• A Paris au temps du Nouvel An chinois

                Celle que je rejoins à Paris ce samedi matin m’attend cachée derrière un pilier de la gare Saint-Lazare et lorsqu’elle me propose d’aller faire un tour à Belleville je dis oui. A la sortie du métro, nous avons l’oreille attirée par des percussions. Devant une épicerie chinoise se tiennent des ressortissants de ce pays en tenue jaune et y allant fort sur les tambours. Les accompagnent un dragon et deux autres animaux fantastiques et souples, entre le panda et la chenille. La cérémonie est assez mystérieuse, on y fait claquer des chapelets de pétards puis l’une des bêtes est aguichée par une laitue accrochée au bout d’une ficelle pendant d’un long bâton et finit par la dévorer. Des enveloppes rouges contenant de l’argent sont alors remises à la troupe par les épiciers. J’ai déjà vu ça il y a longtemps dans le treizième arrondissement où habitait mon frère Jacques avant qu’il n’aille mourir à La Rochelle. Pour celle qui me tient la main, c’est une première qui la ravit.

                Manger chinois (comme on dit) s’impose, ce que nous faisons au Da Lat, rue du Faubourg du Temple, vaste salle surtout fréquentée par les gens venus d’Asie. Nous optons pour le menu rôtisserie (porc caramélisé, canard laqué), avec en entrée une soupe de beignets de crevettes et pour le dessert, soit une salade de fruit « de la boîte » soit un flan au coco « comme à la maison », nous dit l’honnête restaurateur, vingt-cinq euros pour deux. Nous accompagnons ce bon repas d’un cruchon de vin rouge du Gard peu onéreux.

                A l’issue de ce repas, c’est Aux Folies (anciennement café théâtre), rue de Belleville, que nous prenons un café et un thé à la menthe dans une déco vrai faux vieux comme je les aime, avant que la pluie ne nous conseille de rentrer aux Amiraux.

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                Le vide grenier d’hiver ça existe à Paris et ce dimanche c’est rue Ordener où nous baguenaudons au matin. En revenant, dans une petite rue parallèle, nous croisons une équipe de tournage, caméra à l’épaule. Un homme a la main posée sur une Autolib’. Une jeune femme s’étonne : « Tiens, tu as acheté une voiture ? »

                Pas encore vu d’Autolib’ roulant et peu de parquées. Deux sont garées près de chez elle, dont l’une a la vitre arrière pulvérisée.

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                Dimanche après-midi, tentative de visiter avec elle Danser sa vie au Centre Pompidou et renoncement pour cause de file d’attente interminable. Ce n’est pas que la danse attire, c’est que sont mêlés celles et ceux qui viennent là pour cette exposition avec ceux et celles qui veulent voir l’exposition Munch. Manque de personnel sans doute. On a sorti le vigile noir que suppose le risque de rouspétance. Il est là pour dire que c’est comme ça et pas autrement. Je suggère à celle qui m’accompagne d’essayer de passer par le restaurant. Peine perdue, un jeune cerbère féminin, nous dit que soit elle nous conduits à une table, soit dehors. Plus qu’à se rabattre sur la collection permanente.

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                Lundi en solitaire, elle repartie au travail et à Clermont-Ferrand, j’erre fatigué après une nuit de peu de sommeil. Vers le milieu de l’après-midi, je trouve refuge Chez Léon où je termine la lecture du Journal d’Alice James (Editions des Femmes). Il y a là une jeune femme musicienne qui explique qu’elle va jouer ce soir pour les quatre-vingts ans de Michel Legrand, que j’ai toujours trouvé vieux, alors qu’il n’a que vingt ans de plus que moi. Les deux serveuses font le tour du répertoire de l’octogénaire. Quand elles en sont aux Parapluies de Cherbourg, il se met à pleuvoir. J’exagère à peine.

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                Le train de retour se traîne. Un homme chauve y lit Le Figaro puis sort d'une sacoche un Livre de Poche : Guide de l’ado à l’usage des parents. Le branlotin ou la branlotine n’a qu’à bien se tenir.

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