• Au Tribunal Administratif de Rouen où est contestée l'assignation à résidence d’une famille kosovare

    Quand j’arrive ce samedi un peu avant quatorze heures au Tribunal Administratif de Rouen, une greffière est occupée à relever les identités de toute une famille tunisienne venue des Yvelines. Elle me demande ensuite mon nom. Je refuse de le lui donner, m’étonnant de cette pratique. « C’est pour que le Juge sache si des membres de la famille sont présents dans la salle », me dit-elle, une réponse qui me laisse dubitatif. Les autres membres du Réseau Education Sans Frontières peuvent entrer sans qu’on leur demande rien.

    C’est pour une deuxième famille que nous sommes là, un couple originaire du Kosovo, résidant à Rouen avec ses trois enfants, l’un scolarisé au collège Georges-Braque, l’une au collège Fontenelle, la dernière à l’école maternelle Guillaume-Lion. Ces deux collégiens et leurs parents arrivent accompagnés d’autres originaires du Kosovo, puis une policière et un policer amènent le jeune homme tunisien de Versailles embastillé au Centre de Rétention de Oissel. Ses deux nièces, vêtues de rose Minnie, lui font fête.

    Le Juge et sa greffière font leur entrée. La première affaire examinée est celle du jeune Tunisien qui a reçu une Obligation de Quitter le Territoire Français. Quand il a rejoint ses parents en France avec ses deux sœurs, il était malheureusement majeur. Une de ses sœurs est protégée par sa minorité ; l’autre, mère des deux fillettes roses, par son mariage. Maître Solenn Leprince, du cabinet Eden, s’efforce de convaincre le Juge qu’il serait aberrant que son client soit renvoyé en Tunisie où il n’a aucune attache alors que toute sa famille réside en France et qu’il y fait vivre ses parents avec son salaire régulier de travailleur employé au noir. La plus jeune des sœurs pleure silencieusement.

    L’audience est suspendue. Le Juge part délibérer. Quand il revient, c’est pour annoncer qu’il annule le placement du jeune homme au Centre de Rétention. L’Obligation de Quitter le Territoire Français reste valable. Toute la famille quitte la salle avec le jeune homme libéré, mais pas tiré d’affaire.

    Solenn Leprince plaide alors pour la famille qui a fui le Kosovo où elle était en danger de mort et n’a pas été autorisée à demander l’asile en France à cause de la directive Dublin Trois. Le premier pays de l’Union Européenne où elle a mis le pied étant la Hongrie, le Préfet veut la renvoyer là-bas, d’où elle serait forcément renvoyée au Kosovo. C’est la raison de l’assignation à résidence qui fait suite à une autre qui avait été levée après une tentative de suicide de la mère des trois enfants. L’avocate s’appuie sur l’état psychologique de sa cliente, très dégradé par ce qu’elle a subi au Kosovo et par la peur d’avoir à y retourner.

    Le Juge s’en va délibérer. Quand il revient, c’est pour annoncer qu’il annule l’assignation à résidence et qu’il enjoint au Préfet d’autoriser dans le délai d’un mois cette famille à faire une demande d’asile en France.

    Nous nous quittons donc contents vers seize heures.

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    Etrange tenue que celle de la policière et du policier : une simple veste d’uniforme passée sur une tenue civile et complétée de la ceinture avec les armes réglementaires. Tenue de ouiquennede peut-être.

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    Avant l’audience, je discute avec un lecteur que je ne me soupçonnais pas, responsable local d’un parti politique que je n’ai jamais ménagé dans mon Journal (comme tous les autres). Ce n’est pas de ça dont nous parlons mais d’un village où je suis passé lors de mes dernières vacances en Auvergne. Il en est originaire.

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