• Sept jours à Bruxelles, capitale d’un pays sans gouvernement (Deux)

    Pour boire à verre à Bruxelles nous sommes bien aidés par Le Guide du Routard. Sans lui, nous n’aurions pas trouvé À l’Imaige Notre-Dame. Ce bar se cache à deux pas de la Grand-Place au fond de l’impasse des Cadeaux, banquettes défoncées et lacérées par le chat de la maison, toilettes donnant sur la ruelle, jeune serveuse et bonne bière. Nous n’y allons qu’un soir.

    Nos deux estaminets préférés sont À La Mort Subite, au bout des Galeries Royales, rue Montagne-aux-Herbes-Potagères, et Le Cirio, près de la Bourse, rue du même nom. Dans le premier, un jour, nous déjeunons de tartines (tartare cannibale pour elle, tête pressée pour moi). Dans le second, avant de quitter la ville, nous dégustons dans des assiettes bols blanches des tagliatelles pour elle et des chicons pour moi (en dessert pour tous deux une tarte Tatin). Dans les deux se tiennent des serveurs en tenue de majordome, qu’elle verrait bien moines, à qui nous donnons pour nom Monsieur Georges ou Monsieur Paul, affairés, discrets et le cœur gai. Je croise Monsieur Georges dans la cour (comme on appelle ici les toilettes), occupé à soulager sa vessie dans les magnifiques urinoirs de faïence du Cirio, et demande à Monsieur Paul si c’est bien Jacques Brel qui tient compagnie à Annie Girardot sur la photo murale prise jadis À La Mort Subite.

    -Oui, c’est Jacques Brel.

    -Je ne savais pas qu’il avait porté la moustache.

    -C’était pendant le tournage de La Bande à Bonnot.

    Oui, je me souviens, Jacques Brel y jouait Raymond la Science. La clientèle de ces deux bars est essentiellement locale et typique. S’y adjoignent quelques touristes (un soir, quatre jeunes japonaises intrépides).

    Un matin, nous faisons aussi visite au Métropole, café du genre bourgeois, place De Brouckère, où d’autres célébrités ont laissé leur nom sur les piliers : Toscanini, Saint-Saëns, Caruso, and so.

    Pas toujours dans les bars, nous sommes aussi dans les églises dont l’intérieur est le plus souvent décevant, hormis celui de la Cathédrale Saints-Michel-et-Gudule. Pour un euro par personne, nous en visitons le trésor gardé par deux vieilles dames dont l’une à perruque.

    C’est en sortant de là et marchant au hasard que nous tombons sur Camille ou plutôt The Sequence, l’installation d’Arne Quinze reliant le Parlement flamand à la Maison des représentants flamands. Sous The Sequence (qui est là depuis deux mille huit) roulent les automobiles et les bus. Celle qui m'accompagne me photographie devant et réciproquement. Nous tentons d’obtenir de nos amis flamands l’autorisation de grimper à l’étage afin de l’observer de haut. C’est interdit, nous dit-on. De Camille, sa copie rouennaise, ne reste plus rien et nous n’en avons pas fait la moindre photo.

    Un autre matin, nous prenons le train pour Louvain l’universitaire, en pays flamand, dont nous admirons l’Hôtel de Ville aux deux cents statues de notables (une suggestion de Victor Hugo) avant de bien déjeuner au De Wiering (carbonnade de bœuf  à la Leffe pour elle, pot au feu de lapin à la bière de framboise pour moi). Pour promenade digestive, nous parcourons les sept hectares du Grand Béguinage composé de soixante-douze maisons de briques rouges cernées par les bras de la Dyle. Il fait beau et de retour au centre ville, nous nous installons en terrasse au soleil sur l’Oude Markt dans un bruit de ruche parmi des centaines d’étudiant(e)s et lycéen(ne)s. Pendant que celle qui est à ma droite dessine les façades, j’observe les nombreuses filles vélocipédistes.

    C’est un jour historique pour la Belgique mais nous ne l’apprenons que le lendemain au bar Au Soleil, rue du Marché-au-Charbon, par le quotidien Le Soir : deux cent quarante-neuf jours sans gouvernement, record mondial battu. Des manifestations étudiantes ont exalté l’incurie des politicien(ne)s côté flamand et côté wallon et à Gand une délégation irakienne a transmis le trophée jusqu’alors détenu par ce pays.

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    Retour à Rouen où j’apprends que, comme j’en avais eu l’idée, l’on songe à installer l’Ecole des Beaux-Arts dans le Cloître des Pénitents.

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    Retour à France Culture où j’entends, à mon grand énervement, le Service Protestant du dimanche matin se servir des textes des chansons de Barbara pour son prêchi-prêcha.

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