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Ci-après sont donnés à lire les textes constituant mon Journal du onze novembre deux mille six au sept août deux mille quatorze, date à laquelle j’ai cessé de le faire paraître chez OverBlog en raison de la publicité imposée. Ces textes sont ici sans publicité quand on les lit via un ordinateur, ce n'est malheureusement pas le cas quand on y accède avec un téléphone.
La deuxième partie de mon Journal est publiée chez L’Imprimante, premier lien en haut à gauche.
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« Nous comprenons votre mécontentement, mais sachez que ces décisions ont été prises dans votre intérêt, dans le seul but d'améliorer votre façon de bloguer, votre référencement et votre visibilité. » m’écrit ce lundi quatre août deux mille quatorze une certaine Caroline de la maison OverBlog. Le mot « mécontentement » est faible et l’explication donnée vaut son pesant d’hypocrisie commerciale. Il s’agit de l’introduction de la publicité au milieu de mes écritures qui en étaient exemptes depuis deux mille six.
Ce mercredi, alors que mon texte du jour est officiellement en ligne, il n’apparaît pas à la lecture. C’est un bug dont sont victimes de nombreux clients d’OverBlog. Il ne sera résolu que plusieurs heures plus tard. En revanche ce qui fonctionne bien, c’est l’introduction des foutues publicités clignotantes. Certaines sont proches de l’arnaque : « Des fichiers infectés ont endommagé votre Flash Player » (On invite le naïf à cliquer pour nettoyer les fichiers), « La performance de votre PC est médiocre, 142 erreurs de registre trouvées » (Clique de même, pauvre naïf).
Cet acte de terrorisme économique n’est pas supportable. Je mets donc fin à la publication de mon Journal via OverBlog. Il renaîtra ailleurs, peut-être sous une autre forme.
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Bien avant Caroline, j’ai été en correspondance avec Nicolas qui s’occupait (s’occupe peut-être encore) des questions juridiques chez OverBlog.
Une première fois, il me soutint face à un avocat bien connu dans le monde de l’édition qui voulait porter plainte contre moi.
La deuxième fois fut moins brillante, quand la plaignante était l’ancienne bouquiniste de la rue Saint-Romain. Cette commerçante, qui me jetait un regard noir à chaque fois que je la croisais, me fit un jour un grand sourire et me salua cordialement. Intrigué, j’allais sur mon blog et découvrais que les deux textes qu’elle me reprochait n’y étaient plus, ôtés sans même que j’en sois prévenu par le service juridique d’OverBlog. Je les republiais, ce qui énerva fort la bouquiniste (elle croyait que c’était moi qui les avais retirés) et me valut, suite à sa plainte, une convocation par la Police (affaire classée sans suite).
Voici ce que m’écrivit alors Nicolas, le mercredi trois novembre deux mille dix :
« Re-bonjour Michel, je vous prie sincèrement de m'excuser : effectivement, j'aurais du vous demander votre accord pour ces suppressions de texte, d'autant que ma politique en tant que responsable juridique d'Overblog est de refuser les demandes de retrait pour un contenu non manifestement illicite. Simplement, devant l'insistance de cette personne, et l'absence de "conflit" apparente entre vous et cette personne, au bout d'un certain nombre de ces demandes, j'ai perdu patience et fini par lui donner raison, ce que je n'aurais pas du faire.
Je vous prie par conséquent d'accepter mes excuses, et si vous n'y voyez pas d'inconvénient, de ne pas faire état de cette histoire sur votre blog. »
Je n’ai pas voulu faire de la peine à Nicolas. Aujourd’hui, je ne suis plus dans le même état d’esprit.
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Après une bonne nuit à L’Excess Hôtel, bâtiment de tôle surtout occupé à la semaine par des ouvriers, je vais petit-déjeuner et voir un peu Vierzon en passant par le pont métallique coloré de la Gare. Laissant ma voiture devant l’Hôtel de Ville, je monte dans la ville et y trouve une petite boulangerie dont la patronne m’indique le café le plus proche, un Péhemmu à vendre dont la clientèle est sans surprise (L’un en boucle : « Faut que j’aille à la Caf et à Pôle emploi, on est le cinq, y a rien d’arrivé. »). En redescendant, je passe devant un hôtel transformé en lieu d’accueil pour chats : dix chambres sont à leur disposition (c’est complet).
