• A Rouen, au vide-greniers du quartier Augustins Molière

                Samedi, c’est plus que tôt que je me lève afin d’être parmi les premiers au vide-greniers du quartier Augustins Molière. C’est à deux pas de chez moi. J’y suis à l’heure à laquelle arrivent les vendeurs et les vendeuses, en même temps que les brocanteurs venus là rafler tout ce qu’il y a d’intéressant avant l’arrivée des particuliers.

                Je les regarde faire ces brocanteurs, s’abattant comme rapaces tous ensemble sur le même objet, prêts à se marcher dessus pour une médaille ternie ou une montre hors d’âge, se jetant des regards haineux et jurant à qui veut les entendre que non vraiment ils n’ont fait aucune affaire ce matin, qu’il n’y a rien à acheter ici. Beaucoup d’entre eux ne sont pas lavés. Certains habitent dans leur camion.

                Un autre ballet retient mon attention, celui des véhicules de la fourrière qui embarquent les voitures des distrait(e)s qui n’ont pas lu les affiches interdisant le stationnement. Les municipaux mettent un pévé sous l’essuie-glace, notent sur un procès-verbal d’enlèvement la moindre éraflure de la carrosserie afin de se prémunir contre toute plainte du ou de la propriétaire et voilà la voiture prête à être emportée. Les vendeurs et vendeuses se réjouissent de disposer enfin de la place requise pour décharger leur voiture et installer leur déballage.

                Ces brocanteurs souhaitant la malchance à leurs semblables, ces vendeurs et vendeuses se félicitant à voix haute du bon usage de la fourrière au dépens d’autrui, me rappellent la phrase de Jules Renard : Il ne suffit pas d’être heureux ; encore faut-il que les autres soient malheureux, une phrase relue avec elle la semaine dernière en exergue du livre de photos de Jeanloup Sieff publié chez Taschen que nous regardions ensemble.

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