• Une matinée au Tribunal Administratif de Rouen, pour Kulilk et Yasmina

                Le Tribunal Administratif de Rouen prend son rythme d’après vacances. Les dossiers s’empilent de celles et ceux qui, pour reprendre la formule du Tout-Puissant de la République, ont vocation à quitter la France et à rejoindre leur pays d’origine. Ce mardi matin, je suis là, à l’appel du Réseau Education Sans Frontières pour Kulilk, lycéenne venue de Turquie, scolarisée au lycée Fernand Léger dans je ne sais quelle ville, et pour Yasmina, lycéenne venue d’Algérie, scolarisée au lycée des Bruyères à Sotteville-lès-Rouen.

                La seconde bénéficie d’un bon avocat et du soutien de ses camarades et de ses professeur(e)s venu(e)s en nombre. D’autres affaires, une dizaine, concernent des adultes venus d’un peu partout. La salle d’audience toute neuve du nouveau Tribunal s’avère trop petite.

                C’est comme d‘habitude, une greffière annonce, un assesseur résume, un(e) avocate intervient brièvement, la Commissaire du Gouvernement donne la tendance et le Président indique que l’affaire en mise en délibéré.

                Des avocat(e)s il y en a de toutes sortes, ce matin. Il y a celui qui se substitue à un sien confrère et plaide un dossier qu’il ne connaît pas. Il y a celle qui ne sait pas où elle se trouve et reprend point par point son dossier jusqu’à se faire interrompre par le Président excédé qui lui apprend qu’elle n’est pas là pour ça. Il y a celui qui juge bon de serrer la main du Tribunal et se met à plaider avant que l’assesseur ait pris la parole. Il y a aussi Maître Rouly qui défend la dernière moitié des dossiers avec conviction, dont celui de Yasmina.

                A la fin de son argumentation en faveur de la lycéenne, le Président, chose inhabituelle, lui pose une question :

                -Pourquoi ne pas avoir demandé un statut d’étudiant ?

                -Etudiant est un statut transitoire, répond Maître Rouly.

                La Commissaire du Gouvernement argumente dans le même sens que le Président. Comme dans le cas de Kulilk.

                C’est toujours possible d’être étranger et d’étudier en France. Oui mais le jour où l’on n’est plus étudiant(e)...

                Dans la cour du Tribunal, on discute des suites à donner. J’apprends que grâce à l’expertise médicale indépendante, le Juge des Libertés et de la Détention a relâché le jeune couple azéri et ses deux enfants, mais que ce lundi le Tribunal Administratif de Rouen a ordonné leur expulsion. Du moins sont-ils pour l’instant en liberté dans leur village du Jura. La lycéenne de La Courneuve n’a pas cette chance. Elle est toujours incarcérée à Oissel et doit être expulsée si la Chine accepte son retour, ce qui n’est le cas qu’à quarante pour cent.

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