Vierzon a un certain charme, une sorte de petit Orléans non rénové, mais je ne m’y attarde pas et décide de ne pas utiliser l’autoroute. La route est droite et libre. Le risque de dépasser le Quatre-Vingt-Dix est grand, mais les petites poubelles déposées devant les maisons isolées ont opportunément la forme d’un radar.
Avant Orléans, un panache de vapeur d’eau en forme de champignon atomique m’indique que la Loire n’est pas très loin à gauche. Je prends donc la direction de Meung-sur-Loire où m’accueille un buste de Gaston Couté, poète libertaire et chansonnier montmartrois. Il y est enterré. Je fais une photo de sa tombe à croix chrétienne que nul ne fleurit. Après une balade le long du fleuve, je repars sous un soleil de plus en plus ardent. C’est un choc pour qui revient de l’automne. Je guette en chemin un restaurant pour routiers, mais il semble qu’août soit le mois de leurs vacances.
Ce n’est qu’arrivé à Serazereux (Eure et Loir) que j’en trouve un, l’Hôtel du Péage, installé dans un bâtiment récent vaste et clair, une partie à tables nues, une partie à tables avec nappes en papier vertes. C’est par là qu’on m’installe. Un femme mangeant à la table voisine explique la chose ainsi : « De l’autre côté, c’est pour ceux qui travaillent ; de ce côté, c’est pour ceux qui se promènent. »
Le menu est à douze euros quatre-vingt-dix avec un grand et bon buffet d’entrées à volonté (où certains qui travaillent vont se resservir trois fois). Le vin est aussi à volonté, à la tireuse où l’on remplit son pichet. Pour plat du jour, je choisis le lieu noir à sauce crustacé accompagné de flageolets aux petits lardons et ne le regrette pas. Suivent un fromage blanc et, en dessert, une mousse de coco. Le café est en sus : un euro trente.
Cet excellent repas m’aide à poursuivre la traversée de la Beauce, cette punition infligée à qui revient de vacances, à quoi s’ajoute, in fine, la punition rouennaise : l’embouteillage permanent dû à la destruction du pont Mathilde. La promenade est terminée.
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Finies les petites mouches du sud de la Loire, partout présentes dans les maisons, les cafés, les restaurants. Particulièrement nombreuses cette année, et dès le mois de février, m’a dit l’une des responsables de chambres d’hôtes. Des effrontées capables de se poser sur mon livre ou sur mon bras pour copuler.
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La mouésson est mûre et les blés sont blonds ;
I' s' pench'nt vars la terr' coumm' les tâcherons.
Qui les ont fait v'ni' et les abattront :
Ça sent la galette au fournil des riches.
L’Ecole (Gaston Couté)
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Le pont Mathilde réparé doit ouvrir le mardi vingt-six août. Il se pourrait qu’à cette occasion nos journalistes locaux évoquent une chanson de Jacques Brel.
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Ce dimanche soir arrivent à Mérigot un jeune motard et sa passagère dont c’est le premier jour de vacances. L’hôtesse les installe dans la chambre voisine de la mienne, restée vide ces deux dernières nuits. Je les entends comme s’ils étaient chez moi. Cependant, rentrés du restaurant, ils ne me dérangent que par leur bavardage alors que je m’attendais à d’autres hululements que ceux de la chouette.
Après un dernier petit-déjeuner avant tout le monde, je paie mes trois fois quarante euros, et prends la route de Beaulieu, pas loin, où une chambre serait à mon goût. Las, un panneau « Complet » indique que c’est fichu. Dès lors, je continue la remontée et entre dans le Puy-de-Dôme, passe par une autre Trémouille et par Messeix (une certaine logique se cache dans ces noms de villages) sans trouver de chambre et arrive à Eygurande, bourg de Corrèze en grand déclin :
-Y a plus rien ici, me dit la vieille mercière dont la marchandise en désordre date également.
Elle est sortie de sa cuisine pour répondre à ma question :
-Y a-t-il un restaurant à Eygurande ?
Elle m’envoie à Saint-Merd-la-Breuille (le d de Merd ne se prononce pas) chez une femme qui fait tout elle-même, c’est à volonté pour douze euros, vin et café compris, et très bon.
-C’est loin d’ici ?
-Je sais pas, c’était mon mari qui conduisait, je regardais pas les kilomètres.
