• Troisième samedi d’août à Paris

    Pas question d’une rencontre avec celle qui vit à Paris, ce troisième samedi d’août, je ne fais que pérégriner de bouquinerie en bouquinerie, en commençant par le Book-Off du faubourg Saint-Antoine où je vends à bas prix quelques livres qui n’intéressent pas à Rouen avant d’en acheter d’autres qui me valent de ressortir de la boutique le sac noir à la main.

    Rien ne ressemble plus à un sac poubelle qu’un sac Book-Off. Je suis toujours un peu gêné de me balader avec l’un d’eux à la main, encore plus aujourd’hui, depuis que je sais qu’un mien ami, en ayant posé devant lui (avec d’autres sacs) a vu venir à lui une dame compatissante qui le croyait sans logis (il est vrai qu’il était vautré sur la pelouse du jardin des Plantes et, circonstance aggravante, porte une barbe).

    Un menu vapeur plus loin, la Seine traversée, je porte à l’autre main un sac Joseph Gibert, ce qui me donne meilleure apparence. Un bus Vingt-Sept, conduit par un jeune homme énergique du claque-sonne, me ramène du côté de la gare Saint-Lazare. Je bois un diabolo menthe sur le trottoir d’un café nommé Le Pharaon. Son prix est effectivement pharaonique (quatre euros quatre-vingt-dix) mais l’endroit est propice pour voir sous les jupes de celles qui se font photographier sur le toit du Printemps, loin là-haut. Un peu plus tard, je m’installe comme les deux fois précédentes dans un train qui n’est pas celui pour lequel j’ai un billet (il n’existe pas).

    Ma tranquillité est vite troublée par l’arrivage d’une meute de colons rentrant de vacances. Je déménage, m’installe dans la voiture suivante. J’y vois bientôt passer la meute, poussée par les monitrices et les moniteurs. Tout ce monde est en transit vers ses places réservées que les contrôleurs ont signalées deux voitures plus loin. S’ensuit pour les jeunes filles et garçons mal organisés la nécessité de rapatrier les bagages, ce qui prend un certain temps. Le nom de leur association est inscrit sur leurs vêtements mais je suis discret.

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    Parmi les livres rapportés : L’Age du furieux de Pierre Lepère (Minos/La Différence), évocation des poètes exaltés de Jodelle à Hugo jeune, La Fameuse Comédienne ou Histoire de la Guérin auparavant femme et veuve de Molière, méchant réquisitoire anonyme du dix-septième contre Armande Béjart (Anatolia/Le Rocher) et Amours garçonnières (Pof), anthologie de poèmes de la Grèce antique ayant pour thème l’amour des jeunes garçons.

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    Ayant toujours des livres à revendre, je demande l’autre semaine au plus médiatisé des bouquinistes rouennais s’il serait intéressé par la correspondance de Françoise Dolto. Non, me dit-il, car de Dolto, il a déjà beaucoup de livres qui ne se vendent guère. Curieux raisonnement que je ne prends pas la peine de contester.

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    Comme s’il fallait avoir tout lu d’un auteur avant d’être en droit de lire sa correspondance. J’ai lu une partie de celle de Nietzsche sans avoir lu aucun de ses textes théoriques. J’étais peut-être en infraction.

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