• A Paris, vivant dangereusement

                Mercredi, en chemin pour Paris, je lis Mes modèles, sous-titré « Souvenirs littéraires », de Jacques-Emile Blanche, le portraitiste bien accroché au Musée des Beaux-Arts de Rouen. Ces souvenirs, mal écrits, dans une langue ampoulée et désormais désuète, sont publiés chez Stock. J’en suis au début. Jacques-Emile Blanche parle de la rencontre des deux génies (c’est lui qui le dit) de la littérature d’alors : Maurice Barrès et Anna de Noailles, aujourd’hui plus du tout lus (c’est moi qui l’écris), nous ne pouvions que favoriser un échange si naturel entre esprits de cette classe : les deux écrivains les plus fêtés, écrit Jacques-Emile Blanche, parlant de lui à la première personne du pluriel.

                Arrivé à Saint-Lazare, je me dirige vers le métro. A l’entrée, on distribue énergiquement Direct Matin, le journal gratuit de Vincent Bolloré (un ami du Tout Puissant de la République). Je refuse mon exemplaire et contemple dans la rame tous ces gens qui lisent le même journal, puis, le trajet fini, le jettent dans la première poubelle. Sur les murs de la station Châtelet, j’apprends la prochaine tenue du « Salon de Mariage et du Pacs ». Que le pacsage donne désormais lieu à salon, voilà qui montre bien la faculté d’adaptation du commerçant. Pas d’image sur l’affiche du métro, je ne sais pas à quoi ressemble la robe de pacsée.

                Je me livre à mes occupations habituelles puis, surpris par une drache ventée, je replie mon parapluie bancal et entre chez Mac Donald’s où je prends un café, près d’un groupe de ouaiches ouaiches qui s’adressent les uns aux autres en s’appelant « mon frère ». Un embobelineur vient les voir pour leur vendre de l’encens au profit, dit-il, du nourrissage des sans abris. Ces jeunes gens lui donnent de la menue monnaie puis quittent les lieux en abandonnant leurs plateaux sur les tables.

                Dehors, je suis attiré par de grands portraits en noir et blanc collés sur l’un des murs de la place. Ce sont les photos d’hommes et de femmes au visage un peu gras, dénoncés pour ne pas avoir mangé cinq fruits et légumes par jour. L’adresse d’un site Internet est donnée, permettant aux bon(ne)s citoyen(ne)s de dénoncer leur voisin ou leur voisine.

                Salade tomate oignon, mon kebab de midi me permet d’arriver à trois. Je ne peux ajouter les frites, il paraît que ça ne compte pas. Heureusement, ce soir, celle qui doit bientôt me retrouver m’offre un bon dîner cuisiné par ses soins. Je devrais pouvoir m’en tirer.

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