• Au vide grenier de Bois-Guillaume

    Point de pluie prévue et même du soleil en perspective, voilà qui est rassurant le jour du vide grenier de Bois-Guillaume, l’un des plus courus de la région. Je monte la côte de Neufchâtel, arrive au carrefour de la Mairie, tourne à gauche, me gare devant la maison commune (comme on dit).

    Descendu de voiture, je constate que j’ai bien fait. Une longue file de voitures où se mêlent exposants et visiteurs est quasiment bloquée entre le carrefour et le stade où se tient le déballage. Je la remonte, arrive au point de contrôle des vendeurs où un organisateur interroge longuement chaque conducteur, pas étonnant que derrière ce soit le bouchon. L’un des deux hommes que je suivais s’adresse au contrôleur tatillon et lui explique qu’il devrait aller plus vite, la route étant bloquée jusqu’à la Mairie. C’est courageux, surtout qu’il est d’origine arabe. L’interpellé reste correct, se contentant d’un exaspéré :

    -Je vous remercie de vos conseils.

    Dans les allées du vide grenier qui s'étale sur trois terrains de sport, j’en entends qui se plaignent d’être restés bloqués une heure dans leur voiture. D’autres fulminent contre les toilettes des sportifs, « c’est dégueulasse comme tous les ans ». S’agissant des acheteurs de livres, la plupart de mes concurrents sont là mais je m’en tire assez bien, achetant même trop, comment résister à un livre à cinquante centimes.

    Le soleil n’est pas encore là lorsque ayant décidé de rentrer, un peu avant dix heures, j’entreprends d’alléger mes sacs en mettant quelques ouvrages dans mon sac à dos. La tête dans les livres, j’entends un « Je ne peux pas résister, je ne peux pas résister »

    -Je sais bien que c’est impoli mais c’est plus fort que moi, il faut que je voie ce que vous avez trouvé.

    C’est l’un de mes concurrents, arrivé tard pour cause de sommeil, autrefois relieur et un peu libraire, un véritable amoureux des livres, pas l’un de ceux qui n’achètent ici que pour revendre et qui lorsqu’ils me croisent me fusillent du regard.

    *

    Samedi après-midi, cinq heures d’Amélie Nothomb sur France Culture, c’est le moment de passer l’aspirateur, mais comme je ne peux faire ça pendant tout ce temps, j’en entends une partie, celle où l’invitée raconte qu’elle répond aux lettres que lui envoient ses lecteurs et lectrices. Elle en a invité une, récompensée de si bien la comprendre. Elle est très fière d’avoir une telle lectrice.

    Dimanche après-midi, le soleil enfin là, je termine sur le banc du jardin la lecture d’un des carnets d’André Blanchard, Contrebande, qui couvre les années deux mille trois deux mille cinq. Ce dernier a une fille, lycéenne, admiratrice d’Amélie Nothomb. Elle lui écrit et, la semaine suivante, le téléphone sonne chez les Blanchard. C’est Amélie qui est « très fière d’avoir une telle lectrice ». Voilà notre Blanchard sur le cul, admiratif de l’écrivaine et encore plus de sa fille, se demandant si elle ne serait pas plus brillante que lui.

    *

    Signe des temps : Causette, magazine féminin ou féministe ou entre les deux, doit faire son autocritique pour avoir présenté sous un jour indulgent l’histoire d’amour entre une prof et l’une de ses élèves mineures. Un texte digne des autocritiques autrefois en vigueur au Parti Communiste, qui commence ainsi : « Nous nous sommes plantés. Et pas qu’un peu. Avoir pu laisser penser, ne serait-ce qu’un quart de seconde, que Causette pouvait cautionner, accepter ou, pire, justifier une « atteinte sexuelle sur mineur » (qui n’a pas encore été jugée, mais c’est l’incrimination pénale qui a pour l’instant été retenue dans cette affaire), est évidemment grave. »

    En deux mille treize, Gabrielle Russier, suicidée dans sa prison pour les mêmes faits, est plus que morte.

    Partager via Gmail Yahoo!