• Concert Debussy, Ravel, Wagner à l’Opéra de Rouen (avec bien du mal pour obtenir un billet)

    Jeudi après-midi, malgré mon mal de pied, je passe pour la troisième fois à l’Opéra de Rouen où j’espère qu’une place se sera libérée pour le concert du jour (il paraît que c’est complet).

    « Non » répond la guichetière à ma question. Je remonte la rue de la Jeanne jusqu’au cabinet de radiologie où l’on fait des images de l’intérieur de mon pied gauche. « Pas d’arthrose » me dit la radiologue « peut-être une tendinite ».

    Un peu avant dix-neuf heures, sous un ciel menaçant, je suis devant l’Opéra. A côté, une banderole décore la Chambre de Commerce et d’Industrie. J’en note le texte sur mon carnet : « Sur l’axe Seine, au fil de l’eau l’économie impressionne ». Il s’agit d’une exposition du festival Normandie Impressionniste, money et mots niais.

    A l’ouverture des portes, nous sommes un certain nombre à vouloir une place, des non abonné(e)s et des abonné(e)s, d’abord séparé(e)s en deux files par des guichetières visiblement pas prêtes, puis rassemblé(e)s en une seul file, bref traité(e)s comme bétail, ce qui, je le fais savoir verbalement avec l’amabilité qu’on me connaît, m’irrite au plus haut point, et toujours officiellement aucune place.

    Celui qui s’impatiente derrière moi, abonné aussi, juge qu’au minimum il aurait dû exister une liste d’attente comme dans les aéroports afin que l’on ne soit pas obligé d’attendre comme des veaux.

    Soudain, sans que quiconque ne soit venu rendre des billets, la guichetière se met à en vendre à tour de bras. La file avance à grands pas. C’est à moi. J’ai une place en loge de corbeille.

    Cinq minutes avant le début du concert, des étudiant(e)s s’installent avec des billets de dernière minute et à la fermeture des portes il reste au moins quinze places libres. J’imagine qu’aux premier et second balcons il en reste bien davantage.

    La musique ce soir est estampillée Normandie Impressionniste. David Greilsammer, pianiste invité, est souffrant et remplacé par Georges Pludermacher, le programme modifié en conséquence.

    Il débute avec le Prélude à l’après-midi d’un faune de Claude Debussy, qui m’ennuie, tandis que la pluie se fait entendre sur le toit de la maison. Je ne m’anime qu’avec le Concerto pour piano en sol de Maurice Ravel, pour lequel Georges Pludermacher reçoit moult applaudissements qui nous valent un supplément de programme :

    -Je devrais jouer Jardin sous la pluie de Debussy, nous dit notre pianiste, mais je ne l’ai pas dans les doigts.

    Il joue donc autre chose dont je n’entends ni le titre ni le compositeur puis en deuxième rappel l’Ondine de Maurice Ravel et emporte avec lui la sympathie du public.

    Pendant l’entracte, l’orage continue, Rouen luit. On me demande si j’étais au vernissage de l’exposition Emaux atmosphériques (la céramique « impressionniste ») au Musée de la Céramique. Non, j’ai oublié.

    Ça ne m’empêche pas d’en parler. Il paraît que j’aurais été bien content car Valérie Fourneyron, Maire de Rouen, dans son discours ne cessait d’employer le mot « fabuleux », tandis qu’à ses côtés, muet et souriant, se tenait Laurent le Fabuleux.

    Le concert reprend avec le Prélude de l’acte un de Lohengrin de Richard Wagner. L’orage est toujours là, grondant. Les percussionnistes se regardent et sourient de cet encombrant concurrent.

    Pour finir en beauté, c’est La Mer de Claude Debussy, gros succès pour l’Orchestre et son chef Oswald Sallaberger.

    -Ce soir, c’était un peu Singin’ in the Rain, nous dit-il.

    Il reste suffisamment d’eau dans les rues pour que je fasse le Gene Kelly en rentrant. Seul mon pied douloureux m’en empêche.

    *

    Je me souviens d’Yves Montand disant : « Quand tu es vieux, si un jour tu te réveilles sans avoir mal quelque part, c’est que tu es mort ».

    *

    Vendredi soir, comptant réviser mon Bach avec le Conservatoire, je me présente une demi-heure avant le concert à la porte de l’église Saint-Maclou. Elle est curieusement close. J’attends un peu, près de la Banque du miel, œuvre d’art où bourdonnent les abeilles. Deux femmes se heurtent également à la porte et repartent. Je choisis moi aussi de rentrer, croisant rue Saint-Romain des dadais qui se dirigent vers le foute leur paque de bière à la main.

    Partager via Gmail Yahoo!