• Un mercredi où il pleut à Paris, mais qu’importe

    Dans la gare de Rouen ce mercredi un peu avant huit heures passe et repasse Alain Rault aka le Playboy Communiste dont les calligraphies murales sont parfois dérobées par des spéculateurs collectionneurs d’art. Hirsute, caché dans sa couverture, il effraie les deux jeunes Japonaises à qui il demande un euro. Une femme d’origine africaine (comme on dit) se déplace pour venir lui donner une pièce. Perdu dans son monde intérieur, il n’en est pas moins capable de se débrouiller du monde moderne comme le montre sa maîtrise du distributeur automatique où il prend un café.

    Je descends voie Trois et grimpe dans le train de huit heures sept pour Paris. Près de moi voyagent une femme, son fils homo et le copain de celui-ci. Ils partent à New York et étudient fébrilement le plan du métro. Up, c’est pour monter. Down, c’est pour descendre.

    Un peu après dix heures, je sors de terre à la station Ledru-Rollin et aperçoit de l’autre côté de la rue celle avec qui j’ai rendez-vous, grâce à qui je suis allé à New York il y a bientôt deux ans. Elle me fait signe de la main mais avant que j’aie eu le temps de lui répondre le garçon à ma gauche l’a déjà fait.

    C’est un ancien de l’Ecole Boulle qu’elle n’avait pas revu depuis la fin de leurs études communes. Elle échange quelques mots avec lui puis nous prenons une boisson chaude au Café du Faubourg. Ce tête-à-tête m’est bénéfique.

    Après un passage chez Book-Off où nous amuse le livre à un euro que personne ne voudra acheter : Changer de destin par François Hollande, mais où je trouve en revanche quelques livre du même prix à mon goût, nous allons déjeuner place d’Aligre en terrasse de La Grille, un restaurant où le menu du jour semble ne jamais changer mais est bien bon et dont le patron est fier des drapeaux qu’il a cousus sur la façade en prévision de la coupe du monde de foute. La fin du marché s’offre en spectacle et l’auvent nous protège de la pluie qui s’intensifie. Salade d’avocat et de saumon fumé, tagine de poulet, le problème vient du dessert unique, le fondant au chocolat que lui interdit l’allergie, pas moyen de le remplacer par autre chose qu’un thé à la menthe.

    Il nous faut nous quitter à la fin du repas. Le travail l’appelle du côté de la Bastille. Depuis le bus Quatre-Vingt-Six, j’ai une dernière image d’elle qui me fait un signe de la main. Elle a fière allure sous son parapluie.

    Je descends à Cluny. La pluie ne cessant, je vais de Gibert en Boulinier puis reprends le bus Vingt-Sept qui me dépose pas loin du Book-Off de l’Opéra où je furète longtemps avant de terminer la journée comme souvent Chez Léon.

    Sur la table près de mon café verre d’eau sont empilés mes livres à un euro du jour parmi lesquels deux sont consacrés à des artistes marginaux cousins du Playboy Communiste : Le Prince de Palagonia de Giovanni Macchia (Quai Voltaire) qui évoque le constructeur de la villa baroque sise à Bagheria « muré dans son rêve de pierres » et Storr (Architecte de l’ailleurs) de Françoise Cloarec (Phébus) consacré au cantonnier de la ville de Paris créateur de soixante-douze dessins « représentant cathédrales lumineuses, bâtiments exotiques et cités utopiques ». Ce dernier ouvrage fut dédicacé à Daniel Greiner le treize novembre deux mille dix à Trouville par l’auteure (entre les pages : une petite carte avec l’adresse, le numéro de téléphone et l’adresse mail de cette dernière).

    *

    Autres livres rapportés de Paris : Le sec et l’humide de Jonathan Littell (L’Arbalète/Gallimard) sur le nazi belge Léon Degrelle, Marie de Régnier de Robert Fleury (Plon), Petits Contes licencieux des Bretons (Terre de Brume Editions), Saul Steinberg (Delpire).

    *

    La dame triste chez Book-Off qui demande un livre sur la dépression au travail.

    Partager via Gmail Yahoo!