• Concert Chostakovitch et Schnittke à la Halle aux Toiles (pour l'Opéra de Rouen)

                Attente habituelle en haut de l’escalier avant d’entrer dans ce qui sert de salle de concert à la Halle aux Toiles où, ce mercredi soir, l’Opéra de Rouen programme de la musique dite de chambre. La bande des vieilles et vieux mélomanes s’agglutine autour de moi et la conversation roule sur Giovanna d’Arco, la Jeanne d’Arc de Verdi, dont la mise en scène en amuse plus d’un(e) :

                -C’était tout à fait Puy du Fou, dit l’une.

                -Ah, moi ça m’a fait penser à Thierry la Fronde, dit un autre.

                -Moi, ce qui m’énerve c’est que je n’ai pas vu le cochon annoncé sur le programme, se plaint un troisième (je ne suis donc pas le seul à ne pas avoir vu le porcin.).

                -Ah, le cochon, je sais tout, se vante un bien renseigné. Il était là aux répétitions mais on n’a pas voulu de lui parce qu’il grognait tout le temps.

                -Et ces gens qui ont lancé des roses sur la scène à la fin, dimanche après-midi (c’est vrai, j’ai oublié d’en parler), ça fait un peu dix-neuvième siècle, non ?

                -Oui, conclut une dernière, c’était un opéra pour ce vieux théâtre à Grand-Quevilly, comment s’appelle-t-il déjà, ah oui, Charles Dullin.

                Les portes s‘ouvrent, toute la bande s’engouffre et selon une technique bien rodée accapare les meilleures places. Je me case au deuxième rang côté piano. Aujourd’hui, c’est musique russe, soviétique même.

                Le premier Trio pour violon, violoncelle et piano de Dimitri Chostakovitch ouvre la soirée. Le pianiste, Raphaël Drouin, dit quelques mots, rappelant que ce trio est l’œuvre d’un musicien de dix-sept ans :

                -Je vais vous dire un secret que m’a confié madame Chostakovitch que j’ai eu la chance de rencontrer. Quand elle a retrouvé la partition de ce trio en mil neuf cent quatre-vingt-deux, les vingt dernières mesures étaient illisibles. On a donc fait appel à d’anciens élèves de Chostakovitch pour les réécrire.

                C’est un trio ardent et enjoué, dédié par le jeune Chostakovitch à son amoureuse d’alors, à l’époque où il accompagnait au piano les films muets dans un cinéma

                Le Quintette pour piano d’Alfred Schnittke prend la suite. Celui-ci, né de parents allemands ayant émigré en Union Soviétique, s’est fait connaître par ses musiques de film écrites parallèlement à des compostions dites classiques. Son Quintette pour piano, composé pour la mort de sa mère, est joué par les chambristes de l’Opéra de Rouen accompagné(e)s du pianiste Christian Erbslöh. C’est une musique austère qui bien vite m’ennuie. J’ai l’œil sur la partition et il me tarde que la tourneuse de pages en soit à la dernière.

                Pour finir, c’est le second Trio pour violon, violoncelle et piano de Chostakovitch, composé en mil neuf cent quarante-quatre après la mort d’un ami. Rien de triste. Raphaël Drouin, de nouveau au piano, joue cela sans partition. Je lis sur le programme qu’il est doué d’une mémoire prodigieuse et qu’il peut jouer ainsi, par cœur, pas moins de quatre-vingts œuvres de musique de chambre.

                Je découvre aussi que ce jeune homme n’est pas seulement très doué, il est également éclectique, bien investi dans la musique dite de variété : arrangeur pour Jean Guidoni, accompagnateur pour Hauchecorne, réalisateur d’un remix de Ding, dang, dong des Rita Mitsouko, et cætera. Quelqu’un de bien intéressant donc.

                En définitive, c’est une bonne soirée, d’autant que les violonistes (Teona Kharadze et Elena Pease) et l’altiste (Stéphanie Lalizet) ne sont pas seulement musiciennes talentueuses mais également bien agréables à regarder

                Je quitte cette Halle aux Toiles trop chauffée, slalomant parmi le public rouennais de musique de chambre dont la moyenne d’âge doit être dans les soixante, soixante-cinq ans, Peu de toux ce soir, on semble en bonne forme physique en ce début d’automne deux mille huit.

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