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Charles Bukowski, la crise et ses conséquences
Je lis la biographie de Charles Bukowski, écrite par Neeli Cherkovski, publiée par Grasset en mil neuf cent quatre-vingt-treize. J’en suis encore à l’enfance, pas franchement gaie. Pour illustrer celle-ci, Cherkovski donne le début d’un poème de Bukowski, dont la poésie ne vaut pas la prose, romans et nouvelles, Women, Au sud de nulle part, Souvenirs d’un pas grand-chose, Le Postier, Les Contes de la folie ordinaire, Le Journal d’un vieux dégueulasse, et cætera, mais elle vaut quand même, cette poésie, d’être lue.
Bukowski est mort le neuf mars mil neuf cent quatre-vingt-quatorze. Son poème a été écrit en mil neuf cent quatre-vingt-huit. Il parle de la Crise de Vingt-Neuf, donc de maintenant, et d’aujourd’hui précisément, puisque c’est la Journée Internationale de la Femme. Ça commence comme ça :
appelez ça effet de serre ou ce que vous voudrez
le fait est qu’il ne pleut pas
comme d’habitude.
je me souviens tout particulièrement des pluies
de l’époque de la Dépression
il n’y avait pas le moindre sou mais il y avait
de la pluie à gogo.
les chômeurs
des perdants à une époque où tout n’était qu’échec
étaient prisonniers de leurs maisons avec leurs
femmes leurs enfants
et leurs
animaux domestiques.
les chômeurs devinrent fous
enfermés avec
leurs femmes autrefois jolies,
il y avait de terribles discussions
tandis que les avis de saisie
tombaient dans la boîte à lettres.
pluie et grêle, boites de haricots,
pain sans beurre…
mon père, qui ne fut jamais la bonté incarnée
dans le meilleur des cas, battait ma mère
quand il pleuvait
et je me jetais
entre eux,
les jambes, les genoux, les
cris
jusqu’à ce qu’ils
s’éloignent l’un de l’autre.