mangas érotiques et de Fabrizio qui paye son loyer en fournissant du sperme matin et soir, dans des pots de yaourt, à sa logeuse qui s’en sert de crème de jouvence.

                Plusieurs fois (la dernière cet été lorsque nous étions coincés à Rouen par ma clave cassée), j’ai proposé à celle que se réjouit avec moi de ces trouvailles de restaurer ainsi ma collection de mangas érotiques sans que jamais elle s’y mette. La question est de savoir si ces dessins où l’on voit par exemple comme l’écrit l’auteur une jeune fille baisée par un corps transparent, un pur contour vide sont plus excitants tels qu’ils sont ou le contraire.

                Ce livre est en très bon état, comme s’il n’avait jamais été lu, pourtant il appartenait à la Médiathèque du Grand-Quevilly. Un coup de tampon reporté en plusieurs endroits à l’intérieur indique « Pilon le vingt et un mai deux mille neuf ». De nombreux livres en vente au Secours Populaire proviennent de cette bibliothèque. On y pratique, semble-t-il, à grande échelle le désherbage.

                Je paie quatre euros mes deux livres à la dame qui m’informe de la prochaine vente, ajoutant que l’on me voit à chacune, et au moment de partir j’ai l’œil attiré par un opuscule de Maurice Blanchot L’instant de ma mort, publié en mil neuf cent quatre-vingt-quatorze chez Fata Morgana, vingt pages sur beau papier, non coupées, jamais lues, où l’auteur raconte comment il fut pendant la deuxième guerre mondiale presque fusillé.

                Avec l’aide de celle qui m’accompagne, j’obtiens de le payer trente centimes et, rentré à la maison et elle repartie, quelle n’est pas ma surprise (comme on dit) d’en découvrir un exemplaire en vente sur un site marchand au prix de vingt-cinq euros.

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