• Concert Béryl, Les Pieds s’entêtent, Trente-Deux au Cent Six

                Bien qu’au trente-deuxième dessous pour cause de décalage horaire et après avoir pris le thé dans le jardin avec celle qui est rentrée d’Amérique par un autre avion que le mien, venue voir sa famille, je prends à pied par le quai bas le chemin du Cent Six ce mardi vers dix-huit heures pour y entendre le duo Trente-Deux qui y donne concert à l’occasion de la sortie de son premier heupé. (Qu’est-ce qu’un heupé ? Un cédé avec pas beaucoup de chansons.)

                Trente-Deux n’y sont pas seules à l’affiche de ce concert gratuit. Y figurent aussi la chanteuse Béryl et le groupe Les Pieds s’entêtent, dont je découvre l’existence. Le vigile à l’entrée pour une fois sert à quelque chose, il s’emploie à compter les spectatrices et spectateurs qui tiendront à l’aise dans la petite salle.

                Béryl est une grande fille dont c’est le vrai prénom, dit-elle. Elle annonce une chanson d’amour à l’eau de rose et ce n’est pas du second degré. La suivante est de la même eau. Elle parle trop entre les morceaux, chante sa mise en musique du Pont Mirabeau d’Apollinaire qui ne fera pas oublier celle de Ferré, puis passe à l’anglais et j’aime un peu parce que je ne comprends pas ce qu’elle raconte malgré mon récent bain linguistique, puis elle revient au français et je me dis qu’elle aurait sa place dans la rue un soir de Fête de la Musique. Il n’empêche qu’elle a du succès, le public de la petite salle du Cent Six est en partie composé d’ami(e)s et de la famille, dont une ancêtre pour qui on est allé chercher une chaise.

                Les Pieds s’entêtent se composent de trois jeunes filles musiciennes (flûte traversière, violoncelle, batterie) et d’un guitariste chanteur que j’ai connu dans une autre vie puis trouvé parfois chantant Brassens rue Saint-Romain. Il interprète ce qu’on appelait autrefois de la chanson engagée et me fait un peu penser à Henri Tachan, n’échappant pas à l’écueil du tract politique chanté. Néanmoins cela tient la route. Les filles assurent et, en intermède, donnent en chœur une chanson d’anticipation sur la prochaine fin du monde qui n’a pas eu lieu. Pour le final, le groupe reprend de belle manière La Mauvaise Réputation.

                Trente-Deux sont égales à elles-mêmes, troisième fois que je les vois. Cependant l’usage du sampleur est en expansion, allongeant les morceaux et les noyant dans un habillage musical qui, me semble-t-il, les dessert. Trop de chantilly, me dis-je, regrettant que les jolies mélodies et les textes bien écrits ne puissent se suffire à eux-mêmes. Peut-être suis-je mal luné ce soir, car m’énerve prodigieusement l’insistante invitation de Claire la chanteuse à acheter l’heupé. J’y songeais en venant, mais n’en ai plus envie en partant, quand il est vendu à la criée, les ami(e)s et la famille l’ayant déjà

                Je rentre à pied par le quai haut, trouvant le chemin moins long que dans le passé, Avoir marché une dizaine de kilomètres par jour dans les villes nord-américaines a rendu Rouen encore plus petite.

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                Artiste, de ta famille et de tes ami(e)s tu n’écouteras pas les louanges.

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                Dans la masse de courrier trouvée à mon retour, un chèque sans mot d’explication. L’agence immobilière Cegimmo s’est enfin décidée à rembourser les trois euros prélevés par erreur sur mon compte en novembre deux mille onze. Cela lui aura coûté un euro zéro six, un premier courrier lui ayant été renvoyé par La Poste pour raison d’adresse illisible, l’énervement peut-être.

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