• A Louviers, pour un enterrement dont la messe est dite par un kinésithérapeute à la retraite

    A Louviers, il y a deux curés, le père Payre et le père Diouf (ce dernier, j’imagine, venu d’Afrique suppléer à la crise des vocations), m’a appris ma sœur, et aucun n’est disponible pour enterrer notre père qui pourtant n’a pas ménagé sa peine, ni son argent, pour l’Eglise catholique. C’est un laïc, ancien kinésithérapeute, qui doit dire la messe.

    Notre père serait bien déçu si, du haut d’un paradis, il pouvait voir ça. Au Saint-Michel, place du Champ-de-Ville, où je bois un café, ce jeudi matin, en attendant qu’il soit l’heure de ce qu’on appelle la mise en bière, je me dis qu’une notabilité lovérienne morte aurait eu l’un des curés pour dire sa messe.

    A neuf heures trente, face à l’ancien lycée où je fus élève, je retrouve devant le funérarium, mon frère, ma sœur, son mari et l’une de mes nièces. L’employé des Pompes Funèbres nous laisse seuls avec le mort, puis au bout d’un moment revient avec ses aides pour visser le couvercle du cercueil avec une chignole.

    A dix heures, nous sommes à l’église Saint-Germain, près des immeubles du mal réputé quartier des Acacias où je fis l’instituteur dans deux écoles maternelles. Une petite église de campagne posée là comme par erreur, c’est bien assez pour le peu qu’on est. J’y retrouve ma fille, mon autre nièce, une de mes cousines et quelques représentant(e)s des belles-familles.

    Nous entrons derrière le cercueil et la messe est dite par le kiné en parka de chasseur et une de ces dames comme on en voit dans toutes les églises, laquelle commence par évoquer la vie de celui qu’on enterre. Elle peut se résumer par cette formule : une vie de labeur. Je songe qu’il est étonnant que mon père ait pu vivre jusqu’à quatre-vingt-huit ans sans être malade, bien que pendant des décennies il ait respiré les pires produits chimiques quand il traitait ses poiriers et ses pommiers à coup de pesticides (jusqu’à parfois en saigner du nez).

    Nous ressortons derrière le cercueil pendant que la dame d’église tire sur la corde d’une cloche posée sur le sol et nous retrouvons tous au cimetière où un employé des Pompes Funèbres devient soudain poète en récitant Péguy. Le cercueil du défunt est descendu dans le caveau où se trouve déjà celui de sa femme.

    Je vais avec ma fille saluer plus haut mon frère Jacques mort il y a bientôt seize ans. Nous sommes rejoints par le reste de la famille. Ensemble, nous déjeunons chez ma sœur.

    *

    Ce ouiquennede, c’est le Salon de la Mort à Paris, m’apprend le quotidien régional. Les visiteurs peuvent y essayer les cercueils. Pas sûr que j’en aurais le courage.

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