• A la recherche de l’introuvable café rouennais

    D’où vient qu’à Metz, Lyon, Strasbourg, Lille et autres villes de même importance, il ne me faut guère plus d’une journée pour trouver le café qui me convient, suffisamment fréquenté et animé et où je me sens bien pour lire ou écrire alors qu’à Rouen macache ?

    Je crois que la faute en est aux terrasses qui dans la capitale de Haute-Normandie s’étalent à plaisir, d’où plus personne à l’intérieur et dehors des client(e)s qui se pèlent mais peuvent fumer assis(e)s (à Metz, on sort et on fume debout).

    Ce jeudi, après avoir essayé les semaines passées pas mal d’estaminets locaux, je suis de retour à l’Echiquier. Plein de monde en terrasse malgré les travaux (l’Espace du Palais n’est plus étanche) et quasiment personne à l’intérieur où je m’installe.

    Mon café arrive sans que j’aie besoin de le demander (on se souvient de moi ici). J’ai besoin de me vider la tête après un long échange avec le service juridique de la maison Overblog qui héberge ce Journal. Pour cela, je parcours les faits divers de Paris Normandie puis reprends où je l’ai laissée la lecture de Jacques Prévert (En vérité), la biographie signée Yves Courrière parue chez Folio Gallimard. Je saute des pages ne trouvant guère d’intérêt à ce pavé. La vie de Prévert n’est pas palpitante et l’auteur s’embarque dans de nombreuses digressions.

    Un couple termine de déjeuner, qui participe à ma distraction. La femme s’en prend véhémentement à son vis-à-vis qui ne pipe mot. On dirait un petit garçon face à une méchante institutrice. Je n’entends pas bien ce qu’elle lui reproche. Il est question de manque de personnalité et de lâcheté. Quand enfin il ouvre la bouche, c’est pour dire :

    -Tu as raison, je je je…

    Elle le regarde avec haine :

    -Ce que j’aurais aimé, c’est qu’il t’arrive quelque chose de grave, de grave, de grave.

    Bientôt ils quittent les lieux. Elle, ouvrant la porte d’un geste brutal. Lui, la suivant sur ses béquilles.

    *

    Prévert, dans les soirées où les surréalistes s’interrogeaient les uns les autres à propos de leur sexualité, à la question de son âge préféré chez ses partenaires répondit « Quatorze ans » mais sa Jacqueline en a dix-sept quand il en a vingt de plus. Leur copain Francis Lemarque (bientôt chanteur), qui, à l’époque, filait le parfait amour avec la fille délurée de son patron chemisier –elle avait treize ans mais en paraissait dix-sept–, était très impressionnée par la beauté de Jacqueline qu’il baptisa « l’Inaccessible » même si elle était sa cadette de trois ans raconte Yves Courrière. Plus tard, Prévert rencontrera Claudy, laquelle en parle ainsi à Courrière : « J’étais mineure –je devais avoir seize ans– mais je ne m’en rendais pas compte et Jacques non plus qui ne m’a forcé à rien. J’étais très jeune et très heureuse d’être avec lui. »

    C’était dans les années trente du siècle précédent.

    *

    On fume debout dehors à Metz mais il est aussi au moins un endroit où on le fait à l’intérieur du bistrot, de même dans des villages de Lorraine, de Champagne-Ardenne, de Picardie. Rassurant de constater qu’il y a en France des régions où l’on est moins mouton qu’en Normandie.

    *

    À Rouen, la manie de la restauration atteint maintenant les statues. Celle de Rollon, le fier Viking qui a fondé la Normandie, en fait les frais. Elle a quitté son socle du jardin de l’Hôtel de Ville et y reviendra avec le bras et l’épée perdus depuis longtemps.

    La Vénus de Milo ne dit mot, planquée qu’elle est à Paris.

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