• Concert Basquiat's Black Kingdom au Kalif

    Il a fallu que je m’inscrive dans le moderne réseau social Effe Bé pour entendre parler des Lundis du Kalif (concerts gratuits ouverts aux adhérents), lesquels doivent pourtant avoir lieu depuis longtemps.

    Ce lundi soir me voici donc rejoignant à pied la lointaine frontière entre Rouen et Darnétal avec en tête une vague idée de l’endroit où se cache cette école de musique. Je passe sous l’entrée du tunnel de la Grand-Mare et commence à m’inquiéter, infoutu de trouver le numéro trente-trois de cette rue de Darnétal. Une chouette hulule du côté de l’Ecole d’Architecture. Arrive un coureur à casquette et à musique dans les oreilles. Je l’arrête et il me renseigne. Ce Kalif est au fond d’un parquigne dans une zone que l’obscurité m’empêche de décrire.

    Je ne suis donc pas en avance pour une fois, mais juste à l’heure. Je paie une cotisation de six euros et découvre une salle dont le bar occupe une grande partie. On y a installé une scène de fortune.

    C’est là qu’un peu plus tard s’exprime Basquiat's Black Kingdom, défini par la maison comme une « hydre musicale à six têtes et quatre guitares » qui revisite « trois décennies de musique décomplexée, donnant naissance à un étourdissant post-rock heavy, progressif et cotonneux, abrasif et menaçant ». On ne saurait mieux dire, me dis-je à l’écoute des six musiciens.

    J’aime les guitares électriques depuis le temps lointain des Shadows et des Spotniks, dont la musique fraîche et naïve n’a que peu à voir avec celle, sophistiquée, que je prends dans les oreilles. Désormais pour jouer de la guitare électrique il faut aussi se servir de ses pieds.

    Pas moins de six caméras filment la prestation de Basquiat's Black Kingdom et quelques appareils photos sont également de la partie dont l’un entre les mains d’un homme qui l’utilise exclusivement pour faire des images du batteur caché derrière les guitaristes, son fils à en juger par la ressemblance physique. Le sixième homme est au clavier, assez discret.

    Ce concert a un côté : utilisons à fond l’électricité tant qu’il en reste. A l’issue, il suscite peu d’applaudissements. Les musiciens sortent dans une sorte d’indifférence, sans rappel, au point que je me demande si ce n’était qu’une première partie, mais non, me répond le jeune homme à l’ordinateur, c’est fini.

    Il n’est pas tard quand je me laisse descendre vers le centre de Rouen, l’oreille droite un peu abrasée. Au loin brille la Tour des Archives. En contrebas, des joueurs de foute disputent un match sur une pelouse violemment éclairée, couleur vert chimique. Vingt-deux heures sonnent à l’église Saint-Vivien.

    Sitôt rentré, j’allume mon ordinateur. Un mail me confirme mon adhésion au Kalif.

    *

    A l’aller et au retour, je passe devant le Couvent des Pénitents où devait s’installer, sous le nom de [REZO], la Maison des Arts et des Artistes dans le mirifique programme de Valérie Fourneyron, la maire socialiste de Rouen.

    Je cite : « Trouver toutes les informations sur les spectacles, sur les pratiques artistiques amateurs, se retrouver autour d’une exposition, d’un café littéraire, philosophique, d’une librairie ou d’une conférence, accueillir les organisateurs de manifestations culturelles, disposer de salles de réunion, d’un bureau d’accueil des publics, voilà ce qu'est [REZO]. Un beau projet qui, mené à l’échelle de l’agglomération, pourrait trouver sa place au cœur de Rouen. En accord avec la Région, le Cloître des Pénitents, quartier Croix-de-Pierre, sera ce lieu. »

    Bientôt, ce Cloître ou Couvent des Pénitents qui héberge actuellement l’Agence Régionale de l’Environnement de Haute-Normandie (appelée à déménager prochainement) sera vendu au privé, a décidé Alain Le Vern, Président socialiste du Conseil Régional. Que les Arts et les Artistes aillent se faire voir et entendre ailleurs.

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    Sur la Seine un Archange passe, lente péniche noire. Derrière un peu plus loin arrive Delvaux. J’essaie d’entrevoir les fines jeunes filles nues cachées derrière la dentelle des rideaux blancs.

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