• Concert Luciano Berio et Philippe Hersant à la Halle aux Toiles (pour l'Opéra de Rouen)

                Dernier concert de musique de chambre de la saison pour l’Opéra de Rouen, ce lundi soir, et comme souvent cela se passe à la Halle aux Toiles d’où une file d’attente impatiente devant les portes fermées de ce qu’il faut bien appeler une salle de spectacle. Autour de moi, on parle.

                On plaint Thérèse qui doit aller faire sa chimiothérapie à Becquerel. Accessoirement, on trouve que Thérèse est un prénom démodé. On se réjouit de revoir Oswald Sallaberger, même si c’est seulement comme violoniste. On fait un effort de mémoire pour se remémorer la dernière fois où on l’a vu comme chef d’orchestre de l’Opéra. On suppose que c’était au concert du Nouvel An au Zénith. Accessoirement, on dit du mal du Zénith. On trouve que les rues de Rouen étaient bien désertes ce soir. On se demande ce qui se passe. On annonce une très bonne pièce de Lorca à Paris. On se plaint de devoir attendre alors que tout est prêt dans la salle. On se réjouit a contrario de tenir encore debout. On déplore qu'Anna Gavalda change de style dans son nouveau roman, c'est difficile à lire. On vante une conférence sur la dorure organisée par les Amis de Saint-Wandrille. Accessoirement, on regrette que le repas qui suivra soit réservé aux membres de cette association et les portes s’ouvrent à mon grand soulagement.

                Jane Peters et Oswald Sallaberger jouent les Trente-quatre duetti pour deux violons composés par Luciano Berio entre mil neuf cent soixante-dix-neuf et quatre-vingt-trois à l’image des exercices de Léopold Mozart et en référence aux Quarante-quatre duos pour deux violons de Bélà Bartok, une musique assez virtuose et prenante bien qu’une ou deux fois je me demande où ils en sont dans les trente-quatre et combien il en reste.

                -Je préfère le jeu de Jane à celui d’Oswald, dit ma voisine (dont je tais le nom) à la fin de cette première partie de concert.

                -Tiens, Naoko porte des lunettes maintenant, s’étonne-t-elle lorsque arrivent les six musicien(ne)s nécessaires à la suite.

                Elle appelle les musicien(ne)s par leur prénom, comme de vieilles connaissances, un effet secondaire de l’abonnement à l’Opéra. Moi aussi, je vois bien que Naoko porte des lunettes pour la première fois. Elle a bien choisi le modèle. Cela n’enlève rien à son charme.

                La suite, c’est Im fremden Land (en terre étrangère) de Philippe Hersant, une œuvre écrite en hommage à Olivier Greif, compositeur mort prématurément en deux mille, et qui s’inspire d’une très ancienne chanson allemande éponyme. C'est en cinq mouvements, violents et douloureux, avec plainte finale de la clarinette, jouée talentueusement par Naoko Yoshimura, née à Hiroshima, bien après l’explosion.

                Philippe Hersant est dans la salle et vient saluer avec les musicien(ne)s. Une fois encore, cela valait la peine d’attendre puis d’être mal assis à la Halle aux Toiles.

    Partager via Gmail Yahoo!