C’est un peu loin, dans la Creuse, mais dans ma direction, aussi y vais-je et ne vois rien. Un autochtone à vélo et à enfant me renseigne, là-bas juste après la boulangerie. L’établissement n’a pas de nom en façade. Sur la carte que m’a donnée la mercière, il est écrit : Café Restaurant Christine Detour (comme dans les grandes maisons).
Je la trouve en cuisine et réserve une table pour midi, précisant que je viens de la part de la mercière d’Eygurande. J’ai une heure à occuper à Saint-Merd et c’est un peu trop, aussi suis-je de retour avant l’heure. Une table à un couvert m’attend. Ce sera une salade surimi pâtes lentilles laitue, puis un sauté de porc malheureusement sec avec des frites sèches.
Christine Detour me demande si je veux « une poignée de frites en plus » mais j’y renonce, de même aux fromages secs, préférant un fromage blanc avec coulis de framboise. En dessert, c’est une glace en forme de dôme. Hormis moi, ne mangent ici que des gens du pays, dont une Anglaise à cheveux blancs accompagnée de deux ouvriers qui doivent travailler pour elle et d’un paysan à bottes qui sent un peu le purin.
En entrant, l’un de ces deux ouvriers a annoncé la mort de son beau-frère, le mari de sa sœur : « Il était là, y a quinze jours, il est rentré à Paris, il a senti une douleur dans le haut du dos, il est allé se coucher, ma sœur est allée le voir, il était mort, crise cardiaque, quarante-quatre ans. »
-Mon âge, a dit la restauratrice dont les filles sont d’âge à être en maternelle.
Quand je paie, je lui dis lâchement que j’ai trouvé ça très bien.
Je reprends ma route vers le haut, m’arrête à Crocq, village médiéval à château, où il y a chambre d’hôtes à prix serré chez Colette Lafrique. Elle me dit qu’elle est désolée, elle s’en va et ne rentrera pas ce soir. Il fait gris, les paysages me plaisent de moins en moins. Je décide de mettre sérieusement le cap sur Rouen.
Plus je remonte, plus le ciel de dégage, il fait beau et chaud, on se croirait maintenant en été. Quand je commence à être fatigué de conduire, arrivé dans le Berry, je fais quelques nouvelles tentatives mais ce ne sont que chambres d’hôtes chères, de caractère. La bourgeoise de La Maison de Charlotte (« Veuillez m’excuser monsieur, je suis en tenue de nettoyage »), à Saint-Léger, commune de Meunet-Planches, me conseille l’Ibis Budget d’Issoudun. Je l’envoie paître.
C’est à L’Excess Hôtel de Vierzon que je m’arrête, établissement en rénovation, où j’ai une chambre refaite à trente-neuf euros et à ventilateur, ce dernier me rappelant New York City.
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Deux voisines à Saint-Merd-la-Breuille. L’une à l’autre, venue chez elle :
-Bon, ça fait rien, allez, allez, partez, qu’on se dispute pas.
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C’est dimanche et croissant en supplément au petit-déjeuner à Mérigot où j’ai ma serviette dans une pochette au nom de la chambre que j’occupe : Œillet, cela après une nuit paisible agrémentée par le cri de la chouette.
Pour mon ultime journée ici, je vais voir les lacs de la Haute Tarentaine dont je fais de nombreuses photos, plusieurs artificiels et un naturel, celui de La Crégut, « le plus grand lac d’origine glacière du Massif Central ». Il est en péril comme le déplorent de nombreuses banderoles : « Envasement Dégradation Finissons-en ». Cela n’empêche pas une fort jolie pêcheuse en cuissardes d’y descendre, cependant que son compagnon tripote son hameçon.
Une petite route sinueuse m’emmène ensuite à Montboudif, le village natal de Pompidou, fils d’instituteurs, dont je photographie le buste que m’a indiqué un retraité assis sur une chaise devant chez lui, curieux de savoir d’où je viens dans le Soixante-Seize (il y passe l’hiver, à Sainte-Adresse), puis je vais à Trémouille par une autre petite route sinueuse où je me trouve nez à nez avec une vache échappée de son pré. Je la photographie à travers le pare-brise puis la longe prudemment et m’arrête à la première maison. Justement le paysan est là dehors, à qui je signale la fugueuse.
Trémouille (la bien nommée) possède une belle église à clocher à peigne. Les filles à marier peuvent y actionner une roue de Saint-Martin. Si elle s’arrête sur la plus grosse des cloches, elles le seront dans l’année. Revenant de l’église, je croise un vieux marié arrivant de la nature avec un sac de girolles qu’il montre à sa femme. C’est chez eux qu’il faudrait manger à midi mais ils ne font pas table d’hôtes.
