• Cinq vide greniers : Mont-Saint-Aignan (Village), Bonsecours, Le Mesnil-Esnard, Franqueville-Saint-Pierre, Rouen (île Lacroix)

    Quand je sors du lit ce dimanche avant la fin de la nuit, je découvre le tapage, heureusement non perceptible depuis ma chambre, que mettent dans la rue l’un des voisins d’en face et ses invité(e)s : filles qui gloussent, garçons aux rires bestiaux, musique d’étable, tous les mégots jetés par les fenêtres devant ma porte. Je plains les proches voisins, me douche, prends un grand bol de café, mets ma veste d’hiver et sors. À mon programme : cinq vide greniers mais le ciel est chargé de nuages noirs et je me demande si.

    Dans l’île Lacroix, on déballe doucement aussi monté-je directement à Mont-Saint-Aignan chez les bourgeois(es) du Village où je fais quelques affaires côté livres : Le Lièvre de Patagonie, les Mémoires de Claude Lanzmann publiés par Gallimard, et Le Convoi du 24 janvier de Charlotte Delbo aux Editions de Minuit. Point de cédés en revanche, bien qu’une vendeuse m’ait proposé La Traviata « Vous qui aimez la musique classique ». C’est que du Village provient une partie du public de l’Opéra, mais on y trouve aussi du populaire comme cette dame qui se plaint du désordre mis par la clientèle dans ses frusques pour bébé en ces termes : « Ils passent leur temps à bourriner dans les affaires ». Du côté du ciel, ça tient, mais tout le monde dit : « Keskiféfroi ».

    Quand j’ai fait trois ou quatre fois le tour, je reprends la voiture, redescends à Rouen et monte la côte de Bonsecours. Près de la basilique, on a déballé et là encore la chance est avec moi et quelle ! Au milieu de dizaines de livres à deux euros plus ou moins inintéressants que propose une dame, je découvre la Correspondance générale de Paul Léautaud, livre publié en mil neuf cent soixante-douze par Flammarion. Sans doute son contenu est-il le même que celui des deux tomes publiés ultérieurement par Dix/Dix-Huit mais qu’importe. Léautaud quand il fouillait chez les bouquinistes des bords de Seine et tombait sur un livre de Stendhal l’achetait systémiquement pour qu’il ne tombe pas en de mauvaises mains. J’ai ce même réflexe en ce qui le concerne. Les nuages passent toujours.

    Sans prendre le temps d’aller saluer José-Maria de Heredia et sa famille, je poursuis la route jusqu’au Mesnil-Esnard où une partie des exposant(e)s est installée dans une rue balayée par le vent glacé, de quoi avoir envie de pester et justement je trouve pour cinquante centimes, dans une autre rue, plus abritée, le Dictionnaire des injures québécoises d’Yvon Dulude et Jean-Claude Trait, publié au Québec chez Stanké. Trois gouttes d’eau affolent le monde, mais l’alerte est sans suite.

    Je vais encore plus loin, à Franqueville-Saint-Pierre, où le déballage est sur le parquigne du Super U, autrement dit en pleine froidure venteuse. Mon attention commence à fléchir. Peut-être est-ce pour cela que, malgré la présence de nombreux livres, je ne déniche pas de pépite.

    Il me reste à faire demi-tour et à redescendre (ce qui me prend du temps vu l’embouteillage). Je me gare sur le quai haut rive gauche et retourne à pied dans l’île Lacroix. Il est onze heures et demie, le vide grenier est envahi par une foule digne de la rue du Gros un samedi après-midi. Impossible de voir quoi que ce soit. Le mieux est de rentrer à la maison.

    A peine arrivé, j’attrape le balai pour faire glisser les mégots du voisin vers chez lui.

    *

    Bon, allez, je me mets au québécois : Va donc bourzaille, vlimeux, bôtpipeul, tchéqueur, vire-capot, jappeux, pisseminute, mâche-malo, boulshitteur, badlucké, utopisse, massothérapute, gérant-d’estrade, suppositoère, jaseux.

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