Je me rends donc une nouvelle fois à Marchal et comme des « averses éparses » se manifestent, je m’installe à l’intérieur de L’Auberge de l’Eau Verte où sont déjà présents un vieux couple du Puy-de-Dôme et un jeune couple à bébé mignon du même département. J’y déjeune d’une « grande assiette » contenant une saucisse de pommes de terre, de la truffade et de la salade, suivie d’une fougnarde au chocolat, sorte de crêpe découpée en parts comme une tarte. Avec un quart de côtes-du-rhône et le café, ça fera dix-neuf euros cinquante, me dit le serveur toujours souriant.
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L’Auberge de l’Eau Verte à Marchal, où je n’ai pu séjourner, L’Auberge des Volcans à Saint-Chamant, où j’ai séjourné, deux hôtels transformés en chambres d’hôtes parce qu’ils n’avaient pas les moyens de se mettre aux normes, m’explique l’hôtesse de Mérigot.
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Une chambre à l’ancienne au rez-de-chaussée que la mienne à Mérigot, literie qui craque, armoire mil huit cent cinquante-neuf, lavabo et douche dans un placard à portes coulissantes, toilettes à l’extérieur, cela dans une maison en forme de grand chalet sans cachet particulier, où je suis bien content d’être quand éclate l’orage ce vendredi soir, même s’il n’est guère violent.
Au matin, enfermé dans la douche du placard (toute juste assez grande pour me contenir), j’ai un moment de frayeur avant de trouver comment en ouvrir les portes. Je monte à l’étage où est servi le petit-déjeuner. J’y suis seul, étant le premier. C’est pain beurre confiture et café à volonté, avec en fond sonore une radio diffusant de l’accordéon.
Ayant repéré une pancarte « Ferme Auberge » du côté de Saignes, je prends cette direction et la trouve à Vebret, au lieu-dit La Vergne Petite. Un homme en tracteur me dit de sonner. Une dame m’entrouvre la porte. J’aperçois derrière elle une salle pas folichonne, mais j’y réserve quand même une table. « Alors, en vacances ? Faut bien ! », me dit l’homme descendu de son tracteur
Faut bien oui, je vais voir à quoi ressemble Ydes où l’on promet belle église et y trouvant un « chemin champêtre » le prend au mot sous les nuages. Un kilomètre deux cents plus tard, je suis à l’entrée de Saignes et l’averse menaçant, je décide de rebrousser, arrivant à ma voiture sous les premières gouttes. Elle me reconduit à Saignes où, la pluie ayant cessé, je fais quelques courses dans un magasin de proximité aux rayons peu fournis avant de prendre un café verre d’eau à la terrasse du Café de la Poste, face à une Salle des Fêtes vintage (comme on dit aujourd’hui) dont je fais une photo. Sur la place centrale, Raymond le fromager a installé son camion et c’est l’affluence. Je passe à l’Office de Tourisme et demande à la jeune fille ce qu’elle sait de la ferme auberge où je dois déjeuner. Elle fait la grimace et me dit :
-On ne nous en a pas dit du bien, dans tous les domaines.
-Vous croyez que je peux quand même m’y risquer ?
Elle me le déconseille, mais à midi trente, j’en pousse la porte. Une seule table est mise avec une seule assiette, la mienne. Heureusement celle-ci est près de la fenêtre car la salle est dans une semi-obscurité et d’aspect lugubre. Certaines tables sont encombrées de pots de fleurs et des paniers de linge traînent près de la cuisine. Au mur, des affiches invitent à des expositions de peintres locaux. Les plus récentes datent de deux mille quatre.
-C’est calme aujourd’hui, me dit la dame dont la corpulence et le tablier me rappellent ma défunte mère.
-On dirait, oui.
-Hier soir j’avais du monde, quinze personnes, une chorale qui chantait à Antignac. Ils voulaient manger après le concert et les restaurants sont fermés à cette heure-là. J’ai dit oui, ça me dérange pas de veiller.
Elle me propose un Birlou, apéritif du pays à base de châtaigne, de pomme et de vin blanc. C’est bien bon.
-Je peux vous faire une assiette de charcuterie, ensuite du chou farci, salade, fromages et dessert.
C’est la première fois de ma vie que je mange seul dans une ferme auberge et pour y être seul, j’y suis seul. Je songe à celle qui n’est plus avec moi et qui déménage aujourd’hui à Paris avec l’aide de son père, fuyant l’horrible individu, ancien chanteur raté (une vidéo en témoigne sur YouTube), ancien majordome de Chirac (une photo semble en témoigner), chez qui elle sous-louait une chambre pour un prix bien supérieur à celui du loyer de l’appartement et qui lui a pourri la vie pendant des mois. Elle ne l’a pas mis au courant et cela risque d’être sanglant. Par la fenêtre, j’observe une nouvelle averse.
Je mange très bien chez cette dame mal considérée. La charcuterie (jambon, saucisson, pâté) est vraiment rustique au point que j’y plie la fourchette, le chou farci excellent et il y en a pour deux, le plateau de fromage est le plus exhaustif que j’ai vu depuis mon arrivée dans le Cantal, la salade parfaitement assaisonnée et le gâteau aux poires « C’est moi qui l’ai fait » fort bon. Tout cela m’est facturé seize euros. Avec le Birlou, le demi de vin rouge (j’avais demandé un quart mais n’ai pas chipoté quand j’ai vu arriver un demi) et le café, cela fait vingt-quatre euros dix que je paie avec un chèque.
Il me reste à rentrer prudemment à Mérigot, ce que je fais sans croiser le képi du gendarme, d’ailleurs pas vu un depuis mon arrivée dans le Massif Central (même pas à Tarnac).
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« Ça y est ! Ça y est ! Ça y est ! », m’écrit-t-elle en fin d’après-midi. L’horrible individu a gardé sa caution, mais elle a gardé ses clés.
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Le petit-déjeuner à Condat est comme je l’imaginais, du pain, du beurre et de la confiture de la maison, avec suffisamment de café mais léger et encore j’ai échappé à la chicorée. La dame active me tient compagnie de ses bavardages que j’écoute d’une oreille. Ce soir dans ma chambre seront des Rouennais, lui avocat, dont elle me donne le nom, qui ne me dit rien. Comme je suis inquiet sur ma possibilité de trouver un hébergement ce ouiquennede, qui est celui de l’arrivée des aoûtiens (comme on disait autrefois) et des orages (encore une fois), je lui demande si elle n’aurait pas le guide des chambres d’hôtes d’Auvergne. Elle fouille dans tous ses tiroirs, ne le trouve pas mais déniche celui de toutes les chambres de France, un pavé de près de neuf mille cinq cents adresses (édition deux mille quatorze) dont elle tient à me faire cadeau.
Sous le soleil matinal, je prends la route qui va à Champs-sur-Tarentaine, près de Bort-les-Orgues, par les gorges de la Rhue, et monte vers Marchal où se tient L’Auberge de l’Eau Verte qui a chambres à bas prix mais toutes prises, me dit le jeune homme au bar. Je fais demi-tour ayant vu en chemin une pancarte prometteuse qui me mène à une ferme, lieu-dit Mérigot, et là c’est bon je suis à l’abri jusqu’à lundi matin pour quarante euros la nuit, ouifi et petit-déjeuner compris.
Je reprends la voiture, franchis la frontière Cantal Corrèze et découvre Bort-les-Orgues, bourgade en forme de longue rue parallèle à la Dordogne qui coule fort. Elle doit son nom aux falaises de lave qui la surplombent et a connu la prospérité elle aussi, avant la déchéance actuelle ; boutiques, entreprises et maisons fermées s’y succèdent lui donnant un charme certain.
Je repasse dans le Cantal en montant à Riom-ès-Montagnes, autre bourgade, que je n’ai pas envie de visiter autrement qu’en voiture. Il est midi. Un demi-tour me mène à Antignac à l’Auberge de la Sumène tenue par un jeune couple. Le menu du jour affiche du sauté de veau, mais il n’y en aura pas pour tout le monde, dont moi. On me propose à la place du faux filet. Je refuse. De la saucisse. Eh bien oui. Je m’installe en terrasse à une table sale. On y pose, sans la nettoyer, un pichet d’eau sans verre et une corbeille de pain. Plus rien ne se passe jusqu’à ce que je traverse la rue, monte dans ma voiture et file.
Me revoici à Champs-sur-Tarentaine où une autochtone m’indique, pour bon restaurant pas cher, Le Saint Rémi. Le plat du jour est un steak frites, comme à la cantine. C’est à Marchal que je déjeunerai à L’Auberge de l’Eau Verte qui propose aux touristes qui font sa clientèle, de « grandes assiettes ». J’opte pour tripoux truffade salade à treize euros et un quart de côtes-du-rhône à trois. Tout cela n’est guère authentique et le serveur trop souriant, mais il ne faut pas se plaindre, si ce n’est de mon voisinage : un faux Dominique A ayant eu deux enfants avec une fausse Carla B. Le pire est le garçon nommé Evane mais la fille qui se mord elle-même les doigts n’est pas mal non plus. Le père à la fin du repas :
-On ne sort pas de table comme ça, on n’est pas à la maison.
Trois secondes plus tard, frère et sœur galopent autour de l’église.
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L’après-midi, je le passe où je nuite, à lire Jules Renard près de l’étang et à regarder s’installer les campeurs à la ferme qui me rappellent le temps où j’étais des leurs, seul ou en bonne compagnie. L’orage menace, je n’étais pas le dernier à en avoir peur quand je faisais campeur.
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Il y a au Lioran, où l’on ne manque pas d’air, une maison d’hôtes nommée Les Ecrivains Voyageurs. Prix des chambres : de soixante-dix à cent quarante euros. Sans doute fréquentée par des pharmaciens ou des garagistes. « Sur réservation, massage du dos et réflexologie plantaire ».
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A l’Auberge des Volcans de Saint-Chamant, le petit-déjeuner se prend à l’étage dans une salle qui fait maison d’hôtes : meubles de famille, animaux empaillés, photos d’un lointain mariage. Je trouve là, installées avant l’heure à la grande table, les deux vieilles copines en vacances ensemble et m’installe le plus loin possible d’elles. La patronne passe la tête par la porte. On attend que le boulanger arrive, nous dit-elle. Ce qui ne tarde pas. Là aussi, je manque de café.
Comme cette journée doit être belle, je file sans délai, prenant la direction du Puy-Mary, lequel se profile à l’horizon, majestueux. La route du Pas-de-Peyrol qui y mène depuis Salers est des plus étroites. Des mini zones de croisements sont ménagées tous les trois cents mètres. A cette heure, je ne croise heureusement presque personne et profite d’une vue superbe qu’aucune photo ne peut rendre.
Pourtant, c’est l’affluence au sommet du plus haut col routier du Massif Central, lequel rassemble sur son parquigne les arrivants de trois routes différentes. De là, on monte à pied au sommet du Puy-Mary, ce que j’ai déjà fait, bien accompagné, et que je ne veux pas refaire seul. Je descends donc vers Murat, le ciel s’étant chargé de nuages.
A mi-descente, je m’arrête à Bienne au Café du Commerce. C’est une maison particulière avec une salle pour le bar. Les toilettes sont celles de la famille, au premier étage. J’y bois un café de bord de route. Passe un tracteur à remorque marquée « Transports d’animaux ». Des paires de cornes en dépassent. Il est dix heures et demie. Je songe à celle qui travaille à Paris en train de signer son premier bail, enfin un appartement à son nom.
Murat est une ville sans apprêt, sérieusement en pente, dominée par une Vierge blanche. Je la visite et constate que ni les restaurants (à menus minables ou chers), ni les chambres d’hôtes (chères) ne peuvent m’y retenir.
Je prends la route de Condat, distante de trente-cinq kilomètres, commençant par ce choix à me rapprocher de la Normandie. Juste avant d’y être, je découvre le restaurant où l’on a envie de manger, avec terrasse au bord d’un lac et prometteur menu du jour à douze euros. Il se nomme L’Hostellerie du Lac aux Moines et est tenu par une jeune équipe décontractée. J’y déjeune bien : tarte tomates emmental, lentilles jambon braisé, fromages, tiramisu, puis ayant repéré une chambre d’hôtes dans mes prix au bourg, la cherche. Je dois me faire aider par la jeune fille de l’Office de Tourisme. Elle téléphone et c’est d’accord pour une nuit dans le quartier du Moulin.
-Vous avez de la chance, me dit l’active dame qui me reçoit, comme j’avais personne, j’allais partir.
Elle termine de préparer la chambre tout en me racontant sa vie, me dicte le code ouifi puis vaque à ses affaires cependant que je descends faire le tour du pays sous un ciel déjà orageux. Comme beaucoup d’autres, il fut prospère et ne l’est plus. En témoigne la boulangerie Moins qui n’est plus rien, en face des rideaux fermés de laquelle je bois un diabolo menthe.
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L’été étant propice aux coups tordus, la maison OverBlog qui propulse mes écritures quotidiennes à travers le monde entier déclare :« Pour continuer de vous fournir un espace d’expression libre, gratuit et facile d’accès, votre blog intégrera prochainement quelques espaces publicitaires. ».
Si j’ai fait le choix d’OverBlog en deux mille six, c’est parce que cette maison promettait à qui le voulait d’être indemne de toute salissure publicitaire. Ce changement de règle équivaut à une rupture unilatérale de contrat, du moins moral.
(Ah oui, je pourrais continuer à être lisible sans publicité mais à condition que je paie pour cela.)
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En face de ma chambrette de la rue Notre-Dame à Salers se trouve l’Hôtel Restaurant Le Bailliage où, selon toute évidence, j’ai diné avec celle qui habite à Paris un soir de nos premières vacances. Le regarder par la fenêtre, c’est donner vie au titre d’un roman de Maurice Constantin-Weyer Un homme se penche sur son passé. Je ne mange pas le soir, je grignote ; aujourd’hui, une langue de belle-mère, spécialité locale achetée chez Servans, fabricant de gâteaux dont Bourvil appréciait le talent.
Je suis seul au deuxième étage et dors bien. Au matin, tandis que Salers est dans le brouillard, je profite de la baignoire sabot, puis il me faut sortir dans la mouillasse. Le petit-déjeuner, compris dans le prix de la nuitée, se prend au bar Le Rétro, rue du Beffroi, qui n’a rien de son nom. Le jeune homme aux commandes court chez le boulanger après mon arrivée et me sert le standard de l’hôtellerie, c’est-à-dire bien moins de café que je n’en désirerais.
Que faire de cette journée qui s’annonce grise avec un peu de mieux dans l’après-midi ? Je choisis de rester dans la proximité de Salers et me rends à Tournemire, l’un des « plus beaux villages de France », dont Le Guide du Routard dit grand bien. A tort, me dis-je quand j’y suis, me souvenant alors y être déjà venu, bien accompagné. Ce village accroché à la montagne est beau vu d’en bas. Sur place, la longue rue pentue n’a rien d’exceptionnelle.
Je redescends et vais voir à quoi ressemble L’Auberge des Volcans à Saint-Chamant qui figure sur ma liste des chambres d’hôtes bien que ce soit une sorte d’hôtel. Je la trouve au centre du bourg, sur la place qu’elle partage avec la mairie, l’église, deux grandes maisons à vendre mangées par le lierre et l’alimentation générale Chez Monique.
C’est un petit établissement pittoresque où l’on semble vivre comme dans l’après-guerre mais avec la ouifi (la maison ferme entre quatorze et dix-sept heures). J’y prends chambre pour la nuit au prix de trente-huit euros avec petit-déjeuner et y retiens une place à table pour midi et quart.
Celle-ci est au bout d’une des deux longues tablées d’ouvriers qui y ont cantine. La patronne s’occupe de la cuisine et du service. Le patron reste derrière le comptoir. La télévision montre un documentaire sur les Touaregs. L’un des ouvriers interpelle le patron :
-C’est quoi cette télévision de bougnoules, ce midi ?
Nul ne bronche. Le patron change de chaîne. Voici les infos nationales, un braquage a eu lieu quelque part, une femme au volant de sa voiture déclare qu’on n’aurait jamais pensé voir ça dans nos petits villages et que ça fait peur. Au menu, c’est charcuterie, bourguignon, fromages et gâteau aux fruits rouges. Le vin est à volonté. Les têtes d’électeurs potentiels du Front National se tournent toutes vers la télé pour la météo, du mieux demain puis à nouveau des orages. L’un déclare « Je vous l’avais bien dit, ça se remettra que le dix août avec le changement de lune ». Juste pour mon retour, me dis-je, si toutefois je ne rentre pas avant.
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L’après-midi, je lis la première année (mil huit cent quatre-vingt-sept) du Journal de Jules Renard, sur un banc de l’« espace public », à Saint-Projet-de-Salers, village de bout de vallée démuni de café.
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Saint-Chamant, son église qui sonne l’heure avec sept minutes de retard. La terrasse de L’Auberge des Volcans : deux tables près d’un bananier en pot sur le parquigne. Mon diabolo menthe le moins cher de l’été deux mille quatorze : un euro trente.
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Les jours se suivent et ne se ressemblent pas, comme dit Madame Michu. Après une nuit potable à la Source du Mont, le Logis de France de Saint-Martin-Valmeroux (j'en snobe le mesquin petit-déjeuner à huit euros), je me rends à Salers dont je n’étais distant que de quelques kilomètres, bénéficiant d’une superbe vue sur la chaine des Puys et un fond de vallée englué dans les nuages dont je fais photo. J’arrive côté parquigne gratuit, remonte pédestrement la rue Notre-Dame où est sise une boulangerie pâtisserie : « Un croissant et un pain au chocolat ». Un peu plus haut, sur la place de l’Eglise, le bar tabac presse L’Ecuyer est ouvert où je commande un grand café. C’est ici que passent les gens du pays, dont Monsieur le Maire pour y acheter La Montagne. Dix degrés, on se plaint du temps et on n’a d’autre occupation que de jouer à des trucs à gratter. La serveuse critique ceux qui roulent comme des fous sur la route de Mauriac, qui auparavant racontait que les gendarmes l’avaient chopée, ailleurs je suppose, à cent dix (« On vous a reconnue, c’est pour ça qu’on vous a pas arrêtée »).
Je trouve une bonne ouifi à l’Hôtel du Beffroi tenu par une gentille dame, nappe à carreaux et code « vivelesvacances ». Un couple de quinquagénaires y petit-déjeune, tragique illustration de ce qui arrive quand on ne se quitte pas.
A l’ouverture, j’entre à l’Office de Tourisme où l’on me donne la liste des chambres d’hôtes alentour. J’en repère une dans l’autre partie de la rue Notre-Dame qui propose chambre à trente-neuf euros pour un solitaire, gérée par la boutique Le Sagranier. Une charmante dame me dit que c’est okay, dès qu’elle sera faite.
Salers est l’un des « plus beaux villages de France » mais il a su résister à la tentation de se vendre aux touristes. A cette heure matutinale, j’en fais le tour sans être gêné par quiconque quand je photographie ses belles demeures en pierre et ses bien connues vaches tintinnabulantes.
Vers onze heures, je repasse par L’Ecuyer. C’est un bon endroit pour commencer ma relecture du Journal de Jules Renard dont Marinette, sa veuve, a brûlé la moitié avant publication, selon ce que raconte Paul Léautaud dans le sien. J’apprends que j’ai manqué de peu la chute de Bernard, victime d’une crise d’apoplexie dans le bar, on a dû appeler les filles de l’Institution.
A midi, je prends possession de ma chambrette et, un quart d’heure plus tard, suis de retour à l’Hôtel du Beffroi où j’ai décidé de faire bombance pour me remettre de ma journée d’hier et faire face au temps médiocre. C’est que dans le Cantal on mange mieux qu’en Creuse et Corrèze. J’opte pour le menu à dix-sept euros cinquante : pounti, deux cents grammes de faux filet de salers avec sa truffade, tarte aux myrtilles avec sa boule de vanille ; avec cela une bouteille de cinquante centilitres de Côtes d’Auvergne et pour commencer une gentiane artisanale que je bois à la santé de celles à qui je pense.
Je sors de là dans un bel état, tout juste capable d’une sieste dont je ne garde aucun souvenir.
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La serveuse de L’Ecuyer, à onze heures : « On se croirait au mois d’octobre. »
La même, à onze heures et demie : « On se croirait au mois de novembre. »
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Dire qu’il y a des hommes qui à quatre heures de l’après-midi commandent une verveine, tapotant des doigts sur la table, avec femme à thé qui ne les regarde pas, nouvelle illustration de ce qui arrive quand on ne se quitte pas. Autre spectacle de café, ces deux jeunes couples à progéniture en poussettes échangeant leurs expériences dans ce domaine (dans chaque, une tension entre lui et elle).
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La patronne de l’Ecuyer, l’après-midi, à moi-même :
-Mais comment vous faites, monsieur, pour vous servir de votre ordinateur ? On n’a pas Internet ici !
-J’écris, madame, je n’ai pas besoin d’Internet, c’est comme une machine à écrire.
-Ah mais moi, je me sers toujours d’Internet !
-Dans ce cas, madame, il faut aller ailleurs